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Utilisation de micromélangeurs en émulsification

CHAPITRE I – Revue bibliographique

III. EVOLUTION DES PROCEDES D’EMULSIFICATION : DES PROCEDES CLASSIQUES AUX

III.4. Utilisation de micromélangeurs en émulsification

Dans le cas particulier de l’émulsification, il est très difficile d’obtenir des gouttelettes monodisperses avec des procédés classiques. De plus, ces procédés font appel à la turbulence pour provoquer la formation de gouttelettes, ce qui induit une distribution très large des gouttelettes et une surconsommation de tensioactifs. Les micromélangeurs représentent alors une alternative particulièrement prometteuse due à des conditions de régimes en écoulement bien souvent laminaire et à des mécanismes de rupture de gouttelettes mieux contrôlés. La distribution granulométrique ainsi obtenue est étroite, conduisant à des émulsions très stables dans le temps car peu soumises aux phénomènes physicochimiques de déstabilisation des émulsions.

De plus, dans de tels micromélangeurs, les forces prédominantes ne sont plus les mêmes que celles qui interviennent majoritairement dans les procédés actuels (Tabeling, 2003). Par exemple, les forces d’inertie et de gravité sont négligeables par rapport aux forces visqueuse et interfaciale. Les nombres adimensionnels gouvernant l’hydrodynamique ne sont alors plus les nombres de Reynolds et de Bond mais plutôt les nombres Capillaire et de Weber. Le nombre capillaire compare les forces visqueuses aux forces capillaires alors que le nombre de Weber donne des informations quant à l’importance des effets inertiels et de la tension superficielle.

Dans les travaux de microfluidique, ce nombre capillaire est bien souvent inférieur à l’unité et

compris entre 10-1 et 10-3 indiquant la prédominance quasi systématique des forces capillaires

sur les forces visqueuses.

L’hydrodynamique dans de tels micromélangeurs est toutefois relativement complexe et dans certains cas particuliers, l’écoulement n’y est plus laminaire mais turbulent, comme c’est par exemple le cas, pour les têtes d’imprimante à jet d’encre. En effet, l’augmentation des débits ainsi que certaines structures de micromélangeurs (advection ou rugosité) conduisent à ce

type d’écoulement. Les gouttelettes formées ne sont ainsi plus de tailles aussi uniformes que dans le cas laminaire et sont également plus petites.

Depuis ces dernières années, de nombreux micromélangeurs ont été développés en vue d’induire un mélange efficace de fluides miscibles ou immisibles. Différentes études d’émulsification ont vu le jour dans ces dispositifs microstructurés, classés comme nous l’avons vu précédemment, par leur structure:

- avec lamination parallèle possédant des jonctions en Y (Kawai et al., 2002, Löb et al.,

2006 ; Löb et al., 2007), en T (Nisisako et al., 2002, Garstecki et al., 2006; Guillot et al.,

2005 ; Xu et al., 2006), en flow-focusing (Anna et al., 2003; Dreyfus et al., 2003, Tan et al.,

2006) ou des structures interdigitales (Haverkamp et al., 1999 ; Pennemann et al., 2004).

Hardt et al. (2001) ont d’ailleurs réalisé la simulation de formations de gouttes en dispositifs

interdigitaux par CFD.

- avec lamination en série (Mae et al., 2004; Löb et al., 2007) - avec injection

On dissociera ici les émulsions simples et les émulsions multiples. Dans le cas des émulsions simples, différentes études ont permis de montrer que la taille des gouttelettes ainsi que leur distribution peuvent être influencées aussi bien par la structure des micromélangeurs que par les paramètres de procédé (débits par exemple). De même, l’énergie volumique dissipée par ces micromélangeurs est plus faible que celle des procédés plus conventionnels.

Nisisako et al. (2002) ont obtenu, en utilisant un micromélangeur avec une jonction en T, une

diminution de la taille de gouttelettes en augmentant le débit de phase aqueuse et en gardant constant le débit total. De même, cette taille augmente avec le débit de phase dispersée en

gardant constant le débit total. Kawai et al. (2002) ont étudié l’influence des micromélangeurs

en Y sur le diamètre des gouttelettes et ont montré que cette taille augmente avec une diminution de l’angle. De même, grâce à ce dispositif en Y, des gouttelettes avec un coefficient de variation de 10% sont obtenues contrairement aux procédés traditionnels où

cette valeur était de 36%. Löb et al. (2006) ont généré des émulsions dans des

micromélangeurs avec lamination parallèle et ont montré que la taille et la distribution granulométrique des gouttelettes dépendait fortement du nombre de canaux d’entrée ainsi que de la forme et de la taille de la chambre de récupération des gouttelettes après leur formation.

Enfin, Bayer et al. (2000) ont réalisé une étude comparative des résultats obtenus en procédé

avec ces derniers dispositifs était beaucoup moins importante que celle des procédés plus

traditionnels, la faisant passer de 1×105/1×107 à 1×104/1×105 J.m3.

Les émulsions multiples (Figure 1.10) contiennent une structure plus complexe et sont thermodynamiquement plus instables que les émulsions dites ‘simples’. Les instabilités rencontrées sont de deux types : coalescence des gouttelettes internes avec la phase continue

et coalescence des gouttelettes internes entre elles (Ficheux et al., 1998). On les retrouve dans

les domaines agroalimentaire (produits à basse calorie), pharmaceutique (encapsulation) ainsi que dans d’autres domaines à forte valeur ajoutée. Les émulsions multiples sont produites selon deux étapes en utilisant deux tensioactifs différents (hydrophile et hydrophobe) : la première consiste à générer l’émulsion E/H ou H/E, et est appelée ‘émulsion primaire’ et la seconde à obtenir l’émulsion multiple. Les méthodes conventionnelles d’émulsification conduisent à la formation de gouttelettes polydisperses et souvent de grande taille. Les émulsions ainsi produites sont instables dans le temps d’où l’intérêt d’utiliser la microtechnologie qui conduit à des gouttelettes beaucoup plus monodisperses.

Phase aqueuse Phase organique

Phase aqueuse

Figure 1.10 - Exemple d'émulsion multiple E/H/E

Dans la littérature, la préparation d’émulsions multiples a lieu dans des micromélangeurs de différentes géométries. L’émulsion primaire est alors générée dans des conditions de hauts cisaillements dans le but d’obtenir des gouttelettes de très faible taille tandis que l’émulsion multiple est obtenue sous des conditions de cisaillement moindre pour éviter la rupture des gouttes de l’émulsion primaire. Ces dispositifs microstructurés peuvent être à membranes

(Sugiura et al., 2004, Van der Graaf et al., 2005), avec deux jonctions consécutives en T (Yi et al., 2003; Okushima et al., 2004) ou en écoulement à co-courant (Utada et al., 2005).

Ces nombreuses études ont permis de comprendre l’influence du rapport des débits, de la viscosité et des masses volumiques des phases sur les propriétés des émulsions multiples dans de tels dispositifs.

Même si l’intérêt de l’utilisation de ces micromélangeurs pour la production d’émulsions (simples ou multiples) a été démontré par ces différentes études, ces dispositifs, bien souvent en acier inoxydable, constituent des boîtes noires et la compréhension des mécanismes de formation de gouttes reste encore actuellement très limitée. En effet, les montages expérimentaux possèdent souvent des thermocouples ainsi que des capteurs de pression pour déterminer la perte de charge dans ces dispositifs, mais seules la taille et la distribution des gouttelettes en fonction de l’énergie volumique dissipée peuvent en être déduites.