Chapitre I - Les semi-conducteurs organiques par (hétéro)arylation directe
1.4. L’arylation directe pour la synthèse des SCOs
1.4.4. Utilisation de l’arylation directe pour l’obtention de polymères
Les polymères conjugués représentent la seconde grande famille de SCOs utilisés dans le photovoltaïque organique et
présentent souvent des rendements de photoconversion supérieurs aux petites molécules.
12dLes voies d’accès à ces polymères sont
aussi nombreuses que celles utilisées pour les petites molécules conjuguées. Ainsi la polymérisation par arylation directe est l’une
des voies de synthèse qui peut être utilisée.
93Elle présentera les mêmes avantages que l’arylation directe de petites molécules :
couplage sans production de déchets métalliques, diminution de la toxicité des intermédiaires, économie d’atomes et économie
d’étapes. Deux grands types de polymères peuvent être obtenus : 1) les homopolymères par polymérisation d’un monomère
présentant une liaison C-X et une liaison C-H activable, 2) les copolymères à partir de deux monomères différents chacun possédant
des liaisons C-X et C-H (Schéma 1.20). Des copolymères aléatoires peuvent également être synthétisés lorsque plus de deux
monomères sont utilisés. Les exemples cités représentent l’état actuel non exhaustif des études de polymérisation par arylation
directe pour des SCOs.
(93) (a) Facchetti, A.; Vaccaro, L.; Marrocchi, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 3520; (b) Okamoto, K.; Zhang, J.; Housekeeper, J. B.; Marder, S. R.; Luscombe, C. K. Macromolecules 2013, 46, 8059.
Schéma 1.20. Types de polymères pouvant être obtenus par arylation directe.
Leclerc et al
94ont réalisé la synthèse de copolymères entre une thiénopyrroledione A23 et un bithiophène. La
polymérisation par arylation directe (Catalyseur de Herrmann, P(Ph-o-OMe)
3, Cs
2CO
3, THF, 120°C) permet d’avoir un polymère avec
un poids moléculaire (56 kDa), plus important que par couplage de Stille (9 kDa), avec un rendement de 96%. Il est noté que le
groupement imide peut orienter et activer les liaisons C-H en position 2 et 2’ de la thiénopyrroledione. Ozawa et al
95se sont
également intéressés aux thiénopyrrolediones. Ils démontrent que le couplage avec le bitihiophène est plus efficace avec
PdCl
2(MeCN)
2qu’avec le catalyseur de Herrmann en présence de P(Ph-o-OMe)
3(18,2 kDa vs 36,8 kDa). Le choix du solvant est
primordial car dans un solvant polaire tel que le DMF ou le DMA, il n’observe pas de polymère.
Schéma 1.21. Polymères P1 obtenus par arylation directe.94
Kanbara et al
96sont parmi les premiers à utiliser l’arylation directe pour la synthèse de polymères. Ils s’intéressent à la
polymérisation du pentafluorobenzène A24 (deux liaisons C-H acides) avec le 2,7-dibromo-9,9-dioctylfluorène (Schéma 1.22). Les
études faites sur la présence ou non de phosphine (P
tBu
2Me.HBF
4), la quantité de catalyseur (5% mol Pd(OAc)
2), le solvant (DMA), le
temps de réaction (24 h), la concentration en monomère (0,5 M) permettent d’obtenir les conditions optimales pour la polymérisation.
Thompson et al
97se sont intéressés tout particulièrement à l’étude de la polymérisation du 1,2,4,5-tétrafluorobenzène A24. Ils
montrent que la position des bromes est importante puisqu’avec le 1,4-dibromotétrafluorobenzène A25 seuls des oligomères (M
n=
1,9 kDa) sont obtenus.
(94) Berrouard, P.; Najari, A.; Pron, A.; Gendron, D.; Morin, P.-O.; Pouliot, J.-R.; Veilleux, J.; Leclerc, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 2068. (95) Wakioka, M.; Ichihara, N.; Kitano, Y.; Ozawa, F. Macromolecules 2014, 47, 626.
(96) Lu, W.; Kuwabara, J.; Kanbara, T. Macromolecules 2011, 44, 1252.
Chapitre 1
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Schéma 1.22. Polymères P2 obtenus par arylation directe.96, 97
Pour synthétiser des co-polymères de type bithiophène-fluorène P4 (Schéma 1.23), Kanbara et al
98montrent qu’il est
parfois difficile d’activer sélectivement une position. Ils ont utilisé le 3,3’,4,4’-tétraméthylbithiophène, qui présente des méthyles en ,
ce qui empêche les réactions parasites. En effet, lors de l’utilisation du 2,2’-bithiophène, ils observent un mélange de produits
insolubles. Les meilleures conditions sont obtenues en absence de phosphine en seulement 3 heures. Différents arènes ont été
testés avec le 3,3’,4,4’-tétraméthylbithiophène montrant que le temps de polymérisation est important.
99En effet, lorsque la
polymérisation conduit à la formation de produits insolubles due à des réactions parasites sur d’autres liaisons C-H activables de
l’arène, le temps de réaction doit être diminué. Dans le cas du 2,7-dibromo-9,9-dioctylfluorène par exemple, le temps de
polymérisation peut être réduit à 1,5 heures.
Schéma 1.23. Polymères P4 obtenus par arylation directe.98
Yu et al
100ont polymérisé différents dioxthiophènes A27 (Schéma 1.24) en variant le catalyseur et la phosphine. Ils
obtiennent pour les dioxthiophènes non protégés (a et b) des rendements plutôt corrects en présence de phosphine. Pour les
(98) Fujinami, Y.; Kuwabara, J.; Lu, W.; Hayashi, H.; Kanbara, T. ACS Macro Lett. 2012, 1, 67.
(99) Kuwabara, J.; Nohara, Y.; Choi, S. J.; Fujinami, Y.; Lu, W.; Yoshimura, K.; Oguma, J.; Suenobu, K.; Kanbara, T. Polymer Chemistry 2013, 4, 947.
monomères a et b, ils observent des comportements divergents, le monomère b est plus dépendant du ligand (oligomères avec
Pd(OAc)
2et P(o-PhOMe)
3ou PCy
3.HBF
4) et donne de meilleurs résultats avec le catalyseur de Hermann. Pour les monomères
protégés (c, d, e), de faibles masses molaires sont obtenues malgré l’essai de plusieurs ligands.
Schéma 1.24. Poly(dioxthiophènes) obtenus par arylation directe.100
Kanbara et al
101ont polymérisé le 3,4-éthylènedioxythiophène A28 avec le 2,7-dibromo-9,9-dioctylfluorène en présence de
Pd(OAc)
2, d’acide 1-adamantanecarboxylique, de K
2CO
3dans le DMA à 100°C pendant 6h pour obtenir des polymères linéaires avec
des rendements de 89 % et des poids moléculaires plus élevés que par Suzuki (39,4 kDa vs 12,7 kDa) (Schéma 1.25). Le temps du
couplage est réduit à 6h (vs 24 h) grâce à l’utilisation de l’acide 1-adamantanecarboxylique qui présente un pKa faible et une
misibilité avec le solvant. La réaction traitée au micro-onde (Pd(OAc)
2, PivOK, DMA, 80°C, 30 min) conduit à un polymère à haut
poids moléculaire (147 kDa) présentant une haute pureté donnant lieu à de meilleures mobilités et performances photovoltaïques.
102Dans ce cas, PivOK est plus efficace que la combinaison d’un acide carboxylique avec le K
2CO
3. Sur les mêmes monomères
Hayashi et al
103montrent que l’ion chlorure est capable d’améliorer la polycondensation pour donner des polymères à hauts poids
moléculaires (PdCl
2> Pd(OAc)
2+ Bu
4NCl > Pd(OAc)
2). Les ions halogénures (F, Br, Cl) permettraient de jouer le rôle de ligand pour
les espèces cationique Pd(II) et préviendraient la formation d’espèces palladiées inactives.
Schéma 1.25. Polymère P6 obtenu par arylation directe.101
(101) Yamazaki, K.; Kuwabara, J.; Kanbara, T. Macromol. Rapid Commun. 2013, 34, 69.
(102) (a) Kuwabara, J.; Yasuda, T.; Choi, S. J.; Lu, W.; Yamazaki, K.; Kagaya, S.; Han, L.; Kanbara, T. Adv. Funct. Mater. 2014, 24, 3226; (b) Choi, S. J.; Kuwabara, J.; Kanbara, T. ACS Sustainable Chem. Eng. 2013, 1, 878.
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Seuls les exemples les plus marquants ont été décrits, cependant la polymérisation par arylation directe a également été
effectuée avec des bithiophènes pontés (A29)
104, des bithiazoles (A30)
105, des benzodithiophènes (A31)
106, des benzothiadiazoles
(A32)
107, des thiénoisoindigos (A33)
108, des naphthalènes diimides (A34)
109, …
Schéma 1.26. Exemples de monomères utilisés en polymérisation par arylation directe.
La polymérisation par arylation directe présente l’avantage d’obtenir des polymères avec moins d’impuretés comme le
démontre le groupe de Reynolds (Figure 1.12).
110Ils ont comparé la présence d’impuretés en effectuant trois polymérisations
différentes du 3,4-propylènedioxythiophène : polymérisation oxydante (OxP), par métathèse de Grignard (GRIM) ou par arylation
directe (DiAr). C’est la polymérisation par arylation directe qui présente le moins d’impuretés, contrairement aux deux autres qui
donnent lieu à une contamination aux environs de 1 000 ppm en fer pour la voie oxydation et en nickel et en magnésium pour la
métathèse de Grignard.
(104) Kowalski, S.; Allard, S.; Scherf, U. ACS Macro Lett. 2012, 1, 465.
(105) (a) Lu, W.; Kuwabara, J.; Kanbara, T. Polymer Chemistry 2012, 3, 3217; (b) Kuramochi, M.; Kuwabara, J.; Lu, W.; Kanbara, T.
Macromolecules 2014, 47, 7378.
(106) Wang, X.; Wang, M. Polymer Chemistry 2014, 5, 5784. (107) Wang, X.; Wang, K.; Wang, M. Polymer Chemistry 2015, 6, 1846.
(108) Huang, J.; Wang, K.; Gupta, S.; Wang, G.; Yang, C.; Mushrif, S. H.; Wang, M. J. Polym. Sci., Part A: Polym. Chem. 2016, 54, 2015. (109) Shao, J.; Wang, G.; Wang, K.; Yang, C.; Wang, M. Polymer Chemistry 2015, 6, 6836.
Figure 1.12. Polymérisation de P5 selon trois voies de polymérisation et détermination des impuretés après purification.110