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L’infraction de traite des êtres humains consiste à recruter, en échange d’une

Dans le document Le mineur, son corps et le droit criminel (Page 60-63)

OBJETS DE LA PROTECTION

Section 1 : Une définition dichotomique de la minorité

88. L’infraction de traite des êtres humains consiste à recruter, en échange d’une

infractions et entraîne de plein-droit l’augmentation de la sanction216. Ne sont visées que des infractions portant volontairement atteinte à la personne217. De nouveau, la définition de la minorité ne sera pas uniforme, le législateur visant tour à tour la minorité de dix-huit ans (1) et la minorité de quinze ans (2).

1 – La minorité de dix-huit ans comme circonstance aggravante

87. L’utilisation de la minorité comme circonstance aggravante conduit à différencier l’infraction normale de celle aggravée, cette dernière faisant apparaître une nouvelle catégorie de victimes, les personnes mineures. Le législateur choisit d’utiliser le seuil de dix-huit ans pour augmenter la répression exclusivement dans des infractions portant atteinte à la dignité de la personne. Ce dernier concept, dont la définition juridique paraît délicate218, « fait référence à tout ce qu’il convient de faire respecter dans l’homme en tant que tel. Elle [la dignité] s’oppose donc à tout ce qui peut dégrader la personne humaine et l’humilier »219. Contrairement à l’intégrité physique ou psychique, lesquelles sont évolutives et peuvent justifier une subdivision de la minorité220, la dignité renvoie à l’individu en sa qualité de personne, quel que soit son âge, et en cela, elle reste immuable. Cette utilisation de la minorité comme circonstance aggravante se retrouve dans les délits de traite des êtres humains (art. 225-4-1 C. pén.), d’exploitation de la mendicité à l’égard d’un mineur (art. 225-12-5 C. pén.) et de conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité (art. 225-13 et 2225-14 C. pén.). Ces trois incriminations ont pour point commun l’exploitation des personnes mineures, de leur faiblesse, afin d’en tirer un profit financier ou matériel.

88. L’infraction de traite des êtres humains consiste à recruter, en échange d’une

216 RENOUT Harald, Droit pénal général, préc., pp. 303 et s.

217 Il s’agit spécifiquement des infractions d’atteinte à la personne du livre II, titre II, mais aussi de celles contenues dans le livre V et relatives à la protection du corps humain.

218 MATHIEU Bertrand, « La dignité de la personne humaine : quel droit, quel titulaire ? », D. 1996, p. 285 ; SAINT-JAMES Virginie, « Réflexion sur la dignité de l’être humain en tant que concept juridique du droit français », D. 1997, p. 61 ; DREYER Emmanuel, « La dignité opposée à la personne », D. 2008, p. 2730.

219 MISTRETTA Patrick, « La protection de la dignité de la personne humaine et les vicissitudes du droit pénal », JCP G 2005, I, 100.

220 Un mineur âgé de dix ans n’a pas les mêmes capacités physiques ni la même maturité psychique qu’un autre mineur âgé de seize ans. Cette évolution se retrouve en droit pénal au travers de la distinction entre les mineurs de quinze ans et ceux de plus de quinze ans. En revanche, leur dignité est immuable, celle-ci étant inhérente à la qualité de personne que l’individu a de sa naissance à sa mort, voire même au-delà. Voir pour ce dernier point : SEUVIC Jean-François, « Variation sur l’humain comme valeurs pénalement protégées », Mélanges BOLZE, Économica, 1999, p. 339 ; PY Bruno, « Le statut de l’être humain dans le nouveau Code pénal », Les cahiers de la sécurité intérieure, 1994, n° 18, p. 69.

rémunération ou d’un avantage, une personne pour la mettre à sa disposition ou à celle d’un tiers afin de permettre la commission à son encontre des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteinte sexuelle, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. L’incrimination vise notamment à lutter contre les réseaux internationaux qui recrutent, en abusant de leur crédulité, des jeunes filles dans les pays d’Europe de l’Est ou en Afrique afin de commettre à leur encontre les infractions mentionnées à l’article 225-4-1 C. pén. Les auteurs encourent sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, les peines étant portées selon l’article 225-4-2 C. pén. à dix ans d’emprisonnement et 1 500 000 euros d’amende lorsque l’acte est commis envers un mineur.

89. La logique est identique pour le délit d’exploitation de la mendicité à l’égard d’un mineur de l’article 225-12-6 C. pén. Cette infraction a déjà été abordée dans l’étude221, pouvant être perçue comme un doublon de celle de privation de soins et d’aliments de l’article 227-15 C. pén. et surtout de son alinéa 2. Les deux incriminations retiennent le fait de mendier avec un mineur même si cette dernière concerne le fait « de solliciter la générosité des passants », ce qui aboutit au même résultat. La portée de l’article 225-12-6 C. pén. apparaît cependant plus large quant aux auteurs, visant « quiconque » et non une liste limitative de personnes. La peine encourue est alors un emprisonnement de trois ans et une amende de 45 000 euros, les sanctions passant à cinq d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque la victime est mineure.

90. Enfin, les articles 225-13 et 225-14 C. pén. incriminent les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité. Est visé le fait d’obtenir d’une personne la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli, mais aussi le fait de soumettre ces personnes à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité. Ces comportements sont passibles d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, laquelle est portée à sept ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende quand la victime est mineure.222.

En dehors de ces trois hypothèses limitées, le législateur utilise plus largement la minorité de quinze ans comme facteur aggravant de la répression.

221 Cf. supra n° 81

2 – La minorité de quinze ans comme circonstance aggravante

91. L’utilisation de la minorité de quinze ans pour aggraver la répression d’infractions à caractère général est plus fréquente. Cette différence quantitative semble traduire une attention particulière du législateur à l’égard de cette catégorie de victimes. Cette minorité de quinze ans est systématiquement utilisée dans les infractions d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique des personnes. Elle se retrouve également de manière plus éparse dans le délit de provocation au suicide ou celui de séquestration qui conduisent soit à mettre le mineur en danger, soit à le priver arbitrairement de sa liberté.

92. En raison de leur portée générale quant aux victimes, les infractions d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique de la personne concernent tout individu, majeur ou mineur. Ainsi, l’article 221-1 C. pén. définit le meurtre comme « le fait de donner volontairement la mort à autrui»223, l’article 222-1 C. pén. réprime « le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie »224 ; les violences volontaires225 se caractérisent par l’atteinte effective réalisée, qu’il s’agisse de la mort, d’une mutilation ou d’une infirmité permanente, ou encore d’une incapacité totale de travail, et les agressions sexuelles sanctionnent les atteintes imposées à « la victime » comme le rappelle l’article 222-22 C. pén., sans autre précision.

Cependant, pour chacune de ces hypothèses, le législateur prend soin d’aggraver la répression dans les textes suivants ceux incriminant l’infraction basique, la circonstance aggravante étant constituée par la minorité de quinze ans. Pour le meurtre, la sanction passe de trente ans de réclusion criminelle pour l’infraction de base à la réclusion criminelle à perpétuité conformément à l’article 221-4 C. pén. L’article 222-3 C. pén. porte la répression de quinze à vingt ans de réclusion criminelle pour les tortures et actes de barbarie. Il en est de même en matière de violences volontaires, qu’elles aient entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente, ou plus de huit jours d’incapacité totale de travail. Les premières passent de quinze à vingt ans de réclusion criminelle226, les deuxièmes de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende à quinze ans de réclusion criminelle227 et les dernières passent de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende à cinq ans

223 Souligné par l’auteur.

224 Souligné par l’auteur.

225 Art. 222-7 à 222-13 C. pén.

226 Art. 222-3 C. pén.

d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende228. Il convient de noter que la minorité de quinze ans permet également, en matière de violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail ou une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours, de faire basculer l’infraction normalement contraventionnelle229 en délit passible de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende230.

93. La combinaison des textes met en exergue deux catégories de victimes avec d’un côté

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