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1. Boèce et les « quattuor matheseos disciplinæ »

Boèce (Roma, 480 [?] - † Pavia, 524-526 [?]), platoni- cien par excellence, fut l’un des puissants traits d’union entre l’Antiquité gréco-romaine et le Moyen Âge, et peut être considéré comme étant le père de la pensée scientifique-philosophique pour l’Occident médio- latin. Son œuvre scientifique-philosophique s’impose également comme modèle didactique et pédagogique, de par l’agencement externe de l’ensemble des ma- tières étudiées, et par l’agencement interne des thèmes traités1. Par ailleurs, nous savons qu’il était préoccupé aussi bien par Kɺ SUDNWLNKЂ, KГ9 que par Kɺ THZUKWLNKЂ, KГ92

, et de ce fait qu’il maîtrisait les tech- niques de fabrication de la clepsydre (i.e. horloge à eau), et qu’il était non seulement spécialiste de l’ars musica, mais aussi musicien expérimenté, semble-t-il.3 Certes, dans la civilisation post-romaine et carolin- gienne en pleine évolution, l’enseignement de Boèce

ne résout pas tous les problèmes scientifiques- philosophiques, ni dans le domaine mathématique, ni dans le domaine sensoriel, ni dans le domaine musical, ni non plus dans celui de l’acoustique. Toutefois, il nous permet d’accéder à une tradition du savoir, déjà millénaire, c’est-à-dire de saisir le vrai sens d’ KɺHЌSLVWKЂPKK9 (res scientifica ou disciplina), ainsi que celui d’ KɺMLORVRMLЂDD9 (res philosophica) à travers l’enseignement des quattuor matheseos disciplinæ, en l’occurrence : arithmetica • musica • geometria • astronomia4.

Mis au point grâce aux efforts des « pré- socratiques », tels 3XTDJRЂUD9 Rɺ6DЂPLR9(Pythagóras o Sámios, vers 570 - † vers 490 a. J.), )LORЂODR9 Rɺ.URWZQLDГWL9 (Philólaos o Krotoniâtis,470 † 400 - 390 a. J.), Ɇ$UFXЄWD9 Rɺ7DUDQWLЗQR9 (Archýtas o Taran- tînos, vers 428 - † vers 347 a. J.)5, ensuite perfectionné par Ɇ$ULVWRNOKЗ9 dit « 3ODЄWZQ » (Aristoklîs, dit « Pláton », vers 427 - † vers 347 a. J.)6, ce concept d’enseignement ne fut attesté comme cycle pédago- gique, semble-t-il, qu’à partir de l’architecte Vitruvius (avant l’an 31 a. J.)7. Appelée HЌJNXЂNOLR9SDLGHLЂDà

partir des moyens-platoniciens grecs8, cet ensemble de

matières fut le fondement de la tradition du savoir

scientifique et philosophique dont Boèce, mort sous la torture en 524 in agro Calventiano près de Pavia9, était,

pour la basse Antiquité latine, le dernier représentant en Occident10.

Boèce fut pour son époque l’ «RɺЂOZ9VRMRЂ9» (l’homme-université) par excellence11. Il constituait, en effet, à lui seul une grande école, capable de former des disciples à partir de zéro de connaissances, et de les conduire à travers le programme préparatoire des

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

fondées sur le raisonnement arithmétique) jusqu’à l’étude de la philosophie12, autrement dit, jusqu’à l’étude de l’ensemble des connaissances de base, et leur agencement spontané et naturel les unes aux autres. Homme de lettres et proto-philologue distin- gués maîtrisant parfaitement le latin et le grec, Boèce rédigea, entre l’an 500 et 510, des traités sur deux des quattuor matheseos disciplinæ, c’est-à-dire arithmetica,

musica, mais aussi, semble-t-il, sur les deux autres : geo- metria et astronomia, lesquels furent perdus de bonne

heure13. Ces quatre disciplines (ou sciences) consti- tuaient, selon l’expression du moyen-platonicien 1LNRЂPDFR9Rɺ*HUDVKQRЂ9 (Nikómachos o Gera- sinós, IIe s. vers a.D.100), DLɺWHЂVVDUH9PHЂTRGRL.

Ce terme, dont la traduction latine quadruvium fut em- ployée pour la première fois au sens figuré, semble-t-il, par Boèce lui-même15, signifie le « carrefour par lequel

l’esprit plus excellent est conduit, à partir des sens, vers les choses plus sûres de l’intelligence »16. Étant ainsi l’un des princi- paux dépositaires pythagoriciens et platoniciens de la culture scientifique et philosophique de l’Antiquité17, Boèce légua, à son insu, une partie importante de l’héritage scientifique-philosophique aux carolingiens, très désireux de renouer avec la tradition du savoir.

2. La Généalogie intellectuelle de Boèce

La généalogie intellectuelle et culturelle de Boèce re- monte au VIe-Ve siècle avant Jésus-Christ et se rattache

à l’école des pythagoriciens18, lesquels constituent les racines de son héritage. Cette première couche de sa lignée scientifique-philosophique s’est sans cesse enri- chie et affinée de génération en génération, c’est-à-dire de maître à élève, jusqu’à ce qu’elle ait atteint un pre- mier point culminant dans le puissant tandem de

6ZNUDЄWK9(Sokrátis, v. 469 -† vers 399 a. J.) o 3ODЄWZQ

(Pláton, 428 - † v. 347 a. J.)19, puis, par suite immé- diate, dans la personne de l’élève de Pláton, i.e. Ɇ$ULVWRWHЂOK9Rɺ 6WDJHLULЂWK9 (Aristotélis o Sta- geirítis 384 - † 322 a. J.), ainsi que dans la toute pre- mière génération des 3ODWZQLNRLЂ, c’est-à-dire les disciples de Pláton20. Ensuite, plusieurs siècles après la mort de Pláton, est apparue une lignée de chercheurs, d’origines diverses (grecque, latine, alexandrine, proche orientale) appelés moyen-platoniciens21, dont les œuvres vont préparer le cycle d’études pour l’acquisition de la culture générale, cycle désigné selon les auteurs : HЌJNXЂNOLR9SDLGHLЂD • HЌJNXЂNOLR9 WHЂFQK • ORJLNDLЇ WHЂFQDL • HЌJNXЂNOLR9 SDLЄGHXVL9 • HЌJNXЂNOLR9 PRXVLNKЂ • HЌJNXЂNOLR9 PDЂTKVL9 • HЌJNXЂNOLR9 MLORVRMLЂD • HЌJNXЂNOLD PDTKЂPDWD • HЌJNXЂNOLD SDLGHXЂPDWD • HЌJNXЂNOLD SURSDLGHXЂPDWD • etc.22. Enfin, la fixation définitive du cycle des « HЎJNXЂNOLRLWHЂFQDL » au nombre de sept est due au mouvement des néoplatoniciens23. Bien que la lointaine généalogie intellectuelle de Boèce remonte jusqu’à Pythagóras, il faut préciser que son héritage direct provient d’abord des moyen-platoniciens, tels

1LNRЂPDFR9Rɺ*HUDVKQRЂ9, 3ORXЄWDUFR9Rɺ&DLUZQHXЄ9

(Ploútarchos o Chaironeús, a.D. v. 50 - † v. a.D. 125), et .ODXЄGLR9 3WROHPDLГR9(Klaúdios Ptolemaîos v. a.D. 90 - † 168)24, puis se poursuit à travers plusieurs générations de néoplatoniciens, et en particulier par l’intermédiaire d’un deuxième tandem, en l’occurrence

3OZWLЗQR9 (Plotînos 205 - † v. 270) o 3RUMXЄULR9 Rɺ7XЄULR9 (Porphýrios o Týios v. 234 - † v. 305)25, puis par l’illustre élève de ce dernier Ɇ,DЄPEOLFR9 Rɺ &DONLGHXЂ9 (Iámblichos de Chalkideús, v. 250 –† vers 330)26. C’est en effet chez Porphýrios que l’on observe pour la première fois, semble-t-il, l’association des

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

quatre matières du quadruvium (i.e. arithmétique • musique • géométrie • astronomie) avec les trois matières que l’on appellera plus tard au IXe siècle le trivium (i.e. grammaire

• rhétorique • dialectique)27. L’association du quadruvium avec le trivium, observée donc chez Porphýrios, in- fluencera directement le néoplatonicien chrétien Aure- lius Augustinus (354 - † 430) lors de la rédaction de son traité De ordine sur l’enseignement des « HɻOHXЄTHUDL WHЂFQDL, ZQ (DLɼ) », i.e. « arts libéraux »28. Digne successeur latin immédiat du néoplatonicien grec athénien 3URЂNOR9Rɺ'LDЂGRFR9 (Próklos dit « Diádochos », i.e. le « successeur » ou le « remplaçant », v. 412 - † v. 485)29, Boèce reçut, grâce surtout à son père adoptif et futur beau-père Symmaque30, la quin- tessence de cette tradition du savoir, tradition qui avait bénéficié de quatre siècles de maturation depuis le moyen-platonicien Nikómachos o Gerasinós. Boèce, en tant que platonicien, puisait abondamment dans cette tradition, en acquit une grande maîtrise, puis de- vint la personnification de celle-ci pendant la première moitié du IXe siècle31. Il est vrai que l’évolution de la

tradition du savoir ne s’est pas faite sans controverses, ni

sans antagonismes entre les différentes générations et les différentes « écoles » (WDЇPRXVHLЗD)32, toutefois, dans le développement lent et conscient du cycle d’études de la culture générale antique, l’ancêtre de

l’ « HЌJNXЂNOLR9SDLGHLЂD », on remarque une étonnante homogénéité et cohérence durant les dix siècles qui séparent Pláton et Boèce. Cette homogénéité intellec- tuelle s’observe non seulement dans toutes les civilisa- tions du Proche- et Moyen-Orient ayant subi d’abord l’influence hellénique33, puis hellénistique d’Alexándreia34, mais aussi chez les romains surtout à partir du premier siècle avant Jésus-Christ, et en parti- culier chez Cicéron († vers l’an -43)35, Varron († vers

l’an -27)36 et Vitruve († vers l’an -9)37. Ainsi, sur le plan de la res scientifica (KɻHЌSLVWKЄPK), et la res philosophica (KɻMLORVRMLЂD), le puissant trait d’union que repré- sente Boèce constitue, pour la civilisation gréco-latine, un aboutissement, et pour la période post-romaine, carolingienne et post-carolingienne, le point de départ d’un nouveau courant intellectuel et culturel, dont Anicius Manlius Torquatus Serverinus Boethius, vir

clarissimus et inluster, ex consule ordinario, ex magistro officio- rum atque patricius38, fut l’un des «

priscæ auctoritatis uiri »,

c’est-à-dire l’une des principales sources.

3. La Prosopographie de Boèce

La prosopographie39 de Boèce, s’étend du

IVe au VIe siècle. Issu d’une gens patricia romana appelée Anicii,

famille romaine noble d’une longue lignée de fonc- tionnaires de haut rang40, Boèce est né à Rome vers 480 au début du règne de l’empereur Odoacre (476 - † à Ravenna en 493), roi du peuple germain appelé les Hérules. La famille des Anicii fut convertie au christia- nisme au IVe siècle sous l’empereur Constantin 1er (emp. en 306, † en 337)41. Le père de Boèce, Flavius Narius Manlius Boethius ou bien Flavius Nonius Arius Manlius Boethius • senator • præfectus Augustalis (i.e. pré- fet d’Égypte) en 475-476, semble-t-il, puis consul ordina-

rius l’année de sa mort en 487, figurait parmi les uiri inlustres de son époque42. Certains détails sur la vie de Boèce-père nous sont confirmés grâce au diptyque

consulaire qui porte son nom.

Ce « monument » précieux constitue donc un maillon important de la chaîne prosopographique du philo- sophe Boèce, d’où l’excursus détaillé, ainsi que l’édition critique, qui lui sont consacrés ici.

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

4. Le Diptyque Consulaire de Boèce-père

Le célèbre diptyque consulaire de Boèce-père, compo- sé de deux plaques d’ivoire, date, comme il se doit, du

Ve siècle. Il est conservé actuellement en Italie du Nord

à Brescia aux Musei d’Arte e Storia (i Civici Musei, Museo di Santa Giulia della città). Sur les deux faces

recto (les faces intérieures) se trouvent des inscriptions

et deux portraits du père de Boèce, lesquels ont été sculptés dans l’ivoire. Sur les deux faces verso, en re-

vanche, on découvre deux enluminures chrétiennes accompagnées d’inscriptions.

(1)

Diptyque consulaire du père de Boèce (face intérieure), en ivoire, a.D. 487 ; photo : Civici Musei di Brescia, Italia. Fronton de droite : Bene Eveniat [tibi] Feliciter [?] •

Fronton de gauche : Bene Eveniat [tibi] Feliciter [?] •

Clarissimus ET INLuster | Inscription à gauche : EX Prae- fecto Praetorio Praefectus Vurbi SECundo ORDinarius et PATRIcius ; cf. éd. J. G. Hagenbuch, p. 95 ; A. F. Gori, t. 1, p. 162-163, 182 ; R. Delbrück, Fasz. 2 : n° 7, J. R. Martinda- le, t. 2, p. 232-233. Dimensions : 350n mm x 126 + 126 o mm, soit une proportion absolue par rapport à 1 de 350 ÷252 = 1 o 1, 38.

(2)

Diptyque consulaire du père de Boèce (face extérieure), en ivoire, a.D. 487 ; miniatures chrétiennes datables du VIIe s.,

photo : Civici Musei di Brescia, Italia ;

à gauche : Résurrection de Lazare [Jean XI : 43-44] ; à droite : Saints Augustin • Jérôme • Grégoire I • « QVO • DEO | OFFERIMUS |

M[eme]nto Domine omnium de[functo]orum pontif[icum] me[orum præcessorum] uel omni[um] X[ristia]norum præ-

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

cipu[e] [animorum nob]is [co]missarum [et] [/////] [////////////] [ipsis] omnipotens [Deus et omnibus in Xristo quiescentibus locum refrigerii • lucis et pacis • ut indulgeas • deprecamur]… » ; cf. éd. A. F. Gori, t. 1, p. 200.

Ces enluminures, n’ayant aucun rapport ni avec Boèce-père, ni avec Boèce-philosophe, furent ajoutées au VIIe siècle. Les deux miniatures représentent, à

gauche, la scène de la résurrection de Lazare (Jean XI : 43, 44), puis à droite, les saints Augustin, Jérôme et Grégoire I, identifiables grâce aux inscriptions au- dessus de leurs têtes. Juste au-dessous des deux miniatures, à cheval sur les deux volets, se trouve l’inscription en écriture monumentale : « QVO y DEO | OFFERIMUS ». Ensuite, sur le volet gauche uniquement, on lit, en écriture onciale très effacée, une oraison funéraire de onze lignes : …« M[eme]nto Domine omnium de[functo]rum Pontif[icum]…43 . Le volet droit, au-dessous du mot « OFFERIMUS », n’a pas reçu d’écriture. Ces deux miniatures, qui occupent environ le tiers supérieur de chaque volet, sont légèrement plus grandes qu’un carré, ayant, à gauche, les proportions absolues de 1o 1, 086206896552, et à droite, celles de 1o 1, 01344827586244.

Le diptyque dit « de Brescia » nous renseigne avec précision sur la carrière politique du père de Boèce- philosophe, indiquant, en effet, que celui-ci fut préfet du prétoire (præfectus prætorio), préfet de la ville de Rome (præfectus urbis), consul ordinaire de Rome (consul

ordinarius, i.e. la suprême distinction que pouvait

recevoir un sénateur romain), enfin, patricien (patricius) :

1er volet (Fronton de gauche, portrait du père de Boèce debout) :

Bene Eveniat [tibi] Feliciter (?)

NARius MANlius BOETHIUS Vir Clarissimus ET INLuster45 ;

2e volet (Fronton de droite, portrait du père de Boèce assis) :

Bene Eveniat [tibi] Feliciter (?)

EX Præfecto Praetorio Præfectus Vrbi SECundo CONSul ORDinarius et PATRICius46

Composé de deux plaques rectangulaires en ivoire, les deux volets se plient l’un sur l’autre grâce aux trois charnières, d’où le terme « diptyque » (du grec GLЂSWXFR9R9RQ, plié en deux). Déployé, notre diptyque consulaire mesure environ 350n x 126 x 2o millimètres, ce qui donne des proportions absolues de 1o 1,38 soit 350 ÷ 25247. L’architecture des deux volets est identique. Il s’agit d’une composition tripartite, avec, de haut en bas, un fronton logeant une inscription de salutation, ensuite une inscription indiquant l’identité et le rang du personnage, enfin, le portrait sculpté du personnage. Le fronton triangulaire, d’une hauteur d’environ 43,75 mm., est entouré de fleurons, avec, au centre, des vœux, dont les lettres capitales BEF sont superposées les unes sur les autres et entourées d’une gerbe parfaitement circulaire, laquelle est flanquée de deux « rubans » ondoyants. L’inscription des titres et attributions, contiguë à la base du triangle du fronton, est faite d’une série d’abréviations en capitales dites « rustiques », d’une hauteur d’environ 17,5 millimètres. L’inscription commence sur le premier volet à gauche et se poursuit, à la même hauteur, sur le volet de droite. Le portrait, de la tête aux pieds, occupe environ 79,4 % de le surface du diptyque, soit une hauteur

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

d’environ 288,75 millimètres. Sur les deux volets, le personnage de Boèce-père est flanqué de deux colonnes corinthiennes ; il est vêtu de sa toge triomphale de consul ordinarius avec des sandales lacées aux pieds. Il tient dans la main gauche un sceptrum (l’insigne du pouvoir impérial), coiffé d’un aigle aux ailes déployées, et dans la main droite, une mappa (une serviette employée au cirque pour signaler le début des jeux) ; à ses pieds se trouvent des branches de palmiers (2 à gauche, 1 seule à droite), ainsi que des bourses de pièces de monnaie (2 à gauche, 3 à droite) destinées à l’aumône populaire. Sur le volet de gauche, Boèce-père est debout avec la main droite baissée tenant la mappa, tandis que sur le volet de droite, il est représenté assis sur sa sella curulis (siège de magistrat), la main droite levée tenant la mappa. Chaque volet est bordé tout autour de fleurons48.

5. Travaux du XVIIIe au XXe s. sur le Diptyque de Boèce-père

Au XVIIIe siècle, entre 1742 et 1759, ce diptyque

d’ivoire a fait l’objet d’une intense recherche, qui don- na lieu à des lectures multiples, divergentes, et parfois fantaisistes49. Dans un premier temps, en raison des erreurs de lecture, certains historiens du XVIIIe siècle

crurent en effet qu’il s’agissait du philosophe platoni- cien Boèce. Or, les travaux remarquables de Johann Gaspar Hagenbuch (De diptycho brixiano…, Zürich, 1748)50, puis ceux d’Antonio Francesco Gori (Thesau-

rus veterum diptychorum…, tome I, Florence, 1759)51, ont remis totalement en question ce point de vue. Par la suite, les travaux de W. Meyer (München, 1879)52, W.F. Volbach (Mainz, 1916)53, R. Delbrück (

Berlin • Leipzig, 1927 et 1929)54, et, enfin, l’étude de J. R. Mar- tindale (Cambridge, G. B., 1980)55, laquelle reprend les

conclusions de R. Delbrück, ont montré sans équi- voque qu’il s’agissait non de Boèce-philosophe mais de son père.

Ayant appartenu d’abord, semble-t-il, au monastère

San Salvatore et Santa Giulia de Brescia jusqu’au premier

quart du XVIIIe siècle, notre diptyque est passé entre les mains de plusieurs propriétaires successifs, à savoir : le magistrat brixien Ludovico Baitello56, puis la famille noble brixienne les Barbisoni57, avant d’être confié entre 1750 et 1755 à la Biblioteca Queriniana à Brescia, dont le fondateur fut le cardinal Angelo Maria Querini [ou Quirini] (Venise, 1680 - † Brescia, 1755), évêque de Brescia (1727) et préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana (1730-1751). Au sujet du diptyque, le cardinal Querini entretenait une correspondance scientifique avec plusieurs historiens de sa génération, correspondance qui fut publiée à Rome en 1743 sous le titre Decas II Epistolarum

latinarum…58. Voici donc l’édition critique ponctuelle intégrale du diptyque consulaire de Boèce-père, d’abord celle des vœux, d’après J.G. Hagenbuch et A.F. Gori, puis celle des noms et titres.

1er volet (Fronton de gauche) = (g) : (Vœux) o B E [?]ouB E F [?]

(Noms)

o

NAR MANL BOETHIUS VC ET INL

2e volet (Fronton de droite) = (d) : (Vœux) oB E [?]ouB E F [?]

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

XVIIIe Siècle :

(Vœux)

BoEthii • Bonus Eventus [sit] • Bono Eventui [suppli- camus] •

Bonum Eventum [precamur] • Bene Eveniat • BEne [Fiat] •

(cf. HAGENBUCH (Johann Gaspar), De diptycho Brixiano

Boethii consulis epistola epigraphica, auspiciis iussu et sumtibus principis. Eminentissime Angeli Mariae tit. S. Marci

Cardinalis Quirini, summi Bibliothecae Vaticanae prae- fecti episcopi Brixiani, cet edita a Iohanne Gasparo Hagenbuchio, professore Turicensi et Sodali adlecto, ab Academiis Etrusca Cortonensi et Columbaria Flor- entina, cum aenes tabulis Turici [i.e. Zürich] excudit Heideggerus et Socii, M°DCC°XL°VIII° (1748), 3 + CCXXXXVI pages, 2 planches : page 0 = planche 1, diptyque consulaire de Boèce-père, p. CLXXXII-bis = planche 2, p. LXXXXVIIII : §XXXIII) ;

Bene Eveniat [subintellige annus] • Bonus [tibi] Even- tus • Bono [annus] Eventu • Bene [annus] Eveniat • Bene [tibi nobisque] Eveniat • Euge Bene - Bene Euge • Bene ac Feliciter Eveniret • Bene Eveniat Feliciter • Bene Feliciterque Eveniat [subintellige annus] •

Bene Feliciter Eveniat [tibi : hoc est consuli uel sena- tui populo romano] •

(cf. GORI (Antonio Francesco), Thesaurus veterum Dipty-

chorum consularium et ecclesiasticorum tum eiusdem auctoris cum aliorum lucubrationibus inlustratus ac in tres tomos divisus opus posthumum adcessere Iohannis Baptistae Passeri Pisavren- sis nobilis eugubini in postremum additamenta et in tomos sin- gulos praefationes. Florentinae [Florence] (ex typographia

Caletani Albizzini, praesidum permissu), anno M°DCC°LIX° (1759), cf. t. I, p. 170 : §V) ;

Bene Egredere Feliciter • Bene Eveniat [tibi] Feliciter • Bene Eventu [tibi nobisque] Feliciter •

(cf. Antonio Francesco GORI, opus citatum, cf. t. I, p. 182) ;

(g) o Vœux • Noms • (d) o Vœux • Titres : (g) o 1. [ néant ]

(g) o 1. ANICIUS MANLIUS BOETHIUS VIR CLARISSI-

MUS ET INLUSTER

(d) o 1. [ néant ]

(d) o 1.EXPRAEFECTUS PRAETORIO PRAEFECTVS

ET COMES CONSUL ORDINARIUS ETPATRICIUS

(cf. QUERINI ou QUIRINI (Cardinal Angelo Maria),

Decas II, Epistolarum latinarum quas desumptis ple-

rumque earum argumentis ex vaticanae Bibliothecae mss., ad eam lustrandam de more quotannis Brixia accedens solivagas antea emiserat ejusdem praefectus S.R.E. Cardinalis Bibliothecarius, Romae, excudebant Nicolaus, et Marcus Palearini ad theatrum Pompeii an. Rep. Sal. M°DCC°XL°III° (1743), (Pontificatus sanc- tissimi Domini noster Benedicti XIV., anno III°), cf. Epistola IV, p. XXV-XXVIII ; cf. J.G. Hagenbuch,

op. cit., p. XXXV, LXXXVIIII ; A. F. Gori, op. cit. t. I,

p. 134) ;

(g) o 2. [ néant ]

(g) o 2. NOVO ANNO RURSUS MANLIUS BOETHIUS

VIR CLARISSIMUS ET INLUSTER

(d) o 2. [ néant ]

(d) o 2. EXPRAEPOSITUS PALATII PRAEPOSITVS ET

COMES CONSUL ORDINARIUS ETPATRICIUS

(cf. GALEARDI (Paulo), TURRE (Philippus a), (Bres-

cia, 1742-1745 ?) ; J.G. Hagenbuch, p. VIII-VIIII, XXVII, XXXIII-XXXV, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I,

Boèce : l’homme, la carrière, le destin, prosopographie, hagiographie, culte et vénération

p. 135 ; TURRE (Philippus a), (Brescia, 1742-1745 ?), cf. J.G. Hagenbuch, p. VIII-VIIII, XXVII-XXXIII, XXXIII-XXXV, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I, p. 135) ; (g) o 3. [ néant ]

(g) o 3. NARIUS MANLIUS BOETHIUS VIR CLARISSI-

MUS ET INLUSTER

(d) o 3. [ néant ]

(d) o 3. EX PRAEFECTUS PRAETORIO PRAEPOSITUS

SACRI CUBICULI ET COMES CONSUL ORDINARIUS

ETPATRICIUS

(cf. MAZOCHIUS (Alexsis Symmachus) (i.e. Alessio Simmacho Mazzocchi), Ad eminentissimum et reve- rendissimum dominum Angelum Mariam Quirinum S.R.E. Cardinalem Bibliothecarium episcopum Brixiensem de diptycho Quiriniano et Brixiano episto- la, de graeco prophetarum codice chisiano, diatriba, de librorum bipatentium et convolutorum antiquitate diatriba, s. l. n. d. (i.e. sans lieu, ni date), [Naples ?, entre 1740 et 1745 ?], cf. ch. III : « De diptycho Brixiano Boethii consulis », p. XIX-XXV ; cf. J.G. Hagenbuch, p. XXXX, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I, 154-160) ;

(g) o 4. [ néant ]

(g) o 4. NARICIUS MANLIUS BOETHIUS VIR CLARIS-

SIMUS ET INLUSTER

(d) o 4. [ néant ]

(d) o 4)EXPPRAEPOSITVSEUNUCHORUM VEL AU-

GUSTALIS CUBICILI CONSUL ORDINARIUS ET PA-

TRICIUS

(cf. MAZOCHIUS (Alexsis Symmachus) (i.e. Alessio Simmacho Mazzocchi), op. cit., cf. ch. III : « De dipty- cho Brixiano Boethii consulis », p. XIX-XXV ; cf. J.G. Hagenbuch, p. XXXX, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I, 154-160) ;

(g) o 5. [ néant ]

(g) o 5. NATALES REGIOS MANLIUS BOETHIUS VIR

CLARISSIMUS ET INLUSTER

(d) o 5. [ néant ]

(d) o 5. EX PROPRIA PECUNIA VOTA SUSCEPTO

EDIXIT CELEBRANDOS CONSUL ORDINARIUS ET

PATRICIUS

(cf. BOZE (Claude Gros de), (Paris, dans sa lettre du 31, janvier 1743 adressée au Cardinal Angelo Maria Querini évêque de Brescia),

cf. J.G. Hagenbuch, p. XI, XXXXIII, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I, p. 147) ;

(g) o 6. [ néant ]

(g) o 6. NATALES ROMAE MANLIUS BOETHIUS VIR

CLARISSIMUS ET INLUSTER

(d) o 6. [ néant ]

(d) o 6. EXPECTATUS PRINCIPIBVSECCE CONSUL

ORDINARIUS ETPATRICIUS

(cf. BOZE (Claude Gros de), (Paris, dans sa lettre du 31, janvier 1743 adressée au Cardinal Angelo Maria Querini évêque de Brescia),

cf. J.G. Hagenbuch, p. XI, XXXXVII, LXXXVIIII ; A.F. Gori, t. I, p. 147) ;

(g) o 7. [ néant ]

(g) o 7. NOVO ANNO REDEUNTE MANLIUS BOE-

THIUS VIR CLARISSIMUS ET INLUSTER

(d) o 7. [ néant ]

(d) o 7. EX PATRUM PRINCIPIBVS ECCE CONSUL

ORDINARIUS ETPATRICIUS

(cf. BOZE (Claude Gros de), (Paris, dans sa lettre du 31, janvier 1743 adressée au Cardinal Angelo Maria

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