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2.4 Le potentiel des g´ eosciences en viticulture

2.4.2 Utilisation des isotopes non-traditionnels en milieu agronomique

Les rapports des isotopes stables des ´el´ements l´egers sont devenus des outils stan- dards dans une multitude de domaines. Les rapports isotopiques peuvent ajouter une information suppl´ementaire aux donn´ees de concentrations si les m´ecanismes de frac- tionnement sont connus. G´en´eralement, les rapports isotopiques peuvent ˆetre utilis´es soit pour tracer les sources d’un ´el´ement dans un compartiment, soit pour acqu´erir des informations sur les m´ecanismes chimiques mis en œuvre lors du transfert de ces ´el´ements. Ceci est possible parce que les isotopes r´eagissent diff´eremment en fonction de leur masse pour une grande majorit´e de r´eactions. Les rapports isotopiques du Cu sont commun´ement mesur´es `a l’aide d’un ICP-MS `a multi-collection. La mesure est relativement simple et la plupart des ´equipes qui travaillent sur les isotopes stables du Cu utilisent le protocole propos´e par Mar´echal et al. (1999). Mais comme les diff´erences observ´ees sont relativement petites (de l’ordre du dixi`eme de pour mille des rapports

65Cu sur 63Cu), la mesure n´ecessite une grande  puret´e  de l’´echantillon et une cor-

rection du fractionnement induit par la machine par une mesure simultan´ee du Zn ou du Ni (Chapman et al., 2006 ; Ehrlich et al., 2004 ; Mar´echal et al., 1999). Cela implique la s´eparation du Cu des autres ´el´ements de la matrice de l’´echantillon, en particulier lorsque le Cu n’est qu’un ´el´ement trace dans les matrices environnementales

(Chapman et al., 2006 ; Ehrlich et al., 2004 ; Mar´echal et al., 1999). La purification est l’´etape critique dans la d´etermination des rapports isotopiques du Cu et le protocole de purification n´ecessite une adaptation aux matrices ´etudi´ees (Archer and Vance, 2004 ; Babcsanyi, 2015 ; Bigalke, 2010 ; Borrok et al., 2007 ; Larner et al., 2011 ; Liu et al., 2014 ; Mar´echal et al., 1999).

Figure 2.5 – Histogramme des rapports isotopiques mesur´es dans des sols agricoles pollu´es par du Cu (noir) et non-pollu´es (gris) en France (Fekiacova et al., 2015).

Les premi`eres ´etude des rapports isotopiques dans des ´echantillons environnemen- taux ont ´et´e conduite par Mar´echal et al. (1999). Les premi`eres analyses d´edi´ees aux sols et aux plantes ont ´et´e r´ealis´ees environs 10 ans plus tard (Bigalke, 2010 ; Bigalke et al., 2010b, 2011 ; Weinstein et al., 2011). Mˆeme si les sols contamin´es en Cu ont ´et´e cibl´es d`es le d´ebut des ´etudes utilisant l’isotopie de Cu, il n’est toujours pas ´etabli si les rapports isotopiques mesur´es sont contrˆol´es par la signatures des sources du Cu ou par le fractionnement lors des m´ecanismes de transfert (Babcs´anyi et al., 2016 ; Bigalke et al., 2010a). N´eanmoins des tendances g´en´erales vers des rapports isotopiques ´elev´es dans les sols sont visibles dans une ´etude sur les sols agricoles en France (Fekiacova et al., 2015).

Dans les plantes, la discussion sur les m´ecanismes entrainant un fractionnement iso- topique des isotopes du Cu est encore largement d´ebattue. Il est g´en´eralement admis que l’absorption par les plantes enrichit les tissus v´eg´etaux en isotopes l´egers mais diff´erentes observations existent sur le fractionnement du Cu `a l’int´erieur de la plante, sugg´erant une d´ependance des conditions environnementales (Jouvin et al., 2012 ; Li et al., 2016 ; Ryan et al., 2013 ; Weinstein et al., 2011).

N´eanmoins, le fractionnement entrain´e par une multitude de r´eactions en conditions exp´erimentales a ´et´e report´e dans la litt´erature (absorption par des plantes/microor-

ganismes, complexation par de la mati`ere organique, pr´ecipitation sous forme de mala- chite, r´eduction et oxydation, adsorption sur des min´eraux secondaires) (Balistrieri et al., 2008 ; Bigalke et al., 2010c ; Ehrlich et al., 2004 ; Jouvin et al., 2012 ; Kimball et al., 2009 ; Li et al., 2015 ; Mar´echal and Albar`ede, 2002 ; Marechal and Sheppard, 2002 ; Mathur et al., 2005 ; Navarrete et al., 2011 ; Pokrovsky et al., 2008 ; Ryan et al., 2014, 2013 ; Zhu et al., 2002).

Il s’av`ere au regard de cela que les rapports isotopiques du Cu sont un outil en d´eveloppement int´eressant pour les probl´ematiques en milieu viticole.

Figure 2.6 – Fractionnements des isotopes de Cu lors de diff´erentes r´eactions chi- miques report´ees dans la litt´erature. La Figure est tir´ee de (Babcsanyi, 2015).

2.5

Objectifs et port´ee scientifique

Cette th`ese vise `a contribuer `a la question scientifique fondamentale de la mo- bilit´e des ´el´ements dans le continuum sol-plante, au travers de l’utilisation d’outils g´eochimiques en contexte viticole. L’hypoth`ese ayant initi´ee ce travail est que les m´ecanismes de p´edog´en`ese (alt´eration min´erale et formation des phases secondaires, d´egradation et incorporation de la mati`ere organique) et les facteurs physico-chimiques et biologiques

(facteurs p´edog´en´etiques, contaminations,. . . ) dans les sols, entrainent des diff´erences dans le fonctionnement biochimique et physiologique des plantes. En contexte viticole, cette hypoth`ese revient `a questionner le rˆole du compartiment sol dans  l’effet ter-

roir . Les sols viticoles, comme tous les sols cultiv´es, ne sont pas simplement soumis

aux facteurs naturels mais aussi `a l’activit´e humaine via l’apport d’intrants (pesticides, engrais,. . . ). Les apports de pesticides cupriques ´etant particuli`erement importants en viticulture, il est impossible de ne pas les consid´erer dans les travaux sur les signatures ´el´ementaires dans le continuum sol-vigne.

Pour aborder ces aspects, nous avons choisi de combiner une approche g´eochimique clas- sique (rapports ´el´ementaires, bilans de masses) `a l’utilisation de marqueurs biochimiques et au d´eveloppement de l’outil  isotopes stables du Cu , dans le but d’am´eliorer les

connaissances relatives aux m´ecanismes impliqu´es dans les transferts ´el´ementaires au sein du continuum sol-plante en milieu viticole. Le travail m´ethodologique d’am´elioration des protocoles de s´eparation des isotopes du cuivre qui a ´et´e n´ecessaire pour mener `a bien cette ´etude est d´evelopp´e en annexe C dans le manuscrit.

Le chapitre 3 apr`es cette introduction traite de la composante sol de  l’effet terroir au travers d’un r´esum´e historique et bibliographique destin´e `a mettre en perspective

les aspects scientifiques et la perception commune de la question de l’influence du sol sur la vigne et le vin.

Le quatri`eme chapitre examine, via un travail men´e sur plus de 200 vins provenant de toute l’europe de l’ouest, les conditions environnementales (nature du sol et facteurs climatiques) permettant la s´egr´egation des vins, `a partir de leur profil ´el´ementaire. Le rˆole de la composante  sol  sur la signature ´el´ementaire des vins est-elle

une r´ealit´e statistique ? Si oui existent-il des traceurs g´eochimiques per- mettant de relier sols et vins ?

Le cinqui`eme chapitre pr´esente une ´etude p´edo-bio-g´eochimique comparative de deux types de sol viticoles (sols calcaires versus sols vertiques) issus de deux parcelles jux- tapos´ees `a Soave en Italie. Cette ´etude recentr´ee `a l’´echelle de la topos´equence de sols permet d’investiguer le rˆole des processus p´edog´en´etiques ainsi que des param`etres bio-g´eochimiques associ´es sur la signature biochimique et chimique des plantes. Quels param`etres descripteurs des sols sont pertinents dans le cadre de l’´etude des transferts ´el´ementaires sol/plante ? Des propri´et´es des diff´erents sols induisent t-elles des diff´erences sur la composition de la plante ?

Le sixi`eme chapitre se focalise sur le cuivre dans les deux types de sols du chapitre pr´ec´edent (topos´equences de sols `a Soave, Italie). Il s’agit de quantifier et comprendre les m´ecanismes de r´etention/transfert du Cu dans ces sols afin d’´evaluer les probables implications des apports cupriques sur le continuum sol-plante. Pour cela des calculs de bilans ´el´ementaires associ´es `a l’outil isotopique et `a l’utilisation de la RPE ont ´et´e mis en oeuvre. Les apports anthropiques de cuivre doivent-ils ˆetre consid´er´es dans l’´etude des transferts ´el´ementaires dans le sol et entre le sol et la plante en milieu viticole ? Les signatures isotopiques du Cu dans les sols refl`etent-elles la signature des pesticides ? Refl`etent-elles des m´ecanismes physico-chimiques se d´eroulant dans les sols ?

Enfin, le septi`eme chapitre s’int´eresse au transfert du Cu et des nutriments entre diff´erents types de sol et les plantes dans le cadre d’une exp´erimentation en conditions contrˆol´ees, sous serre. Les compositions chimiques et les rapports isotopiques du Cu des sols, solutions de sol et plantes sont ´etudi´ees ainsi que les traceurs biochimiques de stress m´etalliques. Les isotopes du Cu permettent-ils de caract´eriser les m´ecanismes de transferts du Cu dans le continuum sol – solution du sol – plante ? Dans quelle(s) mesure(s) la pr´esence de cuivre dans les sols viticoles influence-t-elle la nutrition/sant´e de la plante ? Sa composition chimique et isotopique en Cu ?

Grˆace `a la mise en œuvre de diff´erentes approches (statistique, terrain, m´esocosme), men´ees `a diff´erentes ´echelles et combinant de multiples techniques, cette th`ese souhaite in fine r´epondre `a deux probl´ematiques que sont la pertinence de l’approche g´eochimique dans la compr´ehension del’effet terroiren viticulture, mais aussi celle de l’utilisation

des isotopes du cuivre pour comprendre les m´ecanismes impliqu´es dans les transferts ´el´ementaires sol-plantes du cuivre.

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