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Vérification des puits de carbone dans le protocole de Kyoto

Partie 1. Problématique

1.1. Enjeux internationaux et controverses

1.1.3. Vérification des puits de carbone dans le protocole de Kyoto

Selon le GIEC (1996, Revised Guidelines), la vérification se réfère à toutes les activités et procédures qui peuvent être utilisées pour établir la fiabilité des données. Ceci signifie en général de vérifier les estimations grâce à des données d’observation, ou grâce à d’autres estimations compilées de manière indépendante. La vérification diffère donc de la validation, qui consiste à s’assurer que les données concernant les inventaires d’émissions et de puits ont été compilées correctement selon les procédures et les bonnes pratiques en vigueur.

Pour la vérification des activités de l’article 3.4, les estimations des flux et/ou des variations de stocks de carbone doivent être réalisées selon une procédure indépendante de celle utilisée lors des inventaires nationaux. Ceci signifie que, pour une activité d’origine anthropique donnée, il doit y avoir au moins deux méthodes indépendantes d’estimation des quantités de CO2 ajoutées à l’atmosphère à partir d’une source ou ôtées à partir d’un puits.

Un système à trois niveaux d’inventaire et de vérification a fait l’objet d’un accord (Smith, 2001) : Premier niveau : Le suivi et l’inventaire par les parties à la Convention des émissions et des soustractions de GES par les activités de l’article 3.4, en accord avec les règles du GIEC et les bonnes pratiques en matière d’inventaires.

Second niveau : Validation et vérification au niveau national, en incluant une évaluation indépendante par des experts.

Troisième niveau : Validation et vérification au niveau international par des équipes d’experts en accord avec l’article 8 du Protocole.

Un format similaire a été utilisé par les parties pour leurs soumissions au 1er août 2000 pour des activités UTCF et pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Des améliorations du format des soumissions au titre de l’article 3.4 seront probablement demandées par le nouveau panel d’experts constitué par le GIEC. Le fait de rendre compatibles les inventaires nationaux et les soumissions au titre de l'UTCF devrait améliorer les possibilités de vérification.

Les méthodes disponibles pour évaluer les variations de stocks de carbone ou les flux de carbone sont essentielles pour la vérification (Tableau 1-5). Le rapport SR LULUCF du GIEC a distingué deux types de méthodes : celles qui mesurent les stocks de carbone et celles qui mesurent les flux nets de carbone échangés par un écosystème avec l’atmosphère. Des mesures de stocks début 2008 puis fin 2012 (ou aux dates de début des activités entre 2008 et 2012) indiqueront les changements de stocks qui ont eu lieu au cours de la première période d’engagement.

Alternativement, on pourrait envisager de mesurer les flux de carbone entrant ou sortant d’un écosystème durant la période de 5 ans d’engagement. L’une ou l’autre de ces méthodes peut être utilisée pour le calcul des gains ou des pertes de carbone, ou pour servir d’estimation indépendante de ces variations.

Le rapport SR-LULUCF du GIEC a fourni une première évaluation des méthodes disponibles (Tableau 1-6) pour évaluer les activités UTCF additionnelles détaillées dans le Tableau 1-3.

Méthodes de mesure des variations des stocks de carbone

• Inventaire de végétation

• Inventaire forestier et dendrométrie

• Produits et débris ligneux

• Inventaire du sol et de la litière

• Analyses des stocks de carbone dans le sol et dans la litière

Méthodes de mesure des flux de carbone

• Chambres au sol (<100 m2)

• Fluctuations turbulentes (<1 km2)

• Tours hautes ou ballons pour les échanges avec la couche limite de convection (paysage, région)

• Télédétection pour déterminer l’extension géographique des changements

• Satellites NOAA-AAVHR, ENVISAT : cartes de végétation et de couverture du sol, possibilité d’estimer la teneur en carbone de sols nus dans un futur proche

• Mesures de concentrations atmosphériques sur un réseau de stations

Modèles

• A utiliser en combinaison avec les méthodes ci-dessus

Tableau 1-6. Méthodes de mesure pour évaluer les pertes ou les gains de carbone sur une terre ou un territoire

Dans chaque cas, la qualité des méthodes dépend des protocoles utilisés, de la qualité des instruments, de la traçabilité des procédures et des stratégies d’échantillonnage. Le rapport du GIEC n’a pas analysé l’ensemble des contraintes de faisabilité, d’infrastructures, de moyens humains et de coûts récurrents de ces différentes méthodes.

Les méthodes de mesure des flux sont attractives dans la mesure où elles fournissent une estimation entièrement indépendante, permettant de vérifier les données obtenues en mesurant les variations des stocks de carbone.

Le rapport du GIEC note néanmoins que la fiabilité actuelle de ces méthodes n’est pas suffisante pour constituer la base des estimations de variations de stocks, mais qu’elles peuvent en revanche servir à la vérification en tant que méthode indépendante. De plus, les mesures de flux nécessitent une infrastructure coûteuse et relativement peu de sites sont équipés (environ une vingtaine de sites en Europe sur des terres agricoles).

Les méthodes concernant les variations des stocks de carbone des sols agricoles sont discutées dans une section suivante (cf. 2.1.4). L’un des principaux problèmes de ces méthodes concerne la précision nécessaire pour détecter de faibles variations relatives des stocks de carbone pendant une période courte (5 ans). Du fait de la variabilité spatiale, le nombre d’échantillons et d’analyses nécessaire pour certifier une variation des stocks de carbone du sol peut être très élevé. Dans certains cas, le coût de la vérification pourrait même excéder les bénéfices escomptés.

Les procédures de vérification nécessitent généralement une combinaison de méthodes. Par exemple, l’extension spatiale (et ses variations au cours du temps) d’une activité peut être évaluée par télédétection, alors que la mesure des variations locales de stock de carbone peut être réalisée par échantillonnage et/ou modélisation numérique. Dans de nombreux cas, les stratégies discutées dans le rapport du GIEC comprennent le suivi périodique de sites de référence et l’utilisation de traitements témoins et de traitements soumis à une mesure. Le fait que ces approches constituent, ou non, une vérification dépendra du niveau d’exigence fixé par les parties à la Convention.

Stricto sensu, la vérification supposerait l’échantillonnage en début et fin de période d’engagement de chaque zone sujette à une activité au titre de l’article 3.4 et la comparaison avec un nombre suffisant d’échantillons issus de zones témoins. Un nombre d’échantillons autorisant une bonne puissance statistique serait requis. Les échantillons de sol et de végétation seraient archivés et les données obtenues seraient agrégées afin d’obtenir une estimation au plan national. Des méthodes indépendantes seraient, par ailleurs, nécessaires pour fournir un second jeu indépendant de données pouvant servir à la vérification. Cette procédure serait toutefois difficile à mettre en œuvre au plan national et les coûts seraient vraisemblablement prohibitifs.

A l’inverse, si une procédure de vérification peu exigeante était retenue par les parties à la Convention, l’estimation des surfaces concernées ne serait pas géo-référencée et des valeurs par défaut des variations des stocks de carbone induites par chaque pratique seraient utilisées, pour estimer les effets d’une mesure sur les stocks de carbone au plan national. Toutefois, même l’estimation de la surface concernée par une mesure donnée peut s’avérer invérifiable en l’absence de référence géo-statistique (Nilsson et al., 2000)

Un niveau intermédiaire d’exigence en matière de vérification conduirait à une procédure où les surfaces concernées seraient géo-référencées (par télédétection ou inventaires au sol), et où les variations des stocks de carbone seraient estimées à partir d’expériences (dans des régions climatiques

et des sols représentatifs) sur des sites de référence, ou encore à partir de modèles bien évalués, documentés et archivés. Les sites de référence seraient accessibles pour la vérification. Les procédures proposées pour l’inventaire du carbone au titre de l’article 3.4, par l’Australie et le Canada font partie de cette catégorie intermédiaire.

L’extension géographique actuelle de nombreuses activités éligibles pour l’article 3.4 n’est pas toujours connue avec précision. De plus, il n’existe généralement pas de statistiques à ce sujet pour l’année 1990. Si le bilan est établi sur une base "nette-nette", le calcul sera fait en soustrayant aux flux des cinq années 2008-2012 la valeur de flux de l’année 1990 multipliée par 5. La disponibilité des données pour 1990 sera donc critique pour l’établissement d’une procédure de vérification des activités de l’article 3.4.

Les pays qui estiment que les activités éligibles pour l’article 3.4 peuvent être suivies et vérifiées au niveau national (par exemple, le Canada et l’Australie) mettent en place des procédures pour fournir des estimations robustes des flux de C. Une analyse récente (Nilsson et al., 2000) a néanmoins conclu que le protocole de Kyoto pourrait ne pas être vérifiable du fait des incertitudes. Les activités de l’article 3.4 sont intrinsèquement plus difficiles à quantifier et à vérifier que celles de l’article 3.3.

Si les parties s’accordent sur les critères les plus stricts, les activités de l’article 3.4 ne seront pas vérifiables dans un futur proche. Si des critères moins stricts sont appliqués, un niveau faible de vérification pourra être mis en œuvre par de nombreuses parties dès le début de la période d’engagement (Smith, 2001). Comme peu de pays, voire aucun, ne réalisent en routine l’ensemble des mesures nécessaires pour établir et vérifier les changements de stocks de carbone au titre de l’article 3.4., des améliorations importantes des systèmes de mesure et d’inventaire seront dans tous les cas nécessaires.

Afin d’établir des recommandations en matière de bonnes pratiques d’inventaire des émissions et des "soustractions" de CO2 par les activités UTCF, un nouveau panel du GIEC a récemment commencé ses travaux. Ce rapport, qui devrait être disponible fin 2003, a trois objectifs (24e session du Bureau du GIEC, Genève, décembre 2001) :

i) établir de bonnes pratiques d'inventaires pour l'émission et l'absorption de CO2 par les activités UTCF,

ii) fournir des définitions et des méthodes d'inventaire concernant les activités anthropiques de déforestation et de dégradation des végétations non forestières,

iii) fournir des méthodologies pour distinguer les effets anthropiques directs sur les stocks de carbone des effets indirects liés à la dynamique spontanée des écosystèmes et aux pratiques anciennes de gestion forestière.

1.1.4. Politiques nationales et européennes en matière de stockage