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3. Cadre méthodologique

4.4. Transition professionnelle

4.6.2. Vécu d’élève

Ogay (2010) écrit: « dans la construction pyramidale de l’école, [...] les anciens bons élèves deviennent les enseignants des nouveaux bons élèves ». De là à déduire que les mauvais élèves deviennent enseignants spécialisés, il n’y a qu’un pas... Que nous ne franchirons pas! Dans leur biographie éducative, tous ont raconté leur vécu d’élève. Les informations qu’ils livrent nous renseignent à la fois sur leur perception intime de l’école et sur des traits de caractère qui sont peut-être encore les leurs aujourd’hui. Ils se sont en effet montrés plutôt réservés quant à leur manière d’être actuelles, mais n’ont eu aucune peine à se décrire en tant qu’enfant, comme si le temps leur permettait de prendre la distance nécessaire à se mettre en mots.

Katherine garde de bons souvenirs de sa scolarité: « J'ai adoré aller à l'école. [...] Mon plaisir

c'était aussi de retrouver mes copains et copines ». Elle n’était par contre pas une élève brillante:

« J'étais une élève appliquée. “Se donne de la peine et en a”, un peu ce style. Je doutais beaucoup

de moi. Il fallait que je travaille pour pouvoir y arriver ».

Anabel a connu des débuts difficiles: « L'enfantine, j'ai trouvé que ce n’était pas drôle. [...] En fait,

je ne comprenais pas ce qu'on attendait de moi ». Elle s’est cependant adaptée très rapidement: « Je dois être sage, faire des bâtons, sourire... OK ». A partir de ce moment, elle devient une excellente

élève, mais elle doit aussi se donner de la peine: « J'ai vraiment beaucoup aimé l’école. Je me suis

toujours appliquée. [...] J'étais première de classe mais il y avait du boulot derrière ».

Quentin était un élève du même genre, appliqué et apprécié: « J'aimais bien l'école, apprendre, lire.

J’étais un élève dans la norme, comme les enseignants aiment bien. Celui qui ne fait pas trop de bruit, qui aime apprendre ».

Laure a aimé aller à l’école primaire, où elle était plutôt performante: « J'ai fait une scolarité

primaire sans heurts. [...] Sur un plan purement scolaire, je m'en sortais plus que bien ». Cela se

complique au secondaire, non pas à cause de difficultés, mais parce qu’elle est extrêmement perfectionniste: « J'ai continué d'être une élève modèle mais ma vie privée s'est progressivement

compliquée. L'école mangeait ma vie. [...] Mon perfectionnisme me coûtait cher ».

Jocelyne aussi a traversé ses premières années sans difficultés, avant d’en rencontrer au secondaire: « J'ai beaucoup aimé cette période d'école primaire. J'étais assez performante, je me débrouillais

bien. [...] Après mes parents ont divorcé, j'ai changé d'école et [...] j’ai commencé à avoir des difficultés scolaires ».

Hubert n’aimait pas l’école, sinon pour y retrouver ses amis: « J’ai peu de souvenirs, si ce n’est

ceux des préaux et des jeux parce que l’école, je n’aimais pas du tout ça. [...] J’aimais y aller, mais pour rencontrer des copains ». Sa scolarité s’est déroulée sans accroche, mais sans qu’il n’y prenne

goût non plus: « Ma scolarité s’est fait sans problème. J’ai toujours passé. [...] Mais tout ce qui

était scolaire, ça n’avait aucun sens pour moi. J’étais totalement ailleurs, dans mes préoccupations d’enfant ».

Bien que bonne élève, c’est aussi le côté relationnel qu’Inès retient de ses années d’école: « J'aimais bien aller à l'école, mais pour les copains. [...] Je me rappelle surtout des moments de

relation, plus que de ce qu'on m'a appris. En classe, je travaillais vite. Je faisais peu à la maison, parce que j'écoutais beaucoup en classe ».

Synthèse partielle

Je termine par là où tout à commencé: sur les bancs de l’école primaire. Accorder une place à ces récits de vie scolaire me tenait à coeur pour deux raisons. D’un point de vue théorique, Britzman (1992) a mis en avant l’importance des expériences personnelles antérieures à la formation initiale, chez les enseignants, notamment celles qui ont trait à la scolarité obligatoire. Celles-ci formeraient le cadre de référence de leur identité professionnelle (Riopel, 2006).

Ensuite, j’assume mon choix de travailler à partir de biographies éducatives, dont la spécificité est précisément qu’elle remontent jusque dans l’enfance. Cette période mérite un intérêt particulier. Si l’on considère que la construction de l’identité globale, dont l’identité professionnelle est une facette, débute dès le plus jeune âge, ce que les sujets disent de leur scolarité a toute son importance. Percevoir quels enfants, quels élèves ils ont été, derrière les professionnels qu’ils sont devenus donne une autre épaisseur à leurs récits et permet en quelque sorte de boucler la boucle: je leur ai demandé où ils en sont, vers quoi ils se dirigent. Je prends également en considération d’où ils viennent.

C’est la prise en compte de ces trois dimensions, passé, présent, futur, qui nous a permis, tout au long de cette analyse, d’éclairer petit à petit des parcelles de notre objet de recherche. Et c’est à cette lumière que je propose une interprétation de ces informations.

5. Interprétation

Dans l’analyse, nous avons examiné plusieurs éléments qui apparaissent comme constitutifs de l’identité professionnelle des enseignants spécialisés. Dans un premier temps, nous avons tenté de définir les contours d’une culture professionnelle propre. Pour ce faire, nous avons considéré les liens qui existent entre l’enseignement spécialisé et d’autres professions (enseignement ordinaire ou domaines voisins), les buts professionnels des enseignants spécialisés, les moyens qu’ils mettent en oeuvre pour les atteindre, ainsi que les savoirs qui sous-tendent leurs actions au quotidien.

Dans la mesure où nous avons repris à notre compte l’hypothèse développée par Gohier et al. (1999) d’une identité professionnelle résultant d’une interaction entre l’individu enseignant et les critères définitoires de la profession, nous nous sommes ensuite intéressés aux liens qui existent entre l’identité personnelle et professionnelle des enseignants spécialisés. Ceci nous a amenés à aborder la question du rapport au savoir et de la vocation, au sens large de motivation(s) à s’orienter ou se réorienter vers une nouvelle profession.

Maintenant que nous avons considéré, séparément ces différents éléments, nous allons tenter de les concilier pour obtenir une image de l’identité professionnelle actuelle. Bien que celle-ci ne soit pas généralisable, elle offre néanmoins des éléments de réponse à nos questions de recherche, ainsi que de nouvelles perspectives à explorer.