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IV. Régulation de l’initiation de la traduction

2. Régulation par les éléments présents sur la région 5’UTR

2.2. Les uORF et la réponse au stress

En réponse à des stimuli internes ou externes, les cellules modifient rapidement leur programme d'expression des gènes. Un des mécanismes le plus répondus pour inhiber la traduction globale passe par la phosphorylation du facteur d’initiation de la traduction eIF2 (Hinnebusch et al., 2007). Le mécanisme le mieux étudié de la réponse aux stress est celui induit par une carence en acides aminés. Lorsque il y a carence en acides aminés, on observe une diminution rapide de l’association des ribosomes aux ARNm et l’inhibition générale de la traduction des ARNm (Maurin et al., 2005). On observe aussi une augmentation de la phosphorylation de la kinase GCN2 qui induit une augmentation de la phosphorylation d'elF2α. Ces processus ont été conservés au cours de l’évolution, et ont été particulièrement bien étudiés chez la levure et chez les mammifères. Chez les mammifères, la kinase GCN2 bloque la traduction de la plupart des gènes à l'exception de quelques ARNm particuliers, notamment celui qui code pour l'activateur de la transcription ATF4. La kinase GCN2 possède en C-terminal un domaine homologue de l’histidyl-ARNt synthétase qui lui permet de se lier aux ARN de transferts non chargés qui s'accumulent dans la cellule en cas de déficit en acides aminés, particulièrement en acides aminés indispensables. Il résulte de cette liaison un changement conformationnel de GCN2 permissif pour son activité kinase conduisant à

60 l’autoactivation de GCN2 (Dong et al., 2000). Le seul substrat de GCN2 connu à l’heure actuelle est la sous-unité α du facteur d’initiation de la traduction eIF2. La phosphorylation de eIF2α va entrainer une diminution du complexe ternaire et une augmentation de la traduction de l'ARNm d'ATF4 qui passe par des mécanismes similaires à ceux décrits aussi pour le gène GCN4 de levure (Lu et al., 2004). L'augmentation de la traduction d'ATF4 peut alors induire la transcription de gènes cibles possédant dans leur promoteur des éléments de réponse aux acides aminés, AARE pour Amino Acid Response Element.

ATF4 est un activateur de transcription, appartenant à la famille des ATF/CREB (activating transcription factor/cyclic AMP response element binding protein). Il possède un domaine bZip (basic region-leucine zipper) qui lui permet de former des homo- ou hétéro-dimères. ATF4 régule l’expression des gènes impliqués dans le stress oxydatif, la synthèse des acides aminés, la différenciation cellulaire et l'angiogenèse (Ameri and Harris, 2008).

La régulation de la traduction de l'ARNm d'ATF4 est basée sur la capacité des ribosomes de scanner les ARNm et de ré-initier la traduction après des petits cadres de lecture. L’ARN messager ATF4 porte dans sa région 5'UTR deux uORF, la première, uORF1, codant 3 acides aminés est située à environ 50 nucléotides de l'extrémité 5' de l'ARNm d'ATF4, la deuxième est située à environ 90 nucléotides après le codon stop de l'uORF1 et chevauche l'ORF d'ATF4 (Figure 18). Cette situation des deux uORF d'ATF4 est remarquablement conservée chez les métazoaires.

Figure 18 : Conservation des deux uORF présentes dans la région 5' non codante de l’ARNm d'ATF4 chez les métazoaires. Pour chaque espèce, la distance entre les

ORF est notée en italique au-dessus du schéma et la longueur des uORF est notée sous le schéma en codons

61 Comme pour le gène homologue GNC4 de levure, le mécanisme de régulation de l’expression d’ATF4 repose sur la disponibilité en complexe ternaire.

Figure 19 : Régulation traductionnelle de l’ARNm d'ATF4. (a) Structure de

l'ARNm d'ATF4. (b) En conditions normale, après traduction de l uORF1 d’ATF4, la disponibilité en complexe ternaire favorise la réinitiation à l'uORF2 d’ATF4. L’uORF2 chevauche l’ORF principale et la réinitiation au niveau de cette ORF principale ne se fait pas ou peu. (c) En cas de stress, eIF2α est phosphorylée, ceci a pour conséquence la diminution de la quantité de complexes ternaires disponibles. La probabilité pour qu’il y ait réinitiation à l’uORF2 est donc diminuée, favorisant l’initiation à l’ORF principale d’ATF4 (Kilberg et al.,

2009).

En conditions normales en acides aminés, il y a peu de eIF2α phosphorylé, et donc une grande disponibilité en complexe ternaire. Le premier uORF1 est traduit puis la distance séparant l'uORF1 du codon d'initiation de l'uORF2 étant optimale, il y a réinitiation de la traduction au niveau de l'uORF2. Il faut noter que de façon tout aussi remarquable que la conservation des distances entre les uORF, le contexte nucléotidique des codons d'initiation de ces uORF est lui aussi très conservé et permet une initiation forte de la traduction. L'uORF2 capte ainsi tous les ribosomes et empêche l'initiation à l'AUG d'ATF4. Puisque ces deux derniers le permettent donc le deuxième petit cadre de lecture va jouer un rôle inhibiteur de la traduction, de la région codant ATF4 (Figure 19).

62 Dans des conditions de stress comme la carence en acides aminés, eIF2α est en partie phosphorylé et séquestré par le facteur d'échange eIF2B. Il y a donc peu de complexes ternaires disponibles, la réinitiation se fait alors plus lentement, et la petite sous-unité 40S du ribosome va passer l'AUG de l'uORF2 avant d'être rechargée en complexe ternaire. Cependant, les quelques 100 nucléotides supplémentaires qui séparent l'AUG de l'uORF2 de celui de l'ORF d'ATF4 sont suffisant pour recharger un nouveau complexe ternaire sur la sous-unité 40S qui démarre la traduction à l'AUG d'ATF4. La traduction d’ATF4 permet un retour à l’état d’équilibre après un stress (Blais et al., 2004; Kilberg et al., 2009). Le facteur transcriptionnel ATF5 obéit au même processus de régulation traductionnel (Watatani et al., 2008). Tout comme ATF4, la région 5’UTR de l’ARNm d’ATF5 porte deux uORF conservées qui sont impliquées dans la réponse cellulaire à la carence en acides aminés ou au stress à l’arsénite, à travers la phosphorylation du facteur eIF2 (Watatani et al., 2008). Plus récemment, des régulations par uORF ont été mises en évidence lors du contrôle traductionnel de plusieurs protéines, CHOP (C/EBP (CCAAT/enhancer binding

protein) homologous protein)) (Palam et al., 2011), VEGFA, CEBP et bien d’autres.