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5. Val d’Illiez (partie V)

5.1 Géologie (chapitre 13)

Le site hydrothermal de Val d’Illiez est localisé dans le canton du Valais en Suisse à une altitude d’environ 790 mètres dans la vallée de la Vièze au lieu dit Buchelieule. La Vièze est un affluent du Rhône et se jette dans ce dernier à la hauteur de Monthey. Respectivement à 1 kilomètre en amont et en aval de Buchelieule, des eaux subthermales ont été détectées dans un puits peu profond à Play et dans une source au lieu dit Le Fayot.

La zone hydrothermale de Val d’Illiez est située à la limite entre les Préalpes au nord-ouest et le domaine helvétique au sud-est. Le domaine helvé-tique où est positionné le site thermal est composé du massif cristallin des Aiguilles Rouges, des forma-tions sédimentaires autochtones et parautochtones et enfin de la nappe de Morcles. Les Dents du Midi forment les plus hauts sommets de la région (3257 m) et mettent en valeur les plis couchés de la nappe de Morcles. Cette nappe chevauche les flyschs parautochtones qui chevauchent les forma-tions sédimentaires de la couverture autochtone du socle des Aiguilles Rouges. C’est à la base de la cou-verture autochtone que le système d’écoulement des eaux thermales de Val d’Illiez se produit, autrement dit dans les formations dolomitiques et gypseuses du Trias. Ces formations affleurent sur la bor-dure nord-ouest du massif cristallin et forment une bande de quelques hectomètres de largeur sur plus de 20 kilomètres de longueur. L’épaisseur de la cou-verture autochtone semble augmenter considérable-ment en allant vers le nord-ouest. Elle a une épais-seur de quelques dizaines de mètres là où elle

af-fleure en bordure du socle et aurait une épaisseur supérieure à 1000 mètres sous la vallée de la Vièze. La fenêtre de Champéry le long de la Vièze laisse dévoiler d’imposantes falaises de plusieurs dizaines de mètres de hauteur avec des calcaires massifs du Jurassique supérieur-Crétacé. Ces formations re-posent sur une épaisse couche de marne et de cal-caire du Jurassique inférieur et moyen qui reposent sur le Trias. Les formations détritiques du Tertiaire (flysch, grès, etc.) complètent cette série.

Le contexte géologique régional de la couverture autochtone sous les Dents du Midi est complexe. En effet, il est supposé que la couverture forme un vaste anticlinal avec, au front de celui-ci, un plan de chevauchement majeur de pendage vers le sud-est qui se rattacherait profondément au plan de chevauchement du massif des Aiguilles Rouges sur l’Infra-Aiguilles Rouges.

Sur le site des bains, les structures géologiques semblent également complexes. En effet, la limite chevauchante entre le flysch parautochtone et le toit de l’anticlinal de la couverture autochtone recoupe la vallée de la Vièze à la hauteur des sources ther-males. A cet endroit, la couverture autochtone est composée de formations Tertiaires, autrement dit des flyschs et des grès. D’après les observations des cuttings des forages, les grès des Carrières présents sur la rive gauche de la vallée, sous les dépôts Qua-ternaires, permettraient la remontée des eaux ther-males vers la surface en raison de leur fracturation intense.

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5.2 Hydrogéologie et géochimie (chapitre 14)

C’est en 1953 que les sources thermales de Val d’Illiez ont apparu après une série de secousses sis-miques. Peu de temps avant l’apparition des sec-ousses, un lac artificiel créé à partir d’un barrage hydroélectrique, le lac de Salanfe, a été implanté dans la zone d’infiltration du système hydrother-mal, sur les formations triasiques de la couver-ture autochtone en bordure de socle des Aiguilles Rouges. Des fluites par le fond du lac ont été rapidement constatées au niveau des formations tri-asiques perméables et ont généré une augmentation des pressions sur l’aquifère thermal et certainement l’ouverture de fractures. Ceci a vraisemblablement causé les secousses ressenties et l’activation accrue du système hydrothermal. Cependant, des récits datant d’avant 1953 mentionnaient déjà la présence d’une zone marécageuse avec des eaux vers 18oC au niveau de l’emplacement actuel des sources ther-males à Buchelieule, ce qui laisse à penser que le système hydrothermal existait réellement avant la construction du barrage hydroélectrique.

Pour empêcher de trop grosses pertes du lac quand le niveau était au dessus de 1910 mètres, des travaux d’étanchéification ont été réalisés. Grâce à ces travaux, le niveau du lac a pu atteindre la cote d’environ 1925 mètres en 1994, et peu de temps après, suite à une nouvelle crise sismique, les débits des sources thermales ont considérablement augmenté avec l’apparition de nouvelles sources. Le débit des résurgences thermales varie de façon saisonnière, de la même manière que le niveau d’eau du lac de Salanfe mais avec un décalage d’environ 140 jours.

Trois forages F1 (26 m), F2 (42.5 m) et F3 (113 m) ont été réalisés en 1994 suite à l’augmentation des débits des sources thermales. Les trois forages sont jaillissants et l’eau thermale qui sort de ces forages à une température entre 28 et 30oC et une minéralisation proche de 1.8 g/L. Actuellement, le forage F3 qui a le débit le plus important est ex-ploité pour le remplissage des piscines. Le forage F1 alimente plusieurs conduites pour réchauffer les dalles au sol vers la cascade thermale et alimente l’étang, alors que les eaux du forage F2 sont di-rectement déversées au pied de la cascade thermale avant de rejoindre le torrent Vièze.

La cascade thermale, la petite cascade de la grotte et la douche sont alimentées par la dite

"chambre de captage" construite en 1980. Actuelle-ment, 6 drains horizontaux implantés dans le ver-sant alimentent la chambre de captage avec des débits, des températures et des minéralisations vari-ant entre 7 et 300 L/min, 22.1 et 23.9oC, et 1250 et 1470 mg/L (valeurs mesurées en juin 2009). Dans la chambre de captage, les eaux thermales des ces 6 drains se mélangent et sont ensuite évacuées vers la cascade, la grotte et la douche avec la possibilité de réguler les débits pour chaque point. Les eaux mélangées de la chambre de captage se dirigeant vers la cascade empruntent un conduit aussi nommé "cascade centre". A coté de celui-ci, un autre con-duit appelé "cascade droite" alimente également la cascade et est indépendant de la chambre de cap-tage.

Sur le site des bains, deux types d’eau sont présents:

• une eau thermale Ca-SO4 émergeant des for-ages F1, F2 et F3. Cette eau a une tempéra-ture entre 28 et 30oC et une minéralisation proche de 1.8 g/L. Elle a la particularité d’être pauvre en chlorure (< 5 mg/L) et en éléments alcalins (≈ 20 mg/L), et d’être riche en mag-nésium (≈ 75 mg/L), ce qui laisse à penser que cette eau s’est minéralisée au contact des roches triasiques gypseuses et dolomitiques de la couverture autochtone des Aiguilles Rouges sans influence des roches cristallines.

• une eau Ca-HCO3 émergeant des sources froides autour des bains dont les températures ne dépassent pas 10oC et dont les minéral-isations sont inférieures à 500 mg/L. Cette eau circule dans les formations Quaternaires et Tertiaires de la vallée de la Vièze et le long des versants.

Des processus de mélange entre ces deux pôles sont observables en analysant les différents points d’eau. En supposant que l’eau thermale non mélangée a une température d’environ 30-31oC et une minéralisation proche de 2 g/L, il est possi-ble d’en conclure que les eaux jaillissant des for-ages F1, F2 et F3 sont relativement peu influencées par les processus de mélange. En revanche, les eaux thermales provenant de la chambre de cap-tage sont mélangées : environ 60% d’eau thermale pure et 40% d’eau froide. La composante thermale

Résumé étendu non mélangée est en équilibre avec les carbonates

et légèrement sous-saturée en gypse et anhydrite. Cette eau a également un léger excès en sulfate par rapport au calcium (21 meq/L contre 26.7) ce qui laisse à penser que des précipitations de calcite sont possibles en profondeur.

La signature chimique de la composante ther-male montre que l’eau s’est minéralisée au con-tact des roches triasiques perméables à la base de la couverture autochtone. Cependant, les calcaires fracturés et probablement karstifiés du Malm et le Crétacé de la couverture autochtone, au dessus du Trias, peuvent aussi contenir des quantités d’eau importantes (circulations karstiques). Pour cette raison, il n’est pas exclu que les eaux de ces forma-tions aient une influence sur la composante thermale

non mélangée pendant la remontée du fluide vers la surface.

La composante thermale non mélangée a des valeurs en isotopes stables de l’eau très proches des valeurs mesurées pour les eaux thermales du système de Lavey-les-Bains. Il est donc supposé qu’une zone de recharge se situe à une altitude en-tre 1700 et 2100 mèen-tres dans la région du lac de Salanfe dont l’altitude est d’environ 1900 mètres. D’après les équilibres chimiques, la température du réservoir profond serait entre 35 et 40oC, et celui-ci serait situé à environ 1 kilomètre sous la zone des bains. A partir des données existantes en tritium et en utilisant le modèle piston-flow, le temps transit souterrain moyen du système hydrothermal serait proche de 5 ans.

5.3 Modélisation numérique (chapitre 15)

Dans un premier temps un modèle thermo-hydraulique en deux dimensions, à partir d’une coupe géologique passant par la zone des bains, les Dents du Midi et la région du lac de Salanfe, a per-mis de reconstituer l’état naturel du système hy-drothermal avant l’implantation du lac de Salanfe. Ce modèle prend en compte le fait que la couverture forme un vaste anticlinal délimité au nord-ouest par un plan de chevauchement majeur. En mode permanent, un champ de température a été simulé depuis la zone d’infiltration sur l’autochtone affleu-rant en bordure des Aiguilles Rouges jusqu’à la zone de remontée du fluide profond, avec les résultats suivants : 31oC à 200 mètres de profondeur sous la zone des bains, 36-40oC au niveau du réservoir à 1 kilomètre de profondeur environ. En considérant que l’infiltration des eaux se produit sur toute la bordure des Aiguilles Rouges, soit une vingtaine de kilomètres environ, la recharge totale obtenue est de 4800 m3/j ou 3330 L/min. Cette approximation peut tout-à-fait représenter le flux d’eau thermale ascendant avant l’implantation du lac de Salanfe.

Après avoir représenté le système dans son état naturel, le lac de Salanfe a été ajouté dans le mod-èle numérique. L’objectif est de savoir si les pertes d’eau du lac observées dans les formations triasiques à Salanfe alimentent directement les sources ther-males comme si l’on faisait couler de l’eau dans un simple tuyau depuis le lac vers les sources. Il est évident qu’un tel processus doit engendrer des mod-ifications du régime thermal c’est-à-dire un

change-ment des paramètres physico-chimiques des sources et un refroidissement des roches où l’eau circule. Pour répondre à cette question, trois scénarios ont été testés avec différentes valeurs de perte du lac (1, 2 et 5 mm/j) représentant la baisse du niveau d’eau du lac en millimètre par jour. Enfin, un qua-trième scénario a été testé en fixant une charge im-posée égale à l’altitude du lac, mais cette hypothèse ne semble pas correspondre à la situation réelle car il existe certainement une zone non saturée as-sez épaisse (d’où le décalage entre l’évolution des niveaux du lac et l’évolution du débit des sources). Pour chaque scénario en mode permanent, un refroidissement à l’exutoire du modèle et dans les roches est simulé. Plus les apports depuis le lac sont importants et plus le refroidissement à long terme est marqué. En mode permanent, pour une perte équivalente à 2 mm/j, la température à l’exutoire du modèle est de 11.6oC avec une température à 1 kilomètre de profondeur de 15oC.

En visualisant les résultats en fonction du temps, en régime transitoire, on s’aperçoit dans un pre-mier temps que l’augmentation du débit à l’exutoire est accompagnée par une hausse de la température. Pour chaque scénario, cette hausse est d’environ 5oC et se produit durant les premières années après l’implantation du lac. Ceci est dû à la poussée ac-crue de l’eau chaude du réservoir vers la surface par une plume d’eau froide. Après quelques années, les simulations montrent une baisse progressive des températures sans modification des débits. Ceci est

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dû à l’arrivée de la plume froide vers la surface après l’évacuation des eaux chaudes du réservoir. Enfin, les températures simulées tendent progressivement vers les valeurs calculées en régime permanent.

La variation des paramètres physico-chimiques simulés à l’exutoire du modèle ne correspond pas aux variations naturelles observées des sources ther-males. Pour rappel, l’augmentation des débits des sources thermales a été brutale suite à plusieurs secousses sismiques, quelques mois après l’implantation du lac de Salanfe en 1953. Plus tard dans les années nonante, il a été démon-tré que le débit des sources thermales varie de la même manière que le niveau d’eau du lac, avec un décalage d’environ 140 jours. Seuls les travaux d’étanchéification du lac en 1994 ont perturbé les débits des sources. En effet, ces travaux avaient per-mis au lac d’atteindre sa cote la plus haute (1925 m), et quelques mois après, les débits des sources avaient considérablement augmenté. Ajouté à cela, les températures des sources les plus chaudes n’ont pratiquement pas évolué en 56 ans, entre 1953 et 2009. Les nombreuses mesures depuis les années

quatre-vingt indiquent que la température est restée pratiquement stable autour de 30oC.

En comparant les résultats de la simulation avec les observations sur les sources, il s’avère que la re-lation entre le lac de Salanfe et les sources ther-males semble plus compliquée qu’il n’y paraît. En effet, l’eau s’écoulant depuis les pertes du lac ne communiquerait pas directement avec les sources thermales. Cette eau exercerait en profondeur une pression sur l’aquifère thermal provoquant ainsi une augmentation des débits à l’exutoire du système hydrothermal, sans processus de mélange et donc sans modification sensible de la température et des paramètres chimiques des sources. Dans le canton des Grisons en Suisse, le système hydrothermal de Bad Ragaz ressemble à celui de Val d’Illiez, où des pressions sont exercées sur l’aquifère thermal, dans des formations sédimentaires, par un autre aquifère sus-jacent. Les pressions les plus fortes sont exer-cées au moment de la fonte des neiges et après des évènements pluvieux importants, augmentant forte-ment le débit de la source thermale de Bad Ragaz sans modification sensible des autres paramètres.

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