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6.3 Le choix de l’indicateur

6.3.1 Vérification des propriétés des modèles BCC et CCR

Débutons par la première propriété, soit la préférence que la mesure soit comprise entre 0 et 1. Les modèles CCR et BCC produisent les mesures θ et1/φauxquelles

nous avons si souvent fait référence. Lorsque les modèles sont formulés avec une orientation sur l’input, le θ est effectivement compris entre 0 et 1, ce qui est également le cas avec une orientation sur l’output où la mesure est1/φavec φ ≥ 1.

L’interprétation dans les deux cas se fait ainsi en terme de pourcentage. La mesure θ avec une orientation sur l’input s’interprète comme la proportion de la

consommation actuelle d’inputs qui devrait être utilisé afin d’atteindre l’efficacité. La mesure 1/φ avec une orientation sur l’output s’interprète comme la proportion

des outputs nécessaires à l’atteinte de l’efficacité qui sont actuellement produits. Ceci nous amène également à valider la propriété (3), soit l’invariance de la mesure aux unités des variables d’inputs et d’outputs.

Parmi les propriétés fondamentales d’un indicateur, nous avons noté sa capacité à mesurer le concept théorique sous-jacent. Ceci fait certainement intervenir la pro- priété (2), où l’atteinte du meilleur score est associée avec l’atteinte de l’efficacité. Les modèles CCR et BCC rencontrent un problème de taille en regard de cette propriété, c’est-à-dire que la mesure θ peut être égale à 1 sans que l’efficacité au sens de Pareto-Koopmans soit atteinte. Ce résultat provient du fait que le θ exclut les variables de slacks qui constituent pourtant un aspect essentiel de la définition d’efficacité. La mesure d’efficacité des modèles CCR et BCC est alors une mesure partielle de l’efficacité plutôt qu’une mesure globale en ne considérant que l’aspect radial du problème. Ainsi, bien qu’un établissement avec un θ égal à 1 soit situé sur la frontière, celui-ci peut se trouver sur une portion inefficace de cette frontière. La figure 18 permet d’en faire le constat.

X1/Y X2/Y A B C D E F E' F'

Fig. 18: Illustration des problèmes des modèles CCR et BCC

Les points A et D se situent sur la frontière, mais cela ne signifie pas qu’ils soient efficaces, puisqu’il existe toujours des inefficacités qui pourraient être éliminées.

L’organisation A pourrait réduire sa consommation de l’input x2 et atteindre

une performance efficace comme le point B, l’organisation D pourrait réduire sa consommation de l’input x1 et atteindre le point C , qui lui est efficace.

De manière analogue, nous pouvons illustrer que la propriété (7) n’est pas respec- tée dans les modèles d’efficacité radiale. Pour ce faire, utilisons de nouveau la figure 18 et comparons les points E et F . Du point de vue de l’efficacité radiale, en ne s’intéressant qu’à la mesure θ, le point F est plus près de la frontière que le point E, nous avons alors θE < θF. Par ailleurs, il n’est pas évident que F soit

plus efficace que E, car l’efficacité de F est mesurée par rapport à une portion inefficace de la frontière. Si nous regardons les possibilités (les zones ombragées) pour les deux points afin d’atteindre la portion efficace de la frontière donnée par le segment BC, il est possible que la distance minimale entre le point E et la frontière soit plus petite que celle entre le point F et la frontière. Par conséquent,

E pourrait être plus efficace que F , une réalité qui ne peut être traduite par la

mesure θ.

Portons notre attention aux propriétés de monotonicité des modèles CCR et BCC. Nous désirons déterminer si les mesures produites sont monotones croissantes dans les outputs et monotones décroissantes dans les inputs.

Tentons d’abord d’étudier la question en fonction des inputs.

X1/Y

X2/Y

(A,B)

(C,D)

La figure 19 montre l’évaluation d’un point (A, B) soit par BCC ou CCR, la question est de savoir si la mesure θ sera automatiquement plus petite, témoignant d’un niveau d’efficacité plus faible, si nous augmentons l’un ou l’autre des inputs. Pour ce faire, nous cherchons à obtenir une expression pour le θ en fonction des points qui le définissent, ici il s’agit de (A, B) et (C, D). Nous avons donc besoin de l’équation du segment de la frontière soutenant le point (C, D) et l’équation du rayon soutenant le point (A, B):

i + pC = D (74)

D

C =

B

A (75)

où A, B, C et D sont les coordonnées des points de la figure 19 et i > 0, p < 0 avec

i l’intercept du segment de la frontière soutenant le point (C, D) et p sa pente.

Nous pouvons réexprimer le point (C, D) de la façon suivante:

C = A BD et D = i + pA BD ⇒ i = D − pABD = (1− pA B)D D = i 1− pA B ⇒ C = 1 i(A/B) − p(A/B)

Nous pouvons maintenant calculer la mesure CCR ou BCC au point (A, B) comme:

θ(A, B) = C

A =

i B − pA

Alors, le calcul des dérivées partielles en fonction des inputs suit facilement: ∂θ(A, B) ∂A = ip (B− pA)2 ≤ 0 ∂θ(A, B) ∂B = −i (B− pA)2 ≤ 0

car nous avons p < 0. Nous avons donc fait la preuve que les modèles CCR et BCC sont monotones décroissants dans les inputs. La preuve pour les outpus suit de façon similaire et nous pouvons établir que les modèles CCR et BCC sont monotones croissants dans les outputs.

En dernier lieu, intéressons-nous aux propriétés d’homogénéité (5) et (6). No- tons que nous ne vérifierons pas de manière aussi formelle cette propriété que la monotonicité puisque nous pouvons constater de façon relativement simple que les modèles CCR et BCC ne respectent pas les propriétés énoncées.

Depuis le début de ce rapport, nous avons supposé que tous les inputs et les outputs ne pouvaient prendre que des valeurs positives ou nulles. Pourtant, il est possible que certaines variables pertinentes à inclure dans le modèle DEA puissent prendre des valeurs négatives, nous n’avons qu’à penser à des variables de profits ou encore des indicateurs centrés à 0 dont l’étendue est [−1, 1]. Comme les modèles CCR et BCC ne peuvent traiter de telles variables directement, il est nécessaire de faire une transformation de manière à pouvoir les intégrer aux modèles. Regardons de plus près le problème que pose une telle façon de faire pour les propriétés d’homogénéité désirées des modèles.

À partir de la figure 20 de la page suivante, supposons un input x2pouvant prendre

X1/Y X2/Y (8,8) A A' O

Fig. 20: Homogénéité des modèles CCR et BCC

Si nous évaluons l’efficacité d’un point A à l’aide de CCR ou BCC, nous mesurons le θ en fonction du segment OA. Afin de regarder les propriétés d’homogénéité, nous augmentons la consommation des deux inputs d’une proportion γ, nous nous déplaçons alors sur le segment pointillé (le plus étroit) jusqu’au point A!. Pour

mesurer l’efficacité au point A!, nous devons maintenant prendre la mesure θ sur

le segment OA!.

En général, comme les mesure θ(A) et θ(A!)sont prises sur des rayons différents,

nous ne pourrons obtenir l’homogénéité de degré -1 qui était recherchée, nous aurons:

θ(A!) = θ(γA)'= 1 γθ(A)

Encore une fois, la preuve pour les outputs emprunte une logique similaire. En définitive, nous venons de démontrer que plusieurs des propriétés souhaita- bles pour un indicateur de performance ne sont pas respectées par les modèles CCR et BCC. Ainsi, les résultats de ces modèles ne peuvent pas constituer des mesures intéressantes en tant qu’indicateur d’efficacité technique, et ce, principale- ment parce que les méthodes produisent des mesures incomplètes de l’efficacité.

Notre démonstration doit également mettre en perspective les conclusions des nombreuses études qui utilisent les scores d’efficacité des modèles CCR et BCC pour recommander la diminution de budget ou encore de ressources, des recom- mandations qui pourraient apparaître non seulement insuffisantes pour atteindre l’efficacité, mais aussi qui pourraient s’avérer foncièrement incorrectes puisqu’il existe tout un aspect de l’efficacité qui n’est pas considéré par ces modèles.

6.3.2 Présentation et vérification des propriétés du modèle ERM