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Mécanisme de dégradation des transcrits contenant des codons non-sens (NMD)

III. Dégradation et surveillance des ARNm eucaryotes

2. La surveillance des ARNm et la dégradation des ARNm aberrants

2.3. Mécanisme de dégradation des transcrits contenant des codons non-sens (NMD)

Le mécanisme de la NMD a été mis en évidence, au cours de l’étude de pathologies humaines causées par des mutations non-sens ou de décalages du cadre de lecture, engendrant des codons stop prématurés PTC (Baserga and Benz, 1992; Urlaub et al., 1989). Il a été montré que les ARNm portant des PTC sont rapidement dégradés, empêchant ainsi leur traduction, et protégeant la cellule des mauvais effets liés à la production de protéines tronquées (Chang et al., 2007). La voie NMD est activée lorsqu’un ribosome rencontre un codon stop prématuré. La reconnaissance d’un codon stop anormal et le déclenchement de la NMD est un processus complexe. Ce mécanisme est néanmoins bien élucidé et repose chez les mammifères, sur des interactions entre des ribonucléoprotéines, l’EJC et les protéines Upf (Bhuvanagiri et al., 2010; Rebbapragada and Lykke-Andersen, 2009; Silva and Romão, 2009).

La NMD a été longtemps considérée comme un processus de surveillance des ARNm ayant lieu uniquement au cours du premier tour de traduction. Comme décrit dans le chapitre I, les premières études menées sur cette voie avaient montré que les ARNm qui lient CBP80 sont dégradés par la NMD, ce qui suggérait que la NMD avait lieu uniquement au premier tour de traduction (Ishigaki et al., 2001). Cependant, il a été rapporté par la suite que la NMD pouvait aussi avoir lieu pour les ARNm qui ont lié eIF4E grâce à une interaction entre eIF4E et Upf1 chez les mammifères. De plus, de nombreux ARNm sont régulés par la NMD, même après le premier cycle de traduction et en absence d’EJC. Les complexes EJC ne seraient donc pas indispensables à l’activation de la voie NMD. Ces résultats laissent penser que la NMD n’est pas limitée au premier tour de traduction (Durand and Lykke-Andersen, 2013; Rufener and Mühlemann, 2013).

46 Lors de la terminaison de la traduction sur un codon stop normal, PABPC1 chez les mammifères interagirait avec eRF3 et cette interaction empêche l’activation de la voie NMD (Figure 12). Cependant, Upf1 peut également interagir avec eRF3 et cette interaction est en compétition avec l'interaction eRF3-PABPC1. Plusieurs études ont montré qu’Upf1 est capable de se lier à la région 3’UTR ou à la phase codante des ARNm régulés ou non par la NMD (pour revue Lykke-Andersen and Jensen, 2015). Upf1 se trouverait donc fixé aux ARNm avant la traduction puis serait détaché de l'ARNm par les ribosomes. Ainsi, lors d’une terminaison normale de la traduction sur un codon stop, le complexe eRF1-eRF3 serait recruté et il y aurait compétition entre Upf1 et PABPC1 pour interagir avec eRF3. En absence d’EJC, le recrutement d’Upf2 serait beaucoup plus lent et PABPC1 pourrait interagir avec eRF3 en dissociant Upf1, ce qui aurait pour conséquence d’inactiver la NMD et de favoriser la terminaison classique de la traduction. En revanche, en présence d'un EJC, le complexe Upf2-Upf3 s’associe au complexe EJC, et engendre l’activation de la voie NMD. Le changement de conformation provoqué par la fixation d’Upf2 à Upf1 permet de recruter SMG1 lié à SMG8 et SMG9. Avec l’aide d’Upf2, SMG8 et SMG9 se dissocient de SMG1, dont l’activité kinase est alors activée. SMG1 phosphoryle les résidus sérine et thréonine présents dans les régions N- et C-terminales d’Upf1, ce qui déclenche la dissociation des sous-unités ribosomiques, l’activité hélicase d’Upf1 et les mécanismes de dégradation de l’ARNm (Figure 12). La protéine Upf1 hyperphosphorylée va servir de plateforme pour la liaison des protéines SMG5, SMG6 et SMG7. La première voie de dégradation, majoritaire, est déclenchée par l’interaction de SMG6 avec Upf1 ; dans les cellules humaines SMG6 clive l’ARNm au niveau du codon stop prématuré. Les fragments 3’ d’ARN sont alors rapidement dégradés par Xrn1et les fragments 5’ sont digérés par l’exosome. La deuxième voie de dégradation des ARNm, minoritaire, est déclenchée par le recrutement du complexe SMG5-SMG7 qui interagit avec les sérines phosphorylées d’Upf1. Ce complexe associé à la phosphatase PP2A déphosphoryle Upf1 puis s’associe au complexe Ccr4-Caf1-NOT pour désadényler la queue poly(A) et permettre à Xrn1 de dégrader l’ARNm.

Upf1 pourrait aussi s’associer au complexe de décoiffage Dcp1A-Dcp2-PNRC2 (Pro-rich

nuclear receptor co-activator 2) sans être phosphorylée. Cette voie de dégradation serait

indépendante de SMG5, SMG6 et SMG7, et constitue une troisième voie potentielle de dégradation des ARNm aberrants ((Lykke-Andersen and Jensen, 2015).

47 Figure 12 : Modèle universel de la voie NMD. a. Une terminaison de

la traduction efficace empêche le déclenchement de la NMD. Qui est efficace lorsque le codon stop est proche de la queue poly(A) et de la coiffe. b. La terminaison anormale de la traduction se produit lorsque le codon de terminaison (TC) est éloigné de la queue poly(A). L’activation de la NMD nécessite l’interaction d’Upf1 et non PABP avec les facteurs de terminaison. Upf1 se lie de manière non spécifique à l’ARNm avant la traduction et interagit avec les facteurs de terminaison sur le ribosome positionné au niveau du TC. En absence d’EJC, Upf1 est activé par Upf2 et Upf3. La

présence d’EJC facilite le

recrutement d’Upf2-Upf3. A cette

étape la terminaison de la

traduction est arrêtée en faveur de l’activation de la voie NMD. c. En haut. La kinase SMG1 est activée lorsque SMG8 et SMG 9 sont dissociés, qui est facilité par Upf2 et DHX34. SMG1 phosphoryle Upf1 sur ses résidus Ser et Thr en N- et

C-terminale. L’activité hélicase

d’Upf1 est alors activée et stimule les voies de dégradations de l’ARN. c. En bas. La phosphorylation d’Upf1 favorise la dégradation de l’ARNm par trois mécanismes

distincts : le clivage

endonucléolytique par SMG6. Le recrutement du complexe CCR4-NOT médiée par SMG7. Le recrutement du complexe de désadénylation (DCPC) directement par Upf1 ou par l’intermédiaire de PNRC2. Les ARNm qui sont la cible de la voie NMD sont ensuite dégradés par les activités exonucléolytiques cellulaires (Lykke-Andersen and Jensen, 2015).

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