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Chapitre I : Instagram, une nouvelle forme de dictature de l’image ?

A. Utilisateur type et conditions d’inscriptions

Utilisateur moyen

Avant d’analyser plus en détails les différents profils récurrents des membres d’Instagram, nous avons souhaité faire le portrait d’un utilisateur « type » en quelques chiffres. En effet, il est plutôt difficile de se faire une idée des pratiques d’un Instagrameur lorsque l’on n’est pas habitué à fréquenter ce réseau social. Nous avons donc trouvé important de vous placer en conditions d’un utilisateur moyen avant d’analyser les spécificités des différents grands profils de membres. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une étude publiée en mars 2014 par l’agence de communication digitale Kindai sur le site slideshare.net. Ce slideshare extrêmement intéressant intitulé « Etude Instagram : de l’utilisateur à

l’influenceur »21

est à la fois la plus riche en données chiffrées et la plus récente que l’on ait pu trouver sur le sujet. Elle présente néanmoins un gros désavantage : elle ne s’appuie que sur des données recueillies auprès d’utilisateurs français. Malgré tout, l’étude, divisée en deux parties, a été menée sur un échantillon de 689 utilisateurs d’Instagram âgés de plus de 16 ans et postant au moins une photo par semaine (pour éviter les faux comptes ou les comptes inactifs). L’étude précise que « la représentativité a été assurée par la méthode des quotas

(sexe, âge, région). »

Nous avons notamment pu retenir de cette étude que :

 L’utilisateur type suit en moyenne 134 personnes

 76% des utilisateurs français se connectent au moins 1 fois par jour

56% des utilisateurs français se connectent moins de 3 fois par jour

 85% publient au moins 2 photos par semaine

66% publient moins de 5 photos par semaine

 46% des utilisateurs suivent des marques

 Les marques les plus suivies par les utilisateurs français sont liées au tourisme et aux voyages

 Les marques de mode et de vêtements arrivent en deuxième position des marques les plus suivies

 69% des utilisateurs français utilisent la géolocalisation quand ils publient une photo

 47% des utilisateurs se sont déjà rendus à un endroit suite à une photo publiée par un ami

 58% des utilisateurs ont déjà eu envie d’acheter un produit vu sur une photo publiée par un ami

Nous allons compléter ces informations par une étude menée en septembre 2014 par le Pew Research Center et publiée le 9 janvier 2015. Elle a été effectuée auprès d’un échantillon de 2000 internautes Américains représentatifs de la population. Les données ont toutes été collectées par entretien téléphonique. C’est la seule étude trouvée qui donne un ordre d’idée de la proportion hommes/femmes présente sur Instagram, ce qui est un manque dans nos travaux. En effet, aucun chiffre officiel n’a été diffusé par l’application, et toutes les autres études sur les réseaux sociaux ne comprennent pas une analyse d’Instagram. Nous n’avons donc pas les proportions exactes d’inscrits hommes/femmes pour ce réseau social.

L’étude du Pew Research Center nous apprend néanmoins que parmi les 2000 internautes interrogés, 26% utilisent Instagram. 29% des femmes questionnées utilisent Instagram, contre 22% des hommes, ce qui permet tout de même de voir émerger une dominante d’utilisatrices féminine de l’application. Ces résultats sont néanmoins à relativiser puisque d’une manière générale, les autres études et articles sur le sujet tendent à affirmer, sans donner de chiffres, qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui utilisent l’application.

Le Pew Research Center nous permet également de connaître quelles tranches d’âge adultes (+18ans) sont les plus présentes sur Instagram. Ainsi, 53% des 18-29 ans interrogés sont inscrits sur le réseau social, ce qui fait d’eux la tranche d’âge dominante. 25% des 30-49 ans sont membres de l’application, contre seulement 11% des 50-64ans et on tombe à 6% pour les adultes de plus de 65 ans.

Plus que le genre, il semble donc que l’âge soit l’élément distinctif de la communauté Instagram. Alors que les jeunes adultes semblent avoir adopté ce réseau social, qu’en est-il des adolescents ? Ont-ils trouvé une place sur ce réseau social et ont-ils même le droit de s’y inscrire ?

Conditions d’inscription

En effet, avant d’étudier les problématiques liées à l’hypersexualisation sur Instagram, il est important de s’attarder sur les conditions d’inscription et d’utilisation du média social. Une question s’est alors vite posée : Instagram impose-t-il un âge minimum ? Officiellement, oui, 13 ans, conformément à la loi américaine relative à la protection de la vie privée des enfants en ligne : la Children's Online Privacy Protection Act. La même interdiction s’applique pour les autres réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Snapchat ou Vine. Néanmoins, le problème se pose lorsque l’on réalise qu’aucun de ces réseaux sociaux ne vérifie automatiquement l’âge des utilisateurs. De plus, Instagram ne demande pas aux utilisateurs de préciser leur âge à l’inscription, ce qui explique pourquoi de nombreux pré- adolescents et enfants ont pu s’inscrire sur le réseau social. Il leur suffit d’avoir un téléphone, une tablette, un ordinateur, ou un iPod, de télécharger l’application via l’AppStore et de se créer un compte en quelques minutes. La création du compte devient d’autant plus simple si on décide d’utiliser la fonction « s’inscrire avec Facebook », qui pré-remplit à la place de l’utilisateur la quasi-totalité des champs. Lorsque l’on sait à quel point il est facile de tricher sur son âge sur Facebook, on comprend pourquoi la limite de 13 ans est si souvent enfreinte sur Instagram.

Toutefois, il est possible de signaler les comptes des utilisateurs jugés trop jeunes : Instagram peut alors vérifier leur âge et supprimer leur compte au besoin. Pourtant, le signalement reste une pratique assez marginale sur Instagram, et il demeure globalement assez facile de passer entre les mailles du filet.

Le danger de ce manque de limite d’âge claire et stricte repose sur le principe même d’Instagram : c’est un réseau social où l’on poste des photographies. Si les enfants n’ont de cesse d’être tentés d’imiter les plus grands, ils vont vouloir se montrer, au risque de se montrer trop. Si les paramètres de confidentialité du compte ne sont pas bien configurés, n’importe qui peut avoir accès à ces photos d’enfants, et n’importe qui peut les contacter directement via la messagerie de l’application. Contenu inapproprié, personnes mal intentionnées, commentaires blessants voire insultants : les dangers sont nombreux.

Nous reviendrons par la suite sur les problèmes de bashing (acharnement, dénigrement collectif d’une personne) ou de sur-médiatisation présents sur Instagram, mais il est important de garder en tête l’idée que les plus jeunes sont particulièrement exposés à ce genre de risques sur ce réseau social. Cela s’explique notamment par la grande popularité d’Instagram auprès

de cette tranche d’âge. En effet, si nous avons vu que les jeunes adultes étaient majoritaires sur le réseau social, les adolescents ne sont pas en reste. Dans une enquête menée par Piper Jaffray en automne 2015 auprès de 9400 américains ayant entre 13 et 19 ans22, on apprend qu’Instagram est le réseau préféré des jeunes, avec 33% des votes. Il dépasse ainsi Twitter (20%), Snapchat (19%) et Facebook (15%), qui perd en trois ans sa place de média social favori.

Maintenant que nous avons une idée un peu plus précise de l’utilisateur moyen et de son utilisation du réseau social, nous pouvons voir plus en détails la typologie des membres d’Instagram. Il est assez ironique de lire que le titre du communiqué d’Instagram annonçant la mise en place du format rectangulaire s’intitulait « Thinking Outside the Square » lorsque l’on sait qu’il est extrêmement difficile de réussir sur Instagram si l’on sort justement de ce dit carré. En effet, le cadre posé par Instagram, cette limite esthétique mais également idéologique, physique, pose des normes dont il est très compliqué de s’éloigner. Cela se remarque notamment par la grande similarité des profils rencontrés sur l’application, qui s’uniformisent d’autant plus à mesure que les utilisateurs comprennent ce qui fonctionne ou non sur Instagram. Or, ce qui fonctionne – et donc, par conséquent, ce qui est le plus récurrent sur le réseau – peut être catégorisé en 8 grands types de profils récurrents.