3. Synthèse des travaux scientifiques
3.3. Maître de Conférence à l’UVSQ
3.3.2. Validation des tholins de PAMPRE comme analogues d’aérosols de Titan . 32
L’adéquation entre les tholins de PAMPRE (voir Figure 13) et les aérosols de Titan est
progressivement confirmée par l’identification de signatures communes aux deux
matériaux.
Rannou et al., 2010 ont récemment identifié par exploitation des données de transmission
tangentielles de l’instrument VIMS de Cassini une bande d’absorption IR à 3.4 µm
caractéristique d’une signature de fonctions aliphatiques (modes de stretching de
groupements -CH
2-/-CH
3) dans les aérosols de Titan. Il souligne le fait que cette bande
est prédominante dans le même domaine spectral pour les tholins de PAMPRE et publiée
dans l’article Quirico et al., 2008.
Figure 13 : Photo du dépôt et de la récolte de poudres dans le cristallisoir au bout de quelques heures d'expérience en plasma continu d'azote-méthane.
La transmission atmosphérique du rayonnement lointain infrarouge tellurique est aussi
analysée par l’instrument CIRS de Cassini, qui a permis de mettre récemment en
évidence des signatures spectrales des aérosols de Titan dans le moyen et le lointain
infrarouge (Anderson et Samuelson, 2011; Vinatier et al., 2010).
Nous avons donc réalisé des mesures sur une ligne IR (moyen et lointain) du synchrotron
SOLEIL en décembre 2010, en étendant les mesures sur les tholins dans le domaine
spectral du lointain infra-rouge. Cette étude de confrontation des propriétés d’absorption
infra-rouge avec les propriétés des aérosols de Titan est effectuée en collaboration avec
des scientifiques travaillant sur les données CIRS (S. Vinatier, LESIA Meudon, et C.
Anderson & R. Samuelson au Goddard Space Flight Center, Washigton DC, USA) (article
en préparation.
1 2 4 5 6 8 10
97 97.5 98 98.5 99 99.5 100 3 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8 wavelength (µm) T ra n s m is s io n ( % )
Figure 14 : (Bas) bande d’absorption infra-rouge à 3.4 µm d’un tholin de PAMPRE; (Haut) Même absorption mesurée par transmission tangentielle des aerosols de Titan par l’instrument VIMS de
Cassini (Rannou et al., 2010).
Nous avons d’autre part mené un travail considérable sur l’analyse chimique des tholins
de PAMPRE par spectrométrie de masse (Carrasco et al., 2009; Pernot et al., 2010) en
collaboration avec l’Institut des Substances Naturelles (Gif Sur Yvette), le Laboratoire de
Chimie-Physique (Orsay), le Laboratoire Génie des Procédés et Matériaux (Ecole
Centrale, Chatenay Malabry) et le Laboratoire de Planétologie de Grenoble.
Figure 15: (Bleu) Spectres de masse mesuré par CAPS-IBS lors des survols T40 et T57 de Cassini à 1015km d’altitude. (Noir) Spectre de masse des tholins de PAMPRE à haute résolution (Pernot et al., 2010). (Rouge) Spectre de masse des tholins, avec une résolution dégradée, identique à celle de
Ces travaux ont permis de montrer une grande similitude entre les spectres de masse des
ions lourds, m/z > 100, mesurés par l’instrument CAPS-IBS de Cassini dans l’ionosphère
de Titan et ceux des tholins de PAMPRE (Westlake et al., 2011). Ceci suggère des
processus identiques dans l’ionosphère de Titan et dans le plasma de PAMPRE pour la
formation des espèces organiques lourdes (voir Figure 15).
3.3.3. Validation de la composition gazeuse, neutre et ionique
En installant un spectromètre de masse in situ sur l’expérience en 2007, et en développant
également un système de piège cryogénique sur l’expérience en 2009, nous avons
commencé à travailler sur la compréhension de l’évolution du mélange gazeux avec
l’allumage du plasma.
Le travail publié dans Gautier et al., 2011 a permis de mettre en évidence une croissance
au sein d’une famille de nitriles (les mono-nitrile saturés) en accord quantitatif avec les
concentrations relatives observées dans l’atmosphère de Titan (voir Figure 16). Ces
résultats montrent que même si les concentrations absolues des produits formés ne sont
pas les mêmes dans le plasma de PAMPRE et dans le plasma naturel que constitue
l’ionosphère de Titan, les évolutions relatives entre produits d’une même famille sont
comparables. L’expérience de laboratoire va donc nous permettre de comprendre les
processus de croissance, voire d’identifier et de prédire la production de nouveaux
composés dans l’atmosphère de Titan, en dessous du seuil actuel de détection des
instruments de Cassini. L’article correspondant est fourni en annexe parmi les cinq
publications les plus significatives de ce travail.
Figure 16 : concentration relative des nitriles en fonction du nombre de carbones dans les molécules. Les points rouge, vert et bleu représentent les points expérimentaux de différentes
expériences menées sur PAMPRE. Les courbes bleues représentent la modélisation en loi de puissance de ces points expérimentaux. Les autres symboles (noirs et blancs) représentent les données d’observations de Cassini tirées d’observations CIRS à 300 km et INMS à 1100 km (Vuitton
et al., 2007), ainsi que du modèle de Lavvas et al., 2008.
Les ions formés dans un plasma RF d’un mélange 50-50 d’azote-méthane, dans un
plasma d’azote pur et dans un plasma de méthane pur sont mesurés par spectrométrie de
masse par Mutsukura, 2001 et comparés et analysés par Carrasco et al., 2011 (voir Figure
17). Les ions de masse supérieure à 20 u dans le plasma de mélange sont très différents
des ions formés dans les plasmas de méthane et d’azote purs : il s’agit d’ions organiques
ayant incorporés de l’azote C
xH
yN
z+, notamment des nitriles et des imines protonés. Ces
ions majoritaires sont les mêmes que les ions majoritaires de l’ionosphère de Titan
mesurés par l’instrument INMS, confirmant dans un plasma de laboratoire la nature et la
richesse du mélange ionique détecté in situ par Cassini.
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 m/z In te n s it ie s ( A U ) N2-CH4 50-50 RF plasma plasma N2 plasma CH4 NH4 + CH2NH2 + CH3CNH+ CH3CHNH2 + HCNH+ CH5 +
Figure 17 : Spectres de masse des ions mesurés dans un plasma RF d’azote pur, de methane pur et d’un mélange 50-50 d’azote-méthane (Carrasco et al., 2011)