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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.3 Chitine et chitosane

2.3.1 Utilisation du chitosane comme système de livraison des acides nucléiques

nucléiques

Notre équipe de recherche s’est particulièrement intéressée à l’utilisation du chitosane comme système de livraison d’ADN et de siARN.[270-272] La mise au point de ce système permettra l’application de thérapie génique pour le traitement de diverses maladies telles que le diabète de type 2, l’athérosclérose, arthrite rhumatoïde etc.[44] Le chitosane est une macromolécule qui est biocompatible, biodégradable, non-toxique et chimiquement versatile.[273-275] Il a été démontré par notre groupe de recherche que la modification du degré de désacétylation (DDA) ainsi que la masse moléculaire (Mn) du chitosane et le ratio N :P (ratio groupements amines du chitosane : groupement phosphate des acides nucléiques) influence l'efficacité de la transfection cellulaire avec des plasmides ADN.[48] La possibilité de varier le DDA, Mn et ratio N:P du chitosane s'avèrent donc fort intéressante pour modifier les caractéristiques du système de livraison d’ADN en fonction des besoins et de l’application thérapeutique. En effet, un chitosane ayant une formulation DDA élevé et Mn faible est utilisé dans le domaine de la thérapie génique vu qu'il n'active pas le système immunitaire, tandis qu'un chitosane ayant un DDA faible et une Mn élevée active la réponse immunitaire et pourra ainsi être utilisé pour le développement de vaccins.[47]

Il a été prouvé que le niveau de transfection est en relation directe avec la masse moléculaire du chitosane: pour un degré de désacétylation spécifique (entre 70 et 100%), le chitosane de masse moléculaire comprise entre 10 et 150 kDa présente une efficacité de transfection élevée [276, 277], mais va retarder la libération de l'ADN une fois que les complexes chitosane-ADN ont transfecté la cellule.[278] Ainsi, un chitosane avec un faible Mn doit détenir un DDA assez important, et un chitosane avec un faible DDA doit avoir une grande masse moléculaire afin de bien condenser les siARN.[277] Une formulation avec un ratio N:P élevé, grâce à la présence de chitosane en excès, augmente la stabilité des nanoparticules chitosane- siARN, favorise l'internalisation des complexes dans l'espace intracellulaire et protège les ADN contre la digestion par les nucléases dans les endolysosomes. [279]

La masse moléculaire, le degré de désacétylation et le ratio N:P peuvent affecter les forces électrostatiques entre le chitosane et le siARN.[280] Plusieurs études ont montré l'effet des différentes formulations des nanoparticules chitosane-siARN sur l'efficacité de la transfection. Il

a été démontré qu'un chitosane ayant des DDA et Mn élevés est favorable pour la formation de nanoparticules petites et condensées.[279] Un chitosane ayant un Mn élevé possède une longue et flexible chaîne et un DDA important augmente la stabilité des complexes formés. Le DDA élevé renforce l'interaction électrostatique du chitosane avec le siARN ce qui réduit donc la taille des complexes de façon synergique et augmente alors leur stabilité. [279, 281-283] De plus, un ratio N:P élevé permet l'obtention de nanoparticules plus stables et une protection des siARN contre la dégradation.[279]

2.3.1.1 Nanoparticules chitosane-ADN

Le chitosane a été utilisé dans de nombreuses études pour livrer, in vivo, l’ADN d’intérêt dans les cellules ciblées. Les recherches qui ont été menées pendant les dix dernières années ont rendu possible l'utilisation des nanoparticules chitosane/ADN pour une livraison efficace de l'ADN aux surfaces muqueuses par voie orale.[284-286] Chen et al. (2004) ont nourri des souris avec le plasmide pCMVβ, contenant le gène lacZ, couplé ou non avec du chitosane. Il a été démontré par cette étude que les nanoparticules chitosane/ADN assurent une livraison efficace du gène dans les entérocytes.[285] Il a été aussi démontré que les nanoparticules chitosane/ADN peuvent être utilisées pour la vaccination. En effet, Khatri et al. (2008) ont administré, par voie nasale, des nanoparticules chitosane/ADN dont l'ADN code pour des protéines de surface du virus de l'hépatite B. Il a été observé que ces nanoparticules administrées à des souris ont mené à la production d'anticorps anti-HBsAg dans le sérum.[286] Yang et al. (2010) ont trouvé que la livraison des nanoparticules chitosane/ADN codant pour la protéine GFP in utero mène à une expression génique postnatale. [287] De plus, suite à une administration orale des nanoparticules chitosane/β-gal chez les souris, Kai et al. (2004) ont démontré une expression du gène β-gal dans le duodénum, colon, jéjunum et l'iléon.[288] Ces résultats montrent le pouvoir du chitosane à traverser la barrière intestinale afin de retrouver la circulation sanguine ou lymphatique. En 2009, Jean et al. ont administré des nanoparticules chitosane/FGF2 et chitosane/PDGF-BB par injection intramusculaire et sous-cutanée. Une expression de ces gènes a été obtenue dans le muscle et les tissus environnants.[47] Mandke et al. (2012) ont injecté dans le muscle tibial antérieur (injection intramusculaire) des nanoparticules chitosane/ADNp codant pour l'interleukine 10 et l'interleukine 4.[289] Une expression prolongée de ces deux interleukines (allant jusqu'à 1 semaine post-injection) a été obtenue.

2.3.1.2 Nanoparticules chitosane-siARN

Un certain nombre de travaux rapportent l’utilisation réussie du chitosane pour livrer des siARN thérapeutiques in vitro et in vivo dans le domaine du cancer, de l'arthrite rhumatoïde, des maladies infectieuses, etc. Dans le domaine du cancer, l'application des nanoparticules chitosane/siARN dans la thérapie génique fut présentée par Salva et al. en 2012. Salva et al. ont utilisé les nanoparticules chitosane (75-85, 75)/VEGF-siARN dans un modèle in vivo de rat présentant le cancer du sein. Les nanoparticules utilisées ont permis une réduction importante dans l'expression du gène VEGF et dans le volume de la tumeur.[290] Les mêmes résultats ont été obtenus par Lee et al. en 2012.[291] Ces derniers ont injecté des nanoparticules chiotsane/VEGF-poly-siARN/glycol intraveineusement dans un modèle murin de xénogreffe de cancer de prostate.[291] Kim et al., en 2011, ont observé une augmentation dans l'apoptose des cellules tumorales et une diminution de la prolifération tumorale et dans l'angiogenèse suite à l'injection intraveineuse des nanoparticules chitosane/Src-siARN chez des souris nudes présentant le cancer des ovaires. [292] En 2011, Han et al. ont préparé des nanoparticules chitosane (80-161)/TG2-siARN et ont effectué une injection intratumorale, chez des souris nudes ayant le cancer du sein. Ils ont démontré que l'incorporation du siARN dans le chitosane était nécessaire pour une localisation plus importante du siARN dans la tumeur.[293]

Howard et al. (2009) ont mené une étude, in vitro, qui a prouvé que les nanoparticules chitosane/TNF-siARN permettent le silençage efficace du gène codant pour la TNF (facteur de nécrose tumoral) dans les macrophages péritonéaux primaires. TNF est une cytokine qui joue un rôle important dans la réaction de phase aiguë et dans l'inflammation systémique. Son rôle de lutte contre les cellules cancéreuses est assuré suite à sa production par les monocytes activés et les lymphocytes T afin d'entraîner la nécrose des cellules tumorales et ainsi de permettre leur élimination. De plus, l'administration intrapéritonéale des nanoparticules chitosane/TNF-siARN a réduit l’expression du gène codant pour la TNF. Ceci a affecté les réponses inflammatoire et systémique chez les souris souffrant d'arthrite induite par le collagène. Ces résultats présentent par conséquent une nouvelle stratégie pour le traitement de l'arthrite.[294] Andersen et al. (2008) ont montré que, in vivo, le silençage pro-inflammatoire de la TNF, chez une lignée cellulaire murine de macrophage RAW 246.7, a été réalisé en utilisant des nanoparticules lyophilisées de

chitosane/siARN.[295] La recherche in vivo et in vitro utilisant les nanoparticules chitosane/siARN sont toujours en développement, et sont fort prometteuses.[280]

La formation de complexes chitosane-siARN est possible grâce aux interactions électrostatiques entre les groupements amines chargés positivement du chitosane et les groupements phosphate chargés négativement des acides nucléiques. La force de la complexation joue un rôle important dans la capacité du chitosane à condenser les siARN pour les protéger des nucléases, mais aussi pour libérer les siARN dans le cytoplasme de la cellule. Les nanoparticules chitosane-siARN sont internalisées dans la cellule par endocytose suite aux interactions entre le chitosane chargé positivement et la membrane plasmique chargée négativement. La membrane internalise les complexes par la formation des endosomes (invagination de la membrane cellulaire). Les endosomes se fusionnent avec les lysosomes de la cellule pour former des endolysosomes. Par la suite, les nanoparticules chitosane-siARN s'échappent des endolysosomes et les siARN sont libérés dans le cytoplasme cellulaire. L'échappement des nanoparticules de l'intérieur des endolysosomes se fait par l'effet d'éponge à protons [296]. C’est-à-dire que la maturation des endosomes s'accompagne d'une diminution du pH et d'une augmentation de la charge positive du chitosane. Cette charge positive importante attire les ions chlorures qui vont pénétrer et s'accumuler dans l'endosomes. La présence d'ions chlorures en excès dans les endosomes va pousser l'eau à y rentrer par effet osmotique, ce qui va faire éclater les endosomes. Le chitosane possède un pouvoir tampon permettant de protéger les siARN au cours de leur chemin des endosomes jusqu'aux lysosomes. L'échec de la dé-complexation des siARN et du chitosane est une des causes d'une transfection inefficace aboutissant à l'emprisonnement des nanoparticules et ainsi à la dégradation des siARN par fusion entre les lysosomes, les endosomes et les enzymes lytiques.[297, 298]