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RESULTATS ET DISCUSSION

II. Validation des conditions de stress oxydant

Effets du SO sur la viabilité cellulaire et la production de ROS

L’induction du stress oxydant est réalisée par ajout de peroxyde d’hydrogène (H2O2) dans le milieu de culture des cellules à une concentration de 500 µM. La durée de stress correspond au temps de culture des cellules en présence d’H2O2. Ces conditions de stress avaient été mises au point au cours de la thèse du docteur Jean-Vincent Philippe. Afin de vérifier l’efficacité du stress sur nos cellules HeLa S3, nous avons tout d’abord étudié l’effet de ces conditions sur la viabilité cellulaire grâce au test Vybrant MTT (Invitrogen). Le test MTT est une méthode colorimétrique permettant d’évaluer la viabilité en mesurant l’activité métabolique des cellules : le MTT est un sel de tétrazoium qui est réduit en formazan par la succinate déshydrogénase mitochondriale des cellules vivantes. Les analyses ont été réalisées 20 minutes, 1, 2, 4, 8, 16 ou 24 heures après l’induction du stress et les résultats obtenus sont illustrés dans la Figure R5A.

Ces données montrent une très forte diminution de la viabilité cellulaire au cours des 20 premières minutes avec une perte de près de 40% des cellules. Cette phase est suivie d’une diminution plus modérée, mais progressive jusqu’à 16 heures après l’induction du stress. A 16 heures, seulement 18% des cellules sont viables. Entre 16h et 24h, la viabilité double passant de 18% à environ 40%. Le taux de cellules viables 24h après l’induction du stress est en adéquation avec ce qui a pu être observé dans d’autres études utilisant un traitement similaire sur d’autres lignées cellulaires (Cote et al., 2012; Disher and Skandalis, 2007). Nos conditions de stress impactent donc fortement la viabilité cellulaire au cours des 16 premières heures suivant le début du stress. Cette première phase est alors suivie par une phase de récupération des cellules à partir de 16h. Il est à noter que la viabilité cellulaire ne diminue pas entre les temps 1 et 2 heures, indiquant la possible existence d’une première phase d’adaptation et de récupération au niveau de ces temps.

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En parallèle, j’ai analysé l’effet du stress oxydant sur le taux de ROS intracellulaires (Figure R5B). On constate que la diminution de la viabilité cellulaire est globalement corrélée à une augmentation du taux de ROS intracellulaires et que les phases de récupération des cellules sont associées à une diminution du taux de ROS. La première forte diminution des ROS correspond au temps de ralentissement de la diminution de la viabilité et la phase de récupération (II) des Figure R5 : Analyse cinétique de la cytotoxicité et de l’induction de ROS par l’H2O2 dans des cellules HeLa. (A) Cinétique de viabilité cellulaire suite à un stress oxydant réalisé avec une dose de 500 µM H2O2. La viabilité cellulaire a été analysée par emploi du test MTT 20 min, 1h, 2h, 4h, 8h, 16h et 24h après induction du stress. La viabilité cellulaire est exprimée en % de cellules vivantes par rapport aux cellules contrôles non stressées. (B) Cinétique d’induction des ROS intracellulaires suite à un stress oxydant réalisé avec une dose de 500 µM H2O2. Le dosage des ROS intracellulaires a été réalisé par emploi du H2DCFDA 20 min, 1h, 2h, 4h, 8h, 16h et 24h après induction du stress. Le niveau de ROS intracellulaires dans les cellules non traitées est utilisé comme référence pour déterminer le taux d’induction des ROS dans les cellules exposées à l’H2O2. Chaque barre d’erreur représente la valeur +/- de l’erreur standard (n=3 ; * P<0,05 ; ** P<0,01 par rapport aux cellules non stressées). L’existence de deux phases de réponses au stress oxydant : une phase précoce (1-4 heures) et une phase tardive (16-24 heures) associée à une reprise de l’activité métabolique est indiquée.

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cellules est associée à la deuxième diminution des ROS. Ces données sont donc en parfait accord avec notre hypothèse d’une réponse en 2 phases.

Validation de 53BP1 comme marqueur de stress en immunofluorescence

Ces différents tests ne rendant pas compte de l’hétérogénéité de la réponse cellulaire, nous avons poursuivi notre caractérisation du stress avec un marqueur visible en immunofluorescence. Pour cela, nous avons utilisé la propriété du SO de générer un grand nombre de cassures double brin de l’ADN et d’induire la relocalisation de la protéine 53BP1 sur ces cassures (Ward et al., 2003) (Figure R6A). Grâce au protocole « Substructure Analyzer » que j’ai développé, j’ai pu quantifier précisément et suivre le nombre de foci nucléaires 53BP1 après différents temps de traitement des cellules HeLa S3 avec H2O2 (Figure R6B).

Figure R6. Cinétique de la distribution nucléoplasmique de 53BP1 après un stress oxydant.

(A) Détection des foci 53BP1 par immunofluorescence dans les cellules HeLa S3 non traitées ou traitées avec 500 µM d’H2O2. Les cellules ont été fixées et co-marquées avec un anticorps anti-53BP1 (canal vert) et un marqueur ADN (DAPI, canal bleu). (B) Quantification du nombre de foci 53BP1 basée sur plus de 100 cellules par condition dans 3 expériences indépendantes et avec différents temps de traitement H2O2 (2h, 4h, 6h, 8h, 20h). L’analyse des données via un T-test montre une augmentation significative du nombre de foci 53BP1 quelle que soit la durée du stress oxydant (*** : p<0.001).

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Ainsi, quelle que soit la durée du traitement H2O2, on observe des foci 53BP1, reflétant la présence de cassure double brin de d’ADN. Pour chaque temps de la cinétique, les données générées grâce au protocole ont été utilisées pour réaliser des courbes ROC (Receiver Operating Characteristic) afin de déterminer les seuils optimaux de nombre de foci 53BP1 permettant de distinguer les cellules stressées et non stressées. Ces valeurs sont reportées dans le Tableau R1. Les seuils sont accompagnés de différents paramètres (Sensibilité et spécificité du test, nombre de faux positifs/négatifs, nombre de vrais positifs/négatifs).

Sur la base de ce tableau, nous avons considéré que les cellules présentant plus de 16 foci nucléaires 53BP1 sont stressées. Ce critère sera utilisé par la suite pour discriminer les cellules stressées des cellules non stressées dans les études d’immunofluorescence.

Evaluation de la prolifération cellulaire

Afin de compléter la caractérisation des effets de nos conditions de SO sur les cellules HeLa S3, j’ai suivi la prolifération cellulaire en immunofluorescence en utilisant la protéine Ki67 comme marqueur, en co-marquage avec 53BP1. Cette dernière, identifiée pour la première fois en tant qu’antigène dans les noyaux de cellules de lymphome de Hodgkin (Gerdes et al., 1983), est fortement exprimée au cours du cycle cellulaire et sous-exprimée dans les cellules quiescentes en phase G0, le signal de Ki67 étant à peine visible à l’œil nu dans les cellules non prolifératives (Figure R7A)(Gerdes et al., 1984). Grâce à mon protocole « Substructure Analyzer », j’ai comparé Tableau R1 Test ROC (Receiver Operating Characteristic) entre cellules stressées et non stressées au cours de la cinétique de temps

Seuil : nombre de foci 53BP1 considérés pour le test ROC. VP : Vrai positif ; VN : Vrai négatif ; FP : Faux positif; FN : Faux négatif

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l’intensité moyenne du signal de Ki67, qui reflète directement le niveau d’expression de la protéine, dans les noyaux de cellules non stressées et stressées. Toutes les images ont été analysées dans le format 8-bit, signifiant que la valeur de chaque pixel est comprise entre 0 et 255. Pour chaque condition (Non stressée, 2h et 4h après induction du stress), environ 150 cellules ont été analysées. Les distributions de l’intensité nucléaire moyenne de Ki67 pour chaque condition ont été représentées sous forme de boxplot dans la Figure R7B.

Ces données montrent que les cellules des conditions témoins et stressées présentent des profils de distribution d’intensité très similaires, suggérant que le stress n’a pas d’impact significatif sur la proportion de cellules en phase G0. Ces premières distributions ont été réalisées à partir des données de toutes les cellules de chacune des conditions (Non stressée, 2h et 4h après induction du stress), sans prendre en compte l’état de stress de la cellule via le nombre de foci 53BP1. Le graphe de la figure R7C, représente l’intensité moyenne de Ki67 en fonction du nombre de foci nucléaires 53BP1 par cellule afin de vérifier si une relation entre ces deux paramètres existe. Nos données montrent que les cellules stressées (nombre de foci 53BP1 >16) ne présentent pas une intensité de Ki67 différentes des cellules non stressées, par conséquent nos conditions de SO ne semblent pas induire un blocage en phase G0.

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Des données récentes ont montré que la protéine Ki-67 présente des patterns de distribution nucléaire spécifiques du cycle cellulaire au sein des cellules HeLa S3 (Matheson and Kaufman, 2016) (Figure R8A). J’ai donc entrepris de développer un protocole d’analyse sur le logiciel Icy pour reconnaitre ces patterns. Cela permettrait d’analyser des données d’immunofluorescence en fonction de la phase du cycle dans lequel se trouve la cellule (Figure R8B). Ce protocole est actuellement en cours de développement.

Figure R7. Quantification de la protéine Ki67 en immunofluorescence dans des cellules traitées ou non par H2O2.

(A) Détection par immunofluorescence des protéines 53BP1 (jaune) et Ki67 (magenta) dans les noyaux (cyan) de cellules HeLa S3. (B) Quantification de l’intensité moyenne de Ki67 dans des cellules non stressées (NS), ou traitées pendant 2h ou 4h avec H2O2. (C) Représentation de l’intensité moyenne de Ki67 nucléaire et du nombre de foci 53BP1 par noyau cellulaire.

Figure R8. Ki-67, un marqueur de phase du cycle cellulaire.

(A) Des cellules HeLa S3 sont marquées avec du DAPI pour visualiser le noyau (bleu) et un anticorps anti Ki-67 pour montrer les profils de marquage de Ki-67 en fonction du stade du cycle cellulaire. (B) Schéma du projet de protocole pour identifier les profils de distribution de Ki-67 liés au cycle cellulaire.

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Analyse des effets du stress oxydant sur le cycle cellulaire

Afin de compléter les données sur la prolifération cellulaire, nous avons étudié par cytométrie en flux les effets de nos conditions de stress oxydant sur le cycle cellulaire (Figure R9). L'iodure de propidium (IP) a été utilisé pour marquer les cellules. En effet, l’IP (excitation= 538 nm ; émission= 617 nm) est un fluochrome qui s'intercale dans les acides nucléiques en émettant une fluorescence rouge. En présence de RNAse, la quantité d'IP est proportionnelle à la quantité d'ADN. L'IP permettant une analyse stochiométrique de l'ADN, il est bien adapté à l'étude du cycle cellulaire et de la ploïdie. En accord avec nos données obtenues avec le test MTT, nous constatons, après 2h de stress, une augmentation de la population de cellules en phase sub-G1 caractéristique des cellules en phase apoptotique (Figure R9A). L’analyse détaillée des phases du cycle cellulaire montre une augmentation de la proportion de cellules en phase S (de 39% à 59%, Figure R9B), 2h après l’induction du stress oxydant. Cet effet persiste, mais décroit progressivement aux temps 4h, 6h et 8h jusqu’à disparaître complètement à partir de 20h. Cette variation corrèle avec une diminution de la proportion de cellules en phase G2/Mitose alors que les phases G0 et G1 ne semblent pas affectées. Ces résultats suggèrent que le traitement à 500µM de H2O2 induit un blocage des cellules HeLa S3 en phase S. En effet, la formation de dommages à l’ADN et donc l’activation des systèmes de réparation du génome sont souvent à l’origine d’un blocage en phase S. Ces données corrèlent avec l’augmentation du nombre de foci 53BP1 et donc de cassures doubles brins de l’ADN induites par ce même stress oxydant.

Pour résumer les données de caractérisation du stress oxydant : l’analyse de la production de ROS intracellulaires et de la viabilité cellulaire supportent un modèle de réponse au stress oxydant en 2 phases, avec une phase précoce (1h-8h) au cours de laquelle i) la concentration effective en H2O2 dans le milieu de culture est encore élevée (car le temps de demi-vie estimé de l’H2O2 dans le milieu de culture est d’environ 8h), ii) de nombreuses lésions de l’ADN sont détectées, et iii) le cycle cellulaire est bloqué avant l’entrée en mitose afin de permettre à la cellule de réparer ces lésions. Cette 1ère phase est suivie d’une phase dite tardive (16h-24h), associée à i) une faible concentration résiduelle d’H2O2 dans le milieu de culture, ii) à la réparation des cassures double-brin qui restent certes présentes, mais dont le nombre diminue pour

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finalement quasi totalement disparaitre environ 36h après l’induction du stress (communication personnelle JV Philippe), iii) à la reprise de la mitose et iv) à la reprise de l’activité métabolique.