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TABLE DES MATIERES

IV. Le stress oxydant

Définition des ROS et fonctions physiologiques

a) Définition des ROS

Toutes les cellules du vivant sont soumises aux variations de facteurs biochimiques et physiques, générant tous types de stress et constituant un véritable défi pour le maintien de l’homéostasie cellulaire. Ainsi, les organismes concernés par le métabolisme aérobie sont exposés à des espèces réactives pouvant être classifiées en 4 grands groupes : les espèces réactives de l’oxygène (ERO ou ROS for Reactive Oxygen Species), de l’azote (ERN), du soufre (ERS) et du chlore (ERC). Les ROS, radicalaires ou non radicalaires sont les produits les plus abondants de ce type de métabolisme, et la réduction partielle de leur atome d’oxygène leur confère une forte capacité oxydante. Leur formation peut être issue de sources exogènes (rayonnements ultra-violet, radiations ionisantes, ozone, polluants, toxines environnementales, agents chimiques…) ou endogènes. Chez les mammifères, la production endogène de ROS se fait majoritairement via des systèmes enzymatiques tels que le complexe transmembranaire NADPH oxidase ou Nox (Nicotinamide Adenine Dinucleotide Phosphatenicotinamide oxidase), la xanthine oxidase (XO) et la chaîne mitochondriale de transport d’électrons (Figure I18). L’homéostasie redox cellulaire ou balance redox repose sur un équilibre entre la production des ROS et la diminution de leur niveau intracellulaire grâce à des mécanismes enzymatique de défenses anti-oxydantes (Superoxide dismutase (SOD),

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Glutathione peroxidase (GPX), Catalases, Peroxiredoxine (PRX)) et des petites molécules anti-oxydantes (Glutathion, Vitamines E et C).

b) Fonctions physiologiques des ROS

Lorsque leur concentration est faible ou modérée, les ROS sont impliquées dans de nombreuses fonctions physiologiques activant certaines voies de signalisation cellulaire (Figure I19), si bien que leur disponibilité est étroitement régulée par les défenses antioxydantes. Les ROS Figure I18. Principales voies de production et de métabolisation des ROS chez les cellules eucaryotes

La formation du radical superoxyde (O2.-) peut être induite par des sources endogènes (NADPH oxydases, xanthine oxydase, chaîne respiratoire mitochondriale…) ou exogènes. Le radical est ensuite pris en charge par l’enzyme superoxyde dismutase (SOD) pour être transformé en peroxyde d’hydrogène (H2O2). Cette molécule est piégée par la glutathione peroxidase (GPx) qui nécessite le glutathion réduit (GSH) en tant que donneur d’électron. Le glutathion oxydé (GSSG) est réduit en GSH par l’enzyme glutathione réductase (Gred) qui utilise le NADPH comme donneur d’électron. Certains métaux de transition (Fe2+, Cu+, et autres) peuvent induire la formation du radical hydroxyl (OH.), via la réaction de Fenton). Ce radical très réactif interagit rapidement avec diverses biomolécules situées à proximités, mais il peut aussi être réduit en H2O non délétère pour la cellule.

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sont les acteurs d’une véritable signalisation redox à l’image des ROS dérivés du système Nox qui activent d’importantes voies de survie cellulaires comme la voie mitogen-activated protein kinase (MAPK) (Patten et al., 2010). Certaines ROS activent des facteurs de transcription tel que Nrf2 (Nuclear factor erythroid 2-related factor 2), un facteur modulant l’expression de plusieurs enzymes anti-oxydantes (SOD, PRX, GPX)(de Vries et al., 2008). L’activation des facteurs de transcriptions par les ROS peut réguler l’expression de plus de 500 gènes incluant des facteurs de croissance, des cytokines inflammatoires, des chemokines, des molécules régulant le cycle cellulaire et des molécules anti-inflammatoires. Le peroxyde d’hydrogène que nous avons utilisé au cours de cette étude pour générer le stress présente aussi des fonctions physiologiques importantes. H2O2 est généré en réponse à différents stimuli incluant les cytokines et les facteurs de croissance. Il est aussi impliqué dans la régulation de processus biologiques comme le système immunitaire et le remodelage vasculaire chez les mammifères (Geiszt and Leto, 2004) ou la cloture stomatale et la croissance des racines de plantes (Foreman et al., 2003; Laloi et al., 2004).

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Définition d’un stress oxydant et dommages dans la cellule

a) Définition et origines du stress oxydant

Dans la nature, peu d’organismes vivent dans des conditions physico-chimiques qui leurs sont parfaitement adaptées. En effet, les organismes sont soumis à des contraintes extérieures imposées par l’environnement dans lequel ils évoluent et auxquelles ils doivent s’adapter comme la température, le rayonnement UV et les espèces réactives de l’oxygène. On considère qu’une cellule est soumise à un stress cellulaire lorsqu’elle est soumise à une variation physico-chimique, imposée par son environnement, qui modifie son homéostasie en perturbant son métabolisme. Ainsi, lorsqu’elle est exposée à une accumulation excessive de ROS qui surpasse les défenses anti-oxydantes, la cellule est en état de stress oxydant. Ce déséquilibre de la balance redox peut être Figure I19. Voies de signalisations cellulaires majeures régulées par les ROS (adapté de Ray et al., 2012) Les ROS sont impliqués dans la régulation de plusieurs voies de signalisation via leur interaction avec des molécules clés de la signalisation. Les voies concernées sont liées à de nombreux processus cellulaires tels que la prolifération, le métabolisme, la différentiation et la survie (apoptosis signal-regulated kinase 1 (ASK1), PI3 kinase(PI3K), protein tyrosine phosphatase (PTP), et Src homology 2 domain-containing (Shc)). Ces voies sont également impliquées dans la réponse anti-oxydante et anti-inflammatoire (thioredoxin (TRX), redox-factor 1 (Ref-1), et NFE2-like 2 (Nrf-2)), l’homéostasie du fer (iron regulatory protein (IRP)) et la réponse aux dommages de l’ADN (ataxia-telangiectasia mutated (ATM)).

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dû à une forte augmentation de la production de ROS et/ou à un dysfonctionnement des systèmes anti-oxydants.

b) Effets/dommage du stress oxydant

A travers leurs propriétés chimiques, les ROS et plus particulièrement les espèces radicalaires sont très réactives. En effet, elles sont capables de réagir avec un grand nombre de biomolécules et sont impliquées dans la formation de différents dommages cellulaires comme l’oxidation des protéines, la péroxidation des lipides ou l’altération chimique des bases azotées des acides nucléiques. L’oxydation des protéines cause principalement la fragmentation du squelette peptidique, l’altération de leur conformation et la formation de liaisons intermoléculaires anormales (ponts disulfures, ponts dityrosine…) conduisant à la formation d’agrégats protéiques toxiques. Ces derniers sont notamment impliqués dans l’apparition de maladies neurodégénératives. La péroxydation des lipides affecte particulièrement les propriétés physico-chimiques des membranes cellulaires. Il existe de nombreux types de dommages de l’ADN causes par les ROS (Cooke et al., 2003). La plupart d’entre eux conduisent à des mutations où la formation de cassures des brins d’AND. Par exemple, les guanines sont oxydées par le radical OH. en 8 oxoguanine (8-oxoG) qui forme une paire de base avec une Adénine plutôt qu’une Cytosine (Shibutani et al., 1991), conduisant à la mutation des G en T. Le radical hydroxyl réagit aussi avec les ions H+ de la partie ribose des acides nucléiques, induisant des changements de conformation qui provoquent des cassures simples brins de l’ADN. Les cassures double brins de l’ADN apparaissent alors au cours de la réplication de brins endommagés par les ROS. Les ROS provoquent des dommages à la cellule même lorsqu’elles sont à concentration physiologique. Cependant, dans de telles conditions, ces dommages sont efficacement pris en charges par la cellule et ne s’accumulent pas de façon néfaste pour cette dernière. Outre les dommages directs au niveau des biomolécules, la production non contrôlée de ROS conduit aussi à la dérégulation des processus physiologiques dans lesquels elles sont impliquées. Leur accumulation peut ainsi conduire à la dérégulation de certaines voies de signalisation (apoptose, prolifération et migration cellulaire) et à l’expression anormale de gènes. Ces effets combinés avec l’accumulation de cassures et de mutations de l’ADN, désignent le stress oxydant comme un acteur considérable dans le développement de cancers. De part ces nombreux effets, le stress oxydant est impliqué

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dans le vieillissement cellulaire, ainsi que dans le développement d’un grand nombre de pathologies (pathologies cardiovasculaires et neurodégénératives, diabètes, cancers…).

Mécanismes de réponses et d’adaptation au stress oxydant

Au cours de l’évolution, les cellules ont développé des mécanismes de réponses aux stress. Ces mécanismes permettent à la cellule de rétablir un équilibre physico-chimique lui permettant de préserver son intégrité. Afin de s’adapter aux variations de la balance redox, chaque cellule doit mettre en place les réponses adéquates, en fonction de l’intensité et de la durée du stress. Ces réponses à l’échelle cellulaire sont les conséquences d’un réseau complexe de régulations moléculaires qui nécessitent des « Senseurs » pour détecter les variations des conditions redox et l’activation d’« Effecteurs ». Les stress de faibles et moyennes intensités induisent généralement des réponses participant à l’adaptation au stress en régulant par exemple l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des ROS ou dans la réparation des biomolécules endommagées. Par exemple, le protéasome 20S ATP-indépendant participe à la dégradation des protéines oxydées (Jung et al., 2014). Les enzymes OGG1 et OGG2 (8-oxoguanine glycosylase 1 and 2) clivent les bases 8-oxoG interagissant respectivement avec une Cytosine ou une Adénine (Hazra et al., 1998). En contribuant à la diversité du transcriptome et du protéome, l’épissage alternatif constitue une cible stratégique dans la régulation des processus moléculaires qui participent à la réponse au stress oxydant.

Stress oxydant et épissage alternatif : état des connaissances

Comme pour beaucoup de stress, l’existence de variations isolées d’épissage alternatif en réponse au stress oxydant, a été rapportée depuis de nombreuses années. Mais ce n’est que très récemment que la première étude globale de l’effet d’un stress oxydant sur l’épissage alternatif a été publiée (Lenzken et al., 2017). Cette étude, qui a été publiée au cours de ma thèse, a été réalisée en utilisant des cellules de neuroblastomes humains SH-SY5Y comme modèle cellulaire et le stress oxydant a été effectué en cultivant ces cellules en présence de 2mM de paraquat pendant 48h ou 0,2 mM d’H2O2 pendant 24h. De nombreuses variations d’épissage ont ainsi été mises en évidence avec une prévalence pour des événements de type « site de polyadénylation alternatifs » (APA, Alternative PolyAdenylation) (Lenzken et al., 2017). Il est à noter que les neuroblastomes sont des cellules très sensibles au stress oxydant du fait de l’importance du NO.

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Ce type de stress peut par exemple moduler l’inclusion du dernier exon au niveau de l’extrémité 3’ des transcrits. La protéine Brahma (BRM), la sous-unité ATPase du complexe de remodelage de la chromatine hSWI/SNF, interagit avec BRCA1/BARD1 qui ubiquitine une sous-unité du facteur CstF impliqué dans le processing des extrémités 3’. Cette ubiquitination permet d’inhiber le clivage du transcrit au niveau du site poly(A) proximal et favorise donc l’inclusion d’un exon distal terminal. Il a récemment été montré qu’au cours d’un stress oxydant, l’expression de BRM est diminuée et l’inhibition du clivage est levée permettant de favoriser l’inclusion de l’exon proximal (Fontana et al., 2017).

Concernant le stress oxydant, les effets sur les facteurs d’épissages ou les composants spliceosomaux ont été très peu documentés et, à ce jour, aucune analyse globale de l’effet d’un stress oxydant sur l’épissage alternatif des cellules humaines n’a été publiée. Enfin, aucune étude ne s’est portée sur l’impact du stress oxydant sur la biogenèse du spliceosome, sur le lien structure-fonction des corps de Cajal ou des Speckles nucléaires, ainsi que sur la disponibilité des sca/snoRNP qui dépend elle-même de l’efficacité d’épissage dans le cas des sca/snoARN introniques. Précédemment, il a été montré que des conditions spécifiques de stress tel que le rayonnement UV peuvent affecter l’intégrité de certains compartiments subcellulaires tels que les cors de cajal (Cioce et al., 2006), mais rien n’a été documenté concernant le stress oxydant. Globalement, les mécanismes moléculaires régissant la régulation de l’épissage alternatif et de la biogenèse du spliceosome lors d’un stress oxydant ne sont pas encore connus et demandent à être étudiés.