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Résumé étendu

4. Saint-Gervais-les-Bains (partie IV)

4.1 Géologie (chapitre 9)

Le site hydrothermal de Saint-Gervais-les-Bains est localisé après les gorges étroites du Bon Nant, affluent de l’Arve, au pied du massif du Mont Blanc en France (Figure 1). Le site est reconnu pour les soins thérapeutiques pratiqués, des eaux thermales y sont exploitées par trois puits de production. Saint-Gervais-les-Bains est également positionné au niveau topographique le plus bas atteint par le socle des Aiguilles Rouges dans cette région. Le socle her-cynien n’affleure pas directement sur le site thermal mais est probablement présent à quelques centaines de mètres de profondeur sous la couverture sédi-mentaire autochtone le recouvrant (Trias-Permien). Les structures profondes du massif des Aiguilles Rouges, mises en évidence sous le site de Lavey-les-Bains, sont certainement aussi présentes en pro-fondeur dans la région de Saint-Gervais-les-Bains, à savoir l’existence d’un contact chevauchant entre les Aiguilles Rouges et l’Infra-Aiguilles Rouges.

A proximité de la zone des bains, la couverture autochtone est chevauchée par la nappe de Morcles qui forme les massifs du Mont d’Arbois et du Mont Joly. Cette nappe est composée de formations sédi-mentaires mésozoïques (calcaires et marnes) dessi-nant des plis couchés facilement observable. Dans la région de Megève, cette nappe est érodée ce qui permet au socle et à sa couverture autochtone

d’affleurer. Ce secteur était auparavant considérée comme zone de recharge de l’aquifère thermal.

Dans la région de Saint-Gervais-les-Bains, des failles verticales de direction N-S à NNO-SSE em-pruntent la vallée du Bon Nant et recoupent toutes les formations géologiques. Ce système complexe de failles permet vraisemblablement la remontée du fluide profond vers la surface car une de ces failles passe sous la zone des forages (faille des sources).

La couverture autochtone a été intensément dé-formée par les contraintes tectoniques alpines. Les investigations géologiques menées dans les années 1980 et les analyses des cuttings des forages De Mey Est, De Mey Ouest, Lépinay et F99 montrent qu’il existe au sein de cette couverture un plan de chevauchement majeur. Ce plan de chevauchement délimite deux unités géologiques bien distinctes : les formations détritiques du Permien-Trias inférieur recoupées par les forages De Mey Est et De Mey Ouest, les formations dolomitiques et gypseuses du Trias moyen et supérieur traversées par le forage Lépinay. La base de cette dernière unité, aussi appelée zone des écailles, est représentée par une couche peu épaisse (10 mètres environ) de schistes noir et vert. Le forage F99 est le seul qui aurait apparemment recoupé les deux unités. Les sources Sulfureuse et Gontard émergeraient le long de ce chevauchement.

4.2 Hydrogéologie et géochimie (chapitre 10)

Les eaux thermales sont continuellement ex-ploitées grâce à trois forages : Lépinay, De Mey Est et de Mey Ouest. Les forages Lépinay (101.5 m de profondeur avec un débit d’exploitation de 13 m3/h) et De Mey Est (196 m et 5.5 m3/h) sont util-isés pour les soins médicaux et la fabrication des produits cosmétiques alors que le forage De Mey Ouest (207 m et 3.5 m3/h) n’est pas directement utilisé mais garantit une exploitation stable du for-age De Mey Est. Le maintien d’une pression artési-enne dans le vieux puits Gontard (7.5 m) permet de ne pas surexploiter la ressource géothermale et évite d’avoir des processus de mélange trop impor-tants. A quelques dizaines de mètres en aval de la

zone des forages, deux sources froides nommées Fer-rugineuse et Magnésienne émergent dans le lit du torrent Bon Nant au pied des formations dolomi-tiques et gypseuses du Trias moyen et supérieur. Des dépôts d’oxyde de fer sont visibles sur ces deux sources.

Plusieurs essais de pompage ont pu mettre en évidence les différentes connectivités hydrauliques entre les sources et les forages. Les deux forages De Mey, recoupant les formations détritiques du Permien-Trias inférieur, sont hydrauliquement con-nectés. En revanche, ils ne le sont pas avec les forages Lépinay et F99, le puits Gontard et la source Sulfureuse, et vice-versa. Par conséquent,

Résumé étendu deux aquifères seraient présents sous les dépôts du

Bon Nant et contiendraient des eaux thermales. Ces deux aquifères seraient séparés par le plan de chevauchement mettant en contact le Trias moyen et supérieur sur le Permien-Trias inférieur.

Sur le site des bains, trois types d’eau sont présents:

• une eau thermale ascendante Na-SO4, riche en chlorure (≈ 1.1 g/L) et qui proviendrait du socle des Aiguilles Rouges, avec une con-ductivité électrique proche de 5 mS/cm et une température d’environ 35oC. Ce type d’eau est caractéristique des eaux thermales jaillis-sant des forages De Mey Est et De Mey Ouest. En revanche, les eaux provenant du forage Lépinay, qui sont un peu plus chaudes (39oC), sont plus pauvres en chlorure (≈ 0.6 g/L) et sont légèrement enrichies en sulfate.

• une eau froide Ca-SO4 pauvre en chlorure (< 20 mg/L) avec une conductivité d’environ 2.5 mS/cm et une température entre 8 et 12oC. Ce type d’eau est représenté par les sources Ferrugineuse et Magnésienne en aval des bains qui émergent dans les formations dolomitiques et gypseuses de la couverture autochtone tri-asique.

• une eau froide circulant à faible profondeur dans les dépôts Quaternaires de la vallée du Bon Nant. La température de cette eau varie entre 4 et 12oC environ en fonction des saisons avec une conductivité toujours inférieure à 0.5 mS/cm.

Les processus de mélange entre ces trois pôles diffèrents dans les deux aquifères de part et d’autre du plan de chevauchement. Ainsi dans l’aquifère du Permien-Trias inférieur, les eaux thermales jail-lissant des forages De Mey Est et De Mey Ouest sont mélangées avec une eau Ca-SO4, riche en mag-nésium et pauvre en chlorure, qui ressemble forte-ment à l’eau des sources Ferrugineuse et Magnési-enne. Ce processus de mélange est accompagné par une baisse de la température, de la minéralisation, des ions alcalins et des chlorures. En revanche, le calcium et le magnésium augmentent considérable-ment, alors que les sulfates restent plus ou moins stables car les deux pôles sont riches en sulfate.

Dans l’aquifère des écailles du Trias moyen et supérieur, les processus chimiques semblent être

plus compliqués. Les eaux thermales du forage Lépinay sont moins riches en chlorure et plus chaudes, ce qui laisse à penser que ces eaux sont également mélangées avec une eau de type triasique à 35-40oC, riche en sulfate et pauvre en chlorure. Cette mixture serait ensuite mélangée avec les eaux froides des dépôts Quaternaires. Actuelle-ment, l’exploitation de Lépinay engendre une baisse considérable des paramètres physico-chimiques des eaux du vieux puits Gontard (20oC et 1.6 g/L au lieu de 41oC et 5.1 g/L auparavant).

L’origine des fortes teneurs en chlorure dans les eaux thermales (≈ 1.1 g/L) ne peut pas être ex-pliquée par la dissolution de l’halite (NaCl) dans les roches triasiques car:

• les eaux froides des sources Ferrugineuse et Magnésienne circulant uniquement dans les roches triasiques contiennent peu de chlorure (< 20 mg/L). De ce fait, les roches triasiques ne renferment pas d’halite dans cette région. • les rapports Cl/Br calculés pour les eaux

de Saint-Gervais-les-Bains, et comparés avec toutes les eaux thermales des Alpes et des régions limitrophes, montrent que les chlorures proviendraient du lessivage de saumure d’origine marine ou d’inclusion flu-ide par les eaux infiltrées depuis les roches cristallines fracturées des Aiguilles Rouges. Plus en détail, ce processus se produirait au niveau des plans de chevauchement des mas-sifs cristallins externes vers 2-3 kilomètres de profondeur où ces saumures pourraient être piégées. De plus, la dissolution de la biotite contenue dans les roches cristallines pourrait être également à l’origine des fortes teneurs en chlorure dans les eaux thermales.

Dans les eaux thermales de Saint-Gervais-les-Bains, le sodium est en excès par rapport au chlorure. Des échanges cationiques entre le calcium et le sodium pourraient expliquer cet excès d’autant plus que les sulfates sont aussi en excès par rapport au calcium. De plus, la dissolution des plagioclases contenus dans les roches cristallines des Aiguilles Rouges apporte du sodium mais pas de chlorure, donc cet excès en sodium peut aussi être expliqué de cette manière.

La comparaison des données des isotopes sta-bles des sulfates entre les eaux thermales de Saint-Gervais-les-Bains et les eaux thermales d’autres sites alpins montrent qu’à Saint-Gervais-les-Bains les sulfates auraient une origine mixte. Une partie

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des sulfates dans les eaux thermales proviendrait directement des roches cristallines (dissolution de veines de gypse et d’anhydrite, oxydation des sul-fures, lessivage des saumures), et une autre partie proviendrait de la dissolution du gypse contenu dans les roches triasiques de la couverture autochtone lors de la remontée du fluide profond depuis le socle. L’eau thermale Na-SO4est en équilibre chimique avec la calcite. Elle est sous-saturée en dolomite et en gypse, ce qui n’est pas le cas pour les eaux froides des sources Ferrugineuse et Magnésienne où il y a équilibre. Enfin, l’eau thermale est légèrement sur-saturée en quartz et en calcédoine pouvant aboutir à des précipitations de ces minéraux lors de la re-montée du fluide profond. Par conséquent, le cal-cul de la température du réservoir géothermal peut être sous-estimé en utilisant le géothermomètre de la calcédoine.

Le système d’écoulement régional aboutissant aux émergences thermales de Saint-Gervais-les-Bains peut être résumé de la manière suivante:

• la zone d’infiltration doit probablement se situer au niveau du massif des Aiguilles Rouges vers 1700-2100 mètres d’altitude comme pour le système hydrothermal de Lavey-les-Bains. Pour les eaux froides des sources Ferrugineuse et Magnésienne, la zone d’infiltration se situe probablement au niveau du Mont d’Arbois et du Mont Joly, à des al-titudes plus basses que pour l’eau thermale (1100-1300 m).

• l’infiltration des eaux en profondeur se ferait principalement grâce aux nombreuses frac-tures et failles orientées N-S à ENE-OSO dans le massif des Aiguilles Rouges.

• les eaux infiltrées attendraient le réservoir profond au niveau du plan de chevauche-ment des Aiguilles Rouges sur l’Infra-Aiguilles Rouges où elles acquerraient en partie leur minéralisation en lessivant les saumures piégées ou les inclusions fluides. En utilisant les géothermomètres et les équilibres chim-iques, la température du réservoir a été es-timée entre 65 et 100oC.

• la remontée du fluide depuis le réservoir pro-fond se ferait dans une zone fracturée et per-méable qui pourrait correspondre au système faillé N-S de la vallée du Bon Nant, affectant toutes les formations géologiques présentes. • avant d’émerger, les eaux thermales

tra-versent les couches sédimentaires de la cou-verture autochtone en empruntant les zones les plus fracturées et perméables dont le plan de chevauchement mettant en contact le Permien-Trias inférieur et le Trias moyen et supérieur. Dans cette zone, de nombreux pro-cessus chimiques comme les mélanges entre les différents pôles, la dissolution des roches triasiques et les échanges cationiques se pro-duisent et sont à l’origine de la diversité chim-ique des eaux rencontrées.

4.3 Modélisation numérique (chapitre 11)

A partir d’une coupe géologique dans la par-tie occidentale du massif des Aiguilles Rouges, un modèle numérique en deux dimensions a reconsti-tué le système hydrothermal de Saint-Gervais-les-Bains. Ce modèle en mode permanent représente donc le champ de température simulé depuis la zone d’infiltration sur les reliefs des Aiguilles Rouges jusqu’à la zone de remontée du fluide profond. De plus, ce modèle intègre le secteur du Mont d’Arbois et du Mont Joly jusqu’au soubassement cristallin de Belledonne et met en évidence les écoulements dans la couverture autochtone triasique à l’origine des sources froides Ferrugineuse et Magnésienne.

Les températures simulées à la base du sys-tème hydrothermal sont comprises entre 60 et 75oC,

légèrement inférieures à l’estimation faite à par-tir des équilibres chimiques et des géothermomètres (65-100oC). En réalité, la température du réservoir dépend de la profondeur où se trouverait le plan de chevauchement des Aiguilles Rouges sur l’Infra-Aiguilles Rouges ; cette profondeur est difficile à évaluer dans la région de Saint-Gervais-les-Bains. Dans le secteur du Mont d’Arbois et du Mont Joly, les écoulements simulés dans la couverture au-tochtone donnent une température des sources Fer-rugineuse et Magnésienne d’environ 10oC, ce qui correspond bien à ce qui est observé sur le terrain. Pour ce secteur dans le modèle, il y a très peu d’écoulement dans le socle cristallin de Belledonne localisé sous la couverture autochtone (faible

per-Résumé étendu méabilité), et donc le gradient géothermique simulé

est relativement fort.

Le flux d’eau thermale ascendant simulé est com-pris entre 90 et 160 m3/h, selon la largeur sélec-tionnée du bassin d’alimentation. Ce flux calculé représente 4 à 7 fois le débit maximal des trois for-ages d’exploitation (22.5 m3/h). Cela semble peu si on suppose qu’une grande partie des eaux ther-males ascendantes (facteur 10 ou plus par rapport à ce qui est actuellement exploité) se diffuse dans la couverture autochtone et dans les formations

Qua-ternaires. Les dimensions de la zone d’infiltration sont difficiles à juger pour ce site et donc les ré-sultats donnés par la modélisation numérique sont à considérer avec précaution. Enfin, les structures géologiques complexes dans la zone des bains, no-tamment dans la couverture autochtone, sont un obstacle à l’élaboration d’un modèle numérique en trois dimensions. Il faudrait des études complé-mentaires, notamment géophysiques, pour mieux discerner les relations entre les différentes unités géologiques.

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