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La revue des méthodes utilisées est intéressante en soi parce qu’elle permet de comprendre comment la théorie a été appliquée et quels sont les modèles favorisés en pratique. Cependant, cette revue est nécessaire puisqu’elle permet également

de contextualiser les résultats, une possibilité qui nous appelle particulièrement en regard de notre objectif qui est de comprendre ce que nous pouvons retirer de la méthode DEA dans une analyse en santé. Nous en sommes donc à présenter une synthèse des résultats de ces études, à savoir la façon dont ils ont été présentés, traités et interprétés.

Relevons quelques tendances principales. D’abord, la norme semble être de présen- ter les résultats sous forme de tableaux résumant les mesures radiales d’efficacité. Les scores y sont présentés pour chacune des unités de l’analyse, si le nombre de DMUs de l’échantillon le permet, sinon en valeur moyenne avec des mesures de dispersion comme l’écart-type, la valeur minimale et la valeur maximale. Ensuite, si le modèle utilisé justifie de le faire, l’efficacité est décomposée en fonction de l’efficacité technique, de l’efficacité technique pure et de l’efficacité d’échelle dans le but d’expliquer la contribution de chaque type d’efficacité à l’efficacité totale. Les articles utilisant plusieurs spécifications du modèle DEA présentent aussi les scores radiaux d’efficacité et leurs variations selon leurs multiples modèles. Par ailleurs, les discussions s’orientent précisément sur la comparaison de ces différents scores, sur le nombre de DMUs ayant atteint un thêta de 1, parfois sur la moyenne des scores pour les unités inefficaces, mais plus probablement sur la moyenne des scores pour l’ensemble des unités. On caractérise généralement le niveau d’inefficacité d’un système soit le pourcentage de ressources qui aurait pu être économisé, la valeur monétaire de ces économies, ou encore des quantités d’inputs, en fonction de la mesure de contraction radiale moyenne obtenue. Une importance de premier plan est donc accordée aux mesures radiales.

Certains articles font néanmoins référence aux variables d’écart du problème dual, les slacks, en mentionnant dans leurs résultats, les inputs excédentaires et les out- puts déficitaires. Kirigia et al. (2004) et Chilingerian, (1995) présentent les réduc- tions en inputs et les augmentations en outputs nécessaires pour que chaque DMU atteigne l’efficacité, mais la discussion associée porte davantage sur les économies qui pourraient être réalisées que sur l’importance des variables d’écart dans la no- tion d’efficacité. Grosskopf et Valdmanis (1987) présentent également les inputs excédentaires moyens de leur modèle. Toutefois, ceux-ci sont utilisés pour déter- miner si les hôpitaux à but lucratif consomment plus des différentes ressources lorsqu’ils sont comparés aux autres types d’hôpitaux, et pour conclure que la qualité de soins est plus élevée chez ces premiers. En fait, il n’y a que Valdmanis

et al. (2008) et Rollins et al. (2001) parmi l’ensemble d’études dont nous dis- posons qui utilisent les inputs excédentaires comme un facteur complémentaire à la mesure radiale pour attester de l’efficacité.

Nous avons déjà mentionné qu’un bon nombre d’articles s’intéresse à la compara- ison de l’efficacité entre différents groupes: hôpitaux privés et hôpitaux publics, médecins spécialistes et médecins généralistes, divers types de mutuelles de santé, etc. À cette fin, les unités sont regroupées selon leur groupe de comparaison, afin de calculer la moyenne des mesures radiales d’efficacité. Par la suite, les moyennes des divers groupes sont comparées entre elles pour pouvoir conclure du groupe qui apparaît généralement plus efficace. Un score moyen plus élevé sera un signe d’une plus grande efficacité. Dans bien des cas, des tests non paramétriques de Mann-Whitney ou de Wilcoxon sont effectués afin d’attribuer de la robustesse aux résultats. Cela dit, deux remarques s’imposent.

Premièrement, l’utilisation de la moyenne d’efficacité n’est peut être pas le meilleur indicateur si nous prenons compte de la distribution des scores d’efficacité. En effet, cette distribution est fort probablement asymétrique étant donné le nombre potentiellement important de scores égaux à 1 et l’incapacité de différencier des niveaux d’efficacité pour les unités dont le score atteint ce seuil. L’utilisation du score moyen pour les unités inefficaces seulement semblerait être plus appropriée en constituant une mesure moins biaisée.

Deuxièmement, la procédure qui consiste à estimer un modèle DEA avec un en- semble d’organisations, à obtenir les scores pour chacune d’entre elles, pour ensuite les regrouper en fonction de certaines caractéristiques et discuter des différences moyennes d’efficacité entre ces groupes, semble manquer de rigueur théorique. Les scores DEA sont obtenus relativement aux réalisations de toutes les organisations de l’ensemble. Ainsi, les scores d’efficacité d’un groupe X sont dépendants des réalisations des organisations du groupe Y et du groupe X. Cette dépendance est illustrée dans les ensembles de référence qu’identifie la méthode pour chaque organisation, où des éléments des deux groupes peuvent s’y retrouver et servir de référent. À partir du moment où ces scores sont inextricablement liés, la com- paraison de moyenne entre des groupes et éventuellement la conclusion que l’un est plus efficace que les autres fait difficilement du sens.

Ensuite, pour un bon nombre d’études, une fois les résultats des modèles DEA présentés, l’intérêt est porté sur la détermination des facteurs qui influencent

l’efficacité. Tel que noté précédemment, l’utilisation des scores d’efficacité dans une régression sur ces facteurs potentiels est la méthode d’analyse favorisée. Les articles s’attardent donc à présenter les résultats des régressions, il s’en suit alors une discussion sur la significativité des divers facteurs et de leur influence sur le niveau d’efficacité. Étonnamment, cette section occupe une place très importante des papiers, bien souvent plus importante que la discussion sur les résultats DEA (Fizel et Nunnikhoven, 1992; Kooreman, 1994; Luoma et al., 1996; Rosenman et al., 1997; Rollins et al., 2001; Anderson et al., 2003; Martinussen et Midttun, 2004; Bates et al., 2006; Bilodeau et al., 2004; Banker et al., 1986; Chilingerian, 1995; Puig-Junoy, 1998). Ceci nous laisse donc entendre que l’objectif principal de ces études est de se positionner sur les facteurs favorisants ou non l’efficacité et que l’obtention d’une mesure de l’efficacité devient utile seulement en fonction de cet objectif.

Finalement, nous trouvons important de souligner que, puisque la majorité des articles utilise un modèle DEA sous sa forme dual, les poids de la forme frac- tionnaire ne sont pas directement obtenus. Ils sont de la sorte ignorés lors de la présentation des résultats et des discussions, et ce, en dépit de leur interpréta- tion économique intéressante. Nous pourrions nous attendre alors à ce que les articles présentent, pour les organisations inefficaces, les organisations identifiées comme référents à partir des multiplicateurs λ. Cependant, il n’en est rien, seuls Bardey et Pichetti (2004) exposent les établissements de l’ensemble de référence de chaque unité, ce qui est assez étonnant puisque la mesure de l’efficacité repose fondamentalement sur l’identification de ces référents.