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Une spécificité dans la poursuite des infractions

Dans le document Le mineur, son corps et le droit criminel (Page 176-198)

DES MODALITES DE POURSUITE

Section 2 Une spécificité dans la poursuite des infractions

289. La barrière de « la loi du silence » franchie, l’infraction est portée à la connaissance de la Justice et l’action pénale peut être enclenchée. Cependant, des difficultés liées à la fragilité de la victime mineure perdurent. Au stade de la poursuite de l’infraction, le législateur aménage les règles pour les adapter à cette catégorie de victimes comme ceci est prévu dans le titre XIX du Livre Troisième du Code de procédure pénale consacré à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs victimes. Les affaires judiciaires des dernières années, notamment la polémique autour du procès d’Outreau, ont mis en exergue les difficultés liées à cette catégorie de victimes, tant pour la constatation de l’infraction (I) que pour les modalités des poursuites (II). C’est essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, en matière d’infractions sexuelles711 que la procédure a été aménagée pour les mineurs victimes. Cependant, contrairement aux dispositions précédentes qui visent uniquement les mineurs de quinze ans, les mesures applicables ici concernent toutes victimes mineures, y compris les mineurs de plus de quinze ans. L’article 706-47 C. proc. pén. s’applique par renvoi à toute une série d’infractions spécifiques aux mineurs dont certaines ne concernent que les mineurs de quinze ans.

I – L’aménagement du constat de l’infraction en raison de la minorité de la victime 290. Une fois les faits portés à la connaissance des autorités de poursuite, il reste encore la lourde tâche de constater l’infraction. La simple dénonciation de crime ou de mauvais traitements sur mineurs n’entraine pas ipso facto la condamnation de la personne incriminée. Le principe de la présomption d’innocence jouant, il appartient au ministère public d’apporter la preuve de la réalisation de l’infraction, afin d’éviter la dérive vers une présomption de culpabilité. Dans le cadre de cette procédure, la loi du 17 juin 1998712 établit un « statut

710Ibid.

711 Pour une analyse des infractions à caractère sexuel, cf. infra n° 388 et s.

712 Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs », JORF 18 juin 1998, p. 9255.

protecteur au profit des mineurs, victimes d’infractions sexuelles »713, justifié par leur état de faiblesse714.

291. L’article 706-47 du C. pr. pén. détermine le champ d’application de ces mesures dérogatoires qui ne concernent que les mineurs victimes de meurtre ou d’assassinat précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, d’agressions ou d’atteintes sexuelles, de proxénétisme ou de recours à la prostitution, ainsi qu’aux victimes des délits relevant des articles 227-22 à 227-27 du Code pénal. Face à cette énumération, force est de constater qu’il s’agit quasi exclusivement d’infractions à caractère sexuel. Deux conditions sont donc nécessaires pour que ces dispositions spécifiques s’appliquent : une victime mineure (moins de dix-huit ans) et une infraction à caractère sexuel (exception faite du meurtre et assassinat accompagné de tortures ou d’actes de barbaries). En revanche l’aliéna 2 de l’art. 706-47 C. pr. pén.715 a une portée plus générale pouvant, malgré sa place dans un Titre consacré aux mineurs victimes, être appliqué aux majeurs716, pour des actes d’une extrême gravité. À l’instar de toute procédure, l’audition de la victime est un élément essentiel dans le travail d’enquête afin d’établir l’exactitude des faits. S’agissant de victimes mineures, parfois même très jeunes, l’audition doit être adaptée (A) et la victime épaulée, pour que la parole de l’enfant retrouve la place qui est la sienne (B).

A – L’audition de victime mineure

292. Dépassant son sens étymologique puisqu’infans signifie celui « qui ne parle pas », le mineur se voit reconnaître un droit à la parole : l’article 12 de la CIDE prévoit son audition dans toutes les procédures le concernant selon son discernement717. Bien que la Convention

713 ROLLAND Renaud, « La protection du mineur, victime d’infraction sexuelle », RDSS 1998, p. 892.

714 FOHRER-DEDEURWAERDER Estelle, « Procédure applicable aux infractions de nature sexuelle – Protection des mineurs victimes », J.-Cl. Pr. pén., art. 706-47 à 706-53, fasc. 20, 2009.

715 Art. 706-47 al. 2 C. pr. pén.: « Ces dispositions [celles du présent titre] sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d'actes de barbarie et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale ».

716 Il est à noter une tendance de la jurisprudence à utiliser l’article 706-47 al. 1er du C. pr. pén. pour des majeurs victimes d’infractions à caractère sexuel dans le cadre des infractions visées par le texte. En matière de viol : Cass. crim., 7 nov. 2007, JurisData n° 2007-041737 ; Cass. crim., 21 nov. 2007, Jurisdata n° 2007-142145 ; ou pour une agression sexuelle sur une personne particulièrement vulnérable : Cass. crim., 7 mai 2008, pourvoi n° 07-84443.

717 Article 12 : « 1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale ».

ne reçoive pas une application directe globale mais article par article, la Cour de cassation a reconnu à l’article 12 al. 2 un caractère « self executing », pouvant être invocable directement devant les juridictions françaises718. L’article 34 de la même Convention dispose également que « les États parties s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle ». La France retranscrit ses engagements internationaux dans le Droit interne en créant au sein du Code de procédure pénale, par une loi du 17 juin 1998719, un titre spécifique à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des victimes mineures. Ces dispositions, modifiées par les lois du 5 mars 2007720, prévoient l’enregistrement audiovisuel des auditions des victimes (1) ainsi que l’assistance de la victime lors des auditions (2).

1 – L’enregistrement des auditions

293. Cette mesure procédurale de l’article 706-52 C. pr. pén. prévoit qu’ « au cours de l’enquête et de l’information, l’audition d’un mineur victime de l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel ». Cet enregistrement est initié par la loi du 17 juin 1998 pour tenir compte du caractère traumatisant de la procédure pour le mineur, « redire, c’est revivre »721. Pourtant, ces procédures seront très peu utilisées pour de multiples raisons liées essentiellement à des problèmes techniques et / ou au refus du mineur722 ou de ses représentants légaux ; la première version du texte exigeait le consentement du mineur ou de ses représentants légaux. Dans le cadre de l’affaire d’Outreau « seuls sept enregistrements ont été réalisés sur une centaine d’auditions et aucun dans le cadre judiciaire »723.

294. Prenant acte de ces réalités, le législateur aménage avec la loi du 5 mars 2007 les conditions de recours à ces enregistrements en supprimant d’une part le nécessaire consentement du mineur ou de ses représentants légaux et, d’autre part, la faculté du juge

718 Cass. civ. 1re, 18 mai 2005, RTD civ. 2005, p. 587, note HAUSER Jean.

719 Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs », JORF 18 juin 1998, p. 9255.

720 Loi n° 2007-291 « relative au renforcement de l’équilibre de la procédure pénale » et loi n° 2007-297 « relative à la prévention de la délinquance », JORF 6 mars 2007, p. 4206.

721 FOHRER-DEDEURWAERDER Estelle, art. préc., n° 184.

722 ZOCCHETTO François, Rapp. Sénat n° 177 « Sur le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale », 24 janvier 2007.

d’instruction ou du procureur de la République de s’opposer à celui-ci724. Le texte nouveau prévoit également que l’enregistrement sonore n’est possible que « sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction si l’intérêt du mineur le justifie »725 et non plus à la demande de la victime ou de ses représentants légaux. Le caractère obligatoire de l’enregistrement audiovisuel sort renforcé et l’enregistrement sonore relégué à une mesure exceptionnelle que le magistrat doit motiver par l’intérêt de l’enfant.

295. Cet enregistrement de l’audition du mineur victime a pour but de le protéger et de rendre la procédure liée à l’enquête moins brutale pour cette catégorie de victimes726 ; l’enregistrement permet d’éviter de nouvelles auditions et d’appréhender le comportement général de la victime (geste, langage corporel, terminologie employée) ainsi que l’interaction avec l’enquêteur (lequel peut être plus au moins directif).

Malgré ces nombreuses vertus, une circulaire du 2 mai 2005 précise que, malgré l’enregistrement, il est possible « de faire entendre à nouveau un mineur par les services d’enquête ou pour le magistrat instructeur de recueillir une nouvelle déposition, lorsque l’audition de l’enfant s’avère indispensable pour le bon déroulement de la procédure »727. La constance des propos au travers des diverses déclarations est souvent relevée par les juges comme un signe de véracité de ceux-ci728. « La répétition peut aussi favoriser la découverte de la vérité, mais il faut y voir d’abord un signe évident d’attention pour les mineurs »729.

296. Il est nécessaire de trouver un équilibre entre l’audition unique et la multiplicité d’auditions, celle-ci pouvant être aussi choquante pour la victime que l’infraction elle-même. Deux auditions enregistrées, assez proches dans le temps afin d’éviter une dilution des faits,

724 MATSOPOULOU Haritini, « Renforcement du caractère contradictoire, célérité de la procédure pénale et justice des mineurs », Dr. pén. 2007, étude 6.

725 Art. 706-52 al. 2 C. pr. pén..

726 Il en est de même lorsque le mineur est auteur d’infraction puisque la loi du 15 juin 2000 (loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 « renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ») rend obligatoire l’enregistrement des interrogatoires des gardes à vue de mineurs. La mesure a été étendue récemment, par la loi du 5 mars 2007 (loi n° 2007-291 préc.), à toutes les gardes à vue ou les mises en examen en matière criminelle.

727 Circulaire du 2 mai 2005, n° CRIM-AP N°05-10/E1-02-05-2005 « relative à l’amélioration du traitement judiciaire des procédures relatives aux infractions de nature sexuelle », art. 1.4. al. 7.

728 Paris, 4 avril 2007, JurisData n° 2007-333210. Les juges constatent que la victime a été constante dans ses accusations et qu’il n’existe aucune raison pour qu’elle les ait proférées de manière mensongère. Il en est de même lorsque les magistrats évoquent que la témoin (mineure) a été constante dans ses auditions devant les enquêteurs, le médecin et l’expert psychiatre pour mettre en cause le prévenu : Paris, 24 octobre 2008, JurisData n° 2008-038965. Voir également Paris, 18 avril 2008, JurisData n° 2008-371622 où la juridiction relève que l’expert psychologue ayant examiné la victime avait un discours cohérent, sans excès, sans tentative d’affabulation et identique à celui tenu lors de son audition par la police ou le juge d’instruction.

sembleraient un bon compromis, d’autant que l’enregistrement de l’audition ne dispense pas les enquêteurs de réaliser un procès verbal d’audition, même si le texte ne le prévoit pas730. Si la circulaire prévoit la possibilité pour l’enquêteur de reformuler certains propos pour les sortir de la terminologie basique lorsque la victime est très jeune, il convient d’être rigoureux puisque reformuler c’est déjà interpréter731. Suivant cet objectif, le texte prévoit que la victime signe ledit procès verbal, afin de s’assurer que le contenu soit conforme aux déclarations. En fonction du degré de discernement de l’enfant, cette tâche pourra revenir au représentant légal présent lors de l’audition.

297. Cependant, le législateur n’a assorti cette obligation d’enregistrement d’aucune sanction. Devant l’impossibilité technique pour les enquêteurs de réaliser l’enregistrement, l’article 706-52 al. 7 C. pr. pén. prévoit que ceux-ci doivent en faire mention dans le procès-verbal en précisant la nature de l’impossibilité. La mesure est plus encadrée lorsqu’elle intervient au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire, les enquêteurs devant informer immédiatement le procureur de la République ou le juge d’instruction des problèmes techniques, lesquels pourront alors s’assurer si d’autres moyens de procéder à l’enregistrement sont possibles. Le défaut d’enregistrement ne constitue pas une cause d’annulation de l’audition du mineur, dans la mesure où la disposition vise à le protéger732. L’audition reste valable puisque le défaut d’enregistrement ne nuit pas au principe du contradiction ni aux droits des parties en raison du maintien des procès-verbaux d’audition. Annuler l’acte reviendrait à réitérer l’audition de la victime mineure, ce qui constitue la raison même de l’enregistrement.

298. L’article 706-52 al. 4 C. pr. pén. impose qu’une copie de l’enregistrement soit réalisée et versée au dossier afin d’en faciliter l’accès et garantir le principe du contradictoire733. Les conditions de visionnage sont prévues par le texte afin de respecter les conditions d’un procès équitable et le principe d’égalité des armes visés par l’article 6 de la Conv. EDH

730 La circulaire du 20 avril 1999, CRIM 99-4 F1 « relative à l’enregistrement audiovisuel ou sonore de l’audition des mineurs victimes d’infractions sexuelles », prévoit que « l’enregistrement effectué en application de cet article [n’a] nullement pour conséquence de dispenser les enquêteurs de réaliser un procès-verbal d’audition de la victime ».

731 Pour les développements concernant la parole de l’enfant, cf. infra n° 305.

732 FOHRER-DEDEURWAERDER Estelle, art. préc., n° 203.

733 Cass. crim., 12 sept. 2007, pourvoi n° 06-87498. La Haute juridiction précise que les juges du fonds qui forgent leur intime conviction sur la base d’un enregistrement visé à l’article 706-52 C. pr. pén., « les juges n’ont pas méconnu le principe du contradictoire, dès lors qu’une copie de cet enregistrement était jointe au dossier, laquelle pouvait être visionnée par les avocats des parties ».

L’enregistrement constitue certes une preuve, mais qui revêt un caractère spécial en raison de la fragilité de la victime. Aussi, le législateur sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de diffuser l’enregistrement ou la copie ; lesquels sont détruits « à l’expiration d’un délaide cinq ans à compter de la date de l’extinction de l’action publique » dans le délai d’un mois comme le rappelle l’art. 706-52 dernier al. C. pr. pén..

299. Pour que cette audition soit la plus efficace possible, il est nécessaire que la victime se sente en sécurité pour pouvoir se confier, le législateur organisant à cet effet un principe d’assistance du mineur pendant l’audition.

2 – L’assistance du mineur lors de l’audition

300. Dans le cadre des dispositions visant à protéger les mineurs victimes d’infractions sexuelles, le législateur a prévu leur assistance lors de l’audition afin qu’ils se sentent rassurés et épaulés. Deux types d’assistance peuvent se conjuguer : une assistance relationnelle avec une personne envers qui l’enfant a confiance et se sent en sécurité, et une assistance juridique afin que ses droits, notamment en qualité de partie civile, soient assurés.

301. L’article 706-53 C. proc. pén. dispose que les auditions ou confrontations peuvent se faire en « présence d’un psychologue ou d’un médecin spécialistes de l’enfance ou d’un membre de la famille d’un mineur ou de l’administrateur ad hoc […] ou d’une personne chargée d’un mandat du juge des enfants ». Dans la mesure où cet accompagnement vise à rassurer le mineur, la priorité est aux personnes qui lui sont proches, à savoir les membres de sa famille. Cependant, les infractions de nature sexuelle étant souvent commises au sein du milieu familial, il est essentiel que d’autres personnes puissent jouer, subsidiairement, ce rôle d’accompagnateur. Semblant tirer les enseignements de ce constat, le législateur rend obligatoire la désignation d’un administrateur ad hoc en cas de faits qualifiés d’incestueux, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction734. Le recours aux professionnels de l’enfance est un choix judicieux en raison de leurs

734 Art. 706-50 C. pr. pén., modifié par la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 « tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux », JORF 9 février 2010, p. 2265 ; LEPAGE Agathe, « Réflexions sur l'inscription de l'inceste dans le Code pénal par la loi du 8 février 2010 », JCP G 2010, p. 609 ; « Inscription de l'inceste sur mineurs dans le Code pénal », JCP G 2010, p. 339 ; BALDES Olivia, « Le retour de l’inceste dans le Code pénal : pourquoi faire ? », Dr. pén. 2010, étude 7.

compétences évidentes en la matière, recours trop peu souvent exercé735. Malgré le caractère fermé de sa rédaction, le texte énumère de manière non exhaustive les personnes pouvant jouer ce rôle. La Cour de cassation estime que l’audition d’un mineur, assisté non pas d’un psychologue mais d’un psychothérapeute était valable, « la personne seulement admise à assister à l'audition d'un mineur, en application des mêmes dispositions, n'intervient nullement dans le déroulement de cet acte de procédure »736. La Haute juridiction précise également leur rôle en exposant que leur présence a « pour finalité exclusive la protection des mineurs victimes d’infractions pénales »737. Les « assistants » ne représentent pas la victime et n’interviennent pas dans le déroulement de l’audition ou de la confrontation, ils « ne sont admis qu’à réconforter l’enfant qui en manifesterait le besoin, mais ne peuvent pas prendre la parole (sauf pour expliquer à l’enfant une question) »738. Ce rôle n’est pas sans en rappeler un autre, toujours d’accompagnateur, notamment en droit de la santé739, la fragilité des mineurs justifiant dans ces différents cas, le recours à un tiers de confiance.

302. Si elle peut être demandée par la victime ou son représentant légal, cette assistance n’est pas automatique, le texte précisant qu’elle intervient sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction qui en apprécient la nécessité. Cette disposition, à l’instar de l’enregistrement des auditions, étant dans l’intérêt de l’enfant740, chaque situation sera différente en raison de l’infraction commise, de l’âge de la victime et de son état d’esprit. L’intérêt de l’enfant n’exige pas nécessairement qu’un tiers soit présent lors de l’audition. Si ce caractère facultatif doit être approuvé (d’autant que dans certains cas, les tiers pourraient outrepasser leur rôle rendant compliquées l’audition et l’interaction enquêteurs – victime), il conviendrait de rendre la mesure de droit lorsque la demande est formulée par l’enfant lui-même (capable de discernement), tout en lui laissant la possibilité de choisir l’accompagnateur (prérogative accordée pour l’instant aux magistrats), l’assistance étant faite

735 Par exemple, cela n’est pas le cas lorsque le mineur est victime d’autres infractions, non sexuelles, comme en cas de vol avec violence (communément appelé « racket ») ou encore lorsqu’il est auteur d’infractions alors que l’individu mineur est tout aussi faible : KHAIAT Lucette et MARCHAL Cécile (dir.), Enfance dangereuse, enfance en danger ?, Erès, 2007 ; NEIRINCK Claire (dir.), « Enfance en danger, enfance dangereuse », RDSS

2007, pp. 5 et s.

736 Cass. crim., 3 oct. 2001, D. 2002, p. 1099, note REDON Michel.

737 Cass. crim., 3 mai 2007, pourvoi n° 06-83440.

738 BONFILS Philippe et GOUTTENOIRE Adeline, Droit des mineurs, Dalloz, coll. « Précis », 2008, n° 1798, pp. 1056-1057 ; GOUTTENOIRE Adeline, « Enfance », Rép. pén. Dalloz, 2004, n° 150, p. 15.

739 En matière d’interruption volontaire de grossesse de mineure, l’article L. 2212-7 C. santé publ. évoque « la personne majeure de son choix » pour accompagner la mineure dans ses démarches (si elle désire éviter d’en informer ses parents) et qui n’a pas de rôle de représentation de celle-ci mais de soutien. Pour une analyse plus précise, cf. infra n° 474.

dans son intérêt ; lequel intérêt commande également que la victime soit assistée d’un professionnel du Droit lors de ces auditions, à savoir un avocat.

303. La loi du 17 juin 1998741 rend l’assistance par un avocat de la victime mineure obligatoire lorsque celle-ci s’est constituée partie civile, et facultative dans les autres cas. « L’avocat pouvait donc intervenir longtemps après l’ouverture de la procédure, alors que sa présence s’imposait, afin d’assurer un certain équilibre avec les droits du suspect, bénéficiant de l’assistance d’un avocat dès sa mise en garde à vue »742. Lorsque le mineur n’est pas victime mais auteur, l’assistance de l’avocat intervient dès le début de la procédure743, bien que la faiblesse de l’individu soit caractérisée dans les deux cas. Le législateur est intervenu pour palier ce déséquilibre en créant, par la loi du 5 mars 2007744, l’article 706-51-1 C. proc.

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