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Chapitre 1 État de l’art

1.3.1.4 Usages et applications du dioxyde de titane

Les nanoparticules de dioxyde de titane (NPs TiO2) ont de multiples applications dans diverses

industries comme la peinture, la cosmétique ou encore l’alimentaire (Figure 15).

Pro d u it so la ire

Figure 15 : Nombre de produits recensés contenant des nanoparticules de dioxyde de titane selon les secteurs industriels. [22]

En effet, ces propriétés photocatalytiques et optiques (1.3.1.2 et 1.3.1.3) offrent de nombreuses possibilités d’utilisation dans divers domaines industriels. Elles peuvent être utilisées aussi bien en tant qu’agent blanchissant, filtre UV, antibactérien ou purificateur environnemental, justifiant ainsi leur présence dans un nombre considérable de produits. Le tableau 7 présente les différents secteurs industriels et leurs usages associés ainsi que des exemples de produits [1, 25, 40, 45-48].

0 20 40 60 80 100 120 140 Nom br e d e p rod ui ts à b as e de NPs T iO 2

Tableau 7 : Usages et applications des nanoparticules de dioxyde de titane selon les secteurs industriels et les propriétés mises en jeu

Propriétés Secteurs industriels

Usages Produits

Optiques Médical et

pharmaceutique

Pigment CI177891 Excipients, gélules

Cosmétique Filtre UV, agents

matifiants

Crèmes solaires,

produits de soin

Pigment, opacité Soins capillaires, Dentifrice, maquillage Agroalimentaire Colorant E171

Enrobage

Aliments, boissons, emballages, confiseries

Textile Filtre UV Vêtements

Peinture, papier, textile Pigment - Opacité et blancheur Caoutchouc, plastiques Le dioxyde de titane peut aider à minimiser la fragilité, la décoloration et la fissuration qui peuvent se produire dans les plastiques et autres matériaux à la suite d'une exposition à la lumière.

Photocatalytique Cosmétiques Antibactérien Déodorant

Agroalimentaire Antibactérien Emballages et films plastiques

Textiles Antibactérien Blouses médicales

Automobiles Autonettoyant, antibuée Rétroviseurs, parechocs Construction Autonettoyant, dépollution Béton, carrelage, ciment, bitume, verre

Énergie et

environnement

Rendement Cellules

photovoltaïques

Risques sanitaires

Le chapitre précédent a permis de faire état de l’omniprésence des nanoparticules de TiO2 dans

notre vie quotidienne, il relève désormais de l’ordre des instances de santé publique de s’intéresser à sa toxicité et aux impacts sanitaires associés à son utilisation. En effet, les usagers peuvent être exposés par les trois voies de pénétration présentées dans la Figure 8 (1.2.1).

1.3.2.1 Études de toxicité

Le nombre de publications concernant l’évaluation de la toxicité de dioxyde de titane ne cessent d’augmenter ces dernières années [25]. Cependant, il réside un manque de données épidémiologiques quant à l’exposition humaine, la majorité des études ayant été publiées à partir d’expériences animales ou cellulaires [5, 25, 49]. En attendant, leurs résultats peuvent nous permettre dans un premier temps d’évaluer leur pénétration, les impacts biologiques ainsi que les mécanismes mis en jeu. Cependant, il est important de noter que ces études ont été menées via l’utilisation de tous types de NPs TiO2 confondus (différentes tailles, formes, phases cristallines)

à des concentrations parfois plus importantes que leur occurrence attendue.

1.3.2.1.1 Pénétration cutanée

Comme présenté dans la Figure 15 (1.3.1.4), un nombre conséquent de produits de consommation destinés à une application topique tels que les crèmes solaires ou les produits cosmétiques contiennent des NPs TiO2. Ainsi il est important d’étudier la possibilité d’une absorption cutanée.

La peau est constituée de trois couches principales : l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Le stratum corneum, présenté dans la Figure 16, constitue une barrière biologique naturelle due à sa lipophilie et son importante cohésion cellulaire [50]. Cependant, il réside trois voies de pénétration des nanoparticules à travers cette couche : intercellulaire, intracellulaire et transfolliculaire.

Figure 16 : Voies de pénétration des nanoparticules à travers la peau. Adapté [50]

La plupart des études n’observent pas de pénétration significative des nanoparticules de dioxyde de titane à travers une peau saine, l’absorption se limitant au niveau des couches supérieures du stratum corneum via les follicules capillaires et les pores [50, 51]. Cependant, Wu et al. [52], ont démontré qu’une application chronique pendant une période de 30 jours sur des cochons induisait la pénétration profonde de l’épiderme, se traduisant par une atteinte tissulaire et des lésions dans divers organes majeurs tels que le foie et la rate. Ainsi il pourrait être conclu qu’une exposition répétée induirait un stress oxydatif responsable des lésions pathologiques observées.

Selon les recommandations des fabricants, il est fortement conseillé à l’usager de ne pas utiliser ces produits sur des peaux lésées, brûlées ou atopiques (eczéma, acné) [25, 53]. La peau se retrouve fragilisée, favorisant dès lors leur pénétration dans l’organisme et leur absorption dans le flux sanguin pour atteindre divers organes [50, 53].

Sadrieh et al. [54], ont mené une étude sur des porcelets en leur appliquant pendant 4 semaines consécutives de la crème solaire contenant différentes NPs TiO2. Ces auteurs ont démontré qu’à

partir d’une concentration surfacique initiale de 1,8.1013 particules cm-2, 1,4.107 particules cm-2

ont pénétré le derme. Cependant, la constitution de la peau humaine diffère de celle des porcelets de par des follicules capillaires plus étroits [55].

Intracellulaire Intercellulaire Transfolliculaire

Formulation topique Stratum corneum Épiderme viable Derme Hypoderme

Voies de pénétration à travers le stratum corneum (agrandissement)

Au vu de ces différentes observations, nous pouvons conclure qu’il réside des incertitudes quant à leur pénétration et leur toxicité.

1.3.2.1.2 Ingestion

Concernant l’ingestion des NPs TiO2, elle peut se produire lors de la consommation d’eau,

d’aliments contenant des additifs alimentaires ou même certains médicaments.

Baranowska-Wójcik et al. [4], ont répertorié des effets toxiques observés suite à différents paramètres d’exposition : dose de NPs, phase cristalline et temps d’exposition. Les nanoparticules sont principalement accumulées dans la rate, le foie et les reins suite à une translocation circulatoire. De nombreux dommages tels que des nécroses cellulaires, une apoptose, des fibroses, l’accumulation d’espèces réactives à l’oxygène due à la péroxydation lipidique ont été constatés [4, 5].

Suite à une ingestion, les NPs sont également véhiculées dans le système gastro-intestinal après digestion. Ainsi, les intestins présentent des inflammations et//ou un stress oxydatif et donc peuvent développer une gastrite chronique, voire un cancer colorectal. Par ailleurs, il a été observé un affinement des parois qui affecte alors l’absorption des nutriments essentiels et conduit à une malnutrition associée à une perte de poids. Une étude animale récente menée par Kreyling et al. [56], sur des rats a permis de mettre en évidence le faible taux d’absorption gastro-intestinal puisque seulement 0,3% d’une dose administrée par voie orale serait accumulée dans les organes. Par ailleurs, l’Institut National du Cancer, a testé le potentiel cancérogène des NPs TiO2 en

nourrissant des rats et des souris sur une durée de 103 semaines. Leur conclusion tend à classer cette substance comme non cancérogène par ingestion. Cette observation doit être cependant interprétée avec précaution considérant le fait que la forme ou encore la taille des NPs TiO2 ne

sont pas spécifiées. En effet, des propriétés physico-chimiques d’autre nature peuvent induire des réponses biologiques différentes et s’avérer plus toxiques [55].

1.3.2.1.3 Inhalation

L’inhalation constitue une voie d’exposition importante aux NPs TiO2. En raison de l’exposition

de certains travailleurs, notamment dans le secteur manufacturier, un nombre important d’études de toxicité in vivo ont été menées sur des rongeurs. Plusieurs chercheurs ont démontré la déposition

des NPs dans l’appareil respiratoire, la translocation dans la circulation systémique ou encore la bioaccumulation dans les poumons. Le schéma représenté dans la Figure 17 fait état de la distribution observée chez les rongeurs [40].

Figure 17 : Distribution des nanoparticules dans l'organisme chez les animaux après inhalation. [57]

Une exposition chronique par inhalation chez les souris a démontré la présence de NPs dans les poumons se traduisant par une inflammation des tissus pulmonaires et dans certains cas l’apparition de maladies respiratoires telles que l’asthme [5-6]. Par ailleurs, dans la région épithéliale alvéolaire, d’une épaisseur de 2 µm, la translocation des NPs TiO2 est favorisée. Elles

vont alors être distribuées par le sang dans divers organes, être accumulées dans le foie et le système lymphatique [25, 58]. Un stress oxydatif micro-vasculaire et une certaine cytotoxicité sont alors constatés, induisant une dégradation des cellules et de l’ADN ainsi qu’une apparition de

maladies cardiaques. Lors de l’inhalation, les NPs peuvent également atteindre le système nerveux cérébral via le nerf olfactif [58]. Dans une autre étude, des lésions cérébrales au niveau de l’hippocampe des souris ont été observées par Wang et al. [59].

En 2006, le centre international de recherche sur le cancer a classifié les NPs TiO2 comme une

substance potentiellement cancérigène par inhalation (catégorie 2B).

Conclusion

Les données toxicologiques actuellement disponibles sur le modèle animal démontrent que le TiO2

peut entraîner des dommages importants chez les rongeurs, et ce, dans chacun des organes indispensables au fonctionnement biologique. Le niveau de preuve suffisant permet de considérer cette substance comme cancérogène avérée chez l’animal au vu des données présentées ci-dessus. Cependant, il est important de noter que d’un point de vue cytotoxique ou génotoxique, ces observations réalisées ne sont pas extrapolables aux humains [25]. Ainsi, chez l’homme, cet avis est toujours très controversé dû aux manques de données épidémiologiques et des limitations des outils métrologiques (chapitre 2). Les instruments couramment utilisés pour la caractérisation des nanoparticules présentent un manque de sensibilité, spécificité et sélectivité non négligeable. Par ailleurs, leur application aux matrices biologiques constitue un véritable défi. Ainsi, les techniques analytiques permettant des études épidémiologiques sont encore à développer, bien que la caractérisation des NPs TiO2 apparaisse comme nécessaire. Ces risques justifient le besoin de

développer des méthodes d’analyse permettant la détection et la quantification des NPs TiO2 dans

les milieux biologiques.

L’inhalation, l’ingestion et la pénétration cutanée constituent des voies de pénétration pour les NPs. Au vu des sections précédentes, l’ingestion est considérée comme l’exposition la plus fréquente et dangereuse. De par leur faible taille, les NPs peuvent aisément traverser les diverses barrières biologiques afin d’atteindre la circulation systémique [55]. Ainsi, le sang constitue le principal vecteur des NPs. Ce dernier permet en effet de stabiliser les NPs (chapitre 2.1.2) et de les distribuer dans l’organisme. Le sang est ainsi une matrice de prédilection pour évaluer l’exposition humaine. Par ailleurs, les NPs sont bioaccumulées dans les organes, mais également excrétées dans les urines et les fèces [60]. Bien que plus invasif dans le cas du sang, ces trois

mediums sont relativement simples à collecter afin de permettre la réalisation d’études épidémiologiques.

Ce projet de doctorat s’inscrit dans une démarche globale visant à statuer quant à l’exposition humaine aux nanoparticules de dioxyde de titane. Ainsi, l’objectif et l’innovation de ce doctorat résident dans le développement d’une méthode pouvant être utilisée en routine afin de détecter et quantifier l’analyte dans divers fluides biologiques tels que l’urine et le sang. Un premier effort devra être réalisé au niveau de la préparation d’échantillon, la majorité des techniques d’analyse nécessitant un échantillon sous forme liquide. Le développement de la méthode analytique repose sur l’utilisation de la technique Simple Particule-ICP-MS, connue pour sa préparation d’échantillon minimale, sa rapidité et son applicabilité en routine. L’urine et le sang, considérés respectivement comme les principaux vecteurs d’excrétion et de distribution, font l’objet de cette thèse.

L’objectif in fine, est de développer et valider une méthode analytique permettant la détection et la quantification de NPs TiO2 dans des matrices biologiques et ainsi d’évaluer l’exposition

Chapitre 2

Stratégies analytiques pour la mesure de NPs

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