Durant la première moitié du XXème siècle, la Finlande se distingue et se révèle
dans les expositions universelles et foires internationales auxquelles elle a participé. Ce
succès lui a servi de tremplin et les arts décoratifs finlandais ont été découverts avec un
enthousiasme comparable à l’échelle internationale. La prouesse finlandaise a été
probante dans de nombreux pays, mais c’est surtout aux États-Unis et en Italie, lors des
Triennales de Milan que les artistes obtinrent un véritable succès, grâce aux nombreuses
récompenses obtenues sur les podiums des concours. Avec la France, ces deux derniers
pays ont renforcé nettement la réputation des créations artistiques finlandaises sur
l’échiquier international.
Il est important de prendre en compte le succès finlandais aux Triennales de
Milan ; car celui-ci propulsa les œuvres finlandaises et leur reconnaissance sur la scène
internationale. Cette manifestation était la plus importante exposition internationale de
design industriel. Le principe des Triennales était de stimuler l’interaction entre
l’industrie, le milieu de la production et les arts appliqués. Selon les archives du syndicat
des arts décoratifs finlandais Ornamo, « les Triennales ont toujours donné une impulsion
puissante au développement des arts décoratifs, et d’autre part, c’est par elles que l’art
appliqué finlandais a pu se faire connaître au-delà des frontières »102. Les premiers succès
finlandais furent considérables lors des Triennales de Milan de 1933 et de 1936. La
Triennale de Milan de 1933 fut orchestrée par l’architecte finlandais Harry Röneholm.
Parmi les grands succès, le vase qui porte le nom « Savoy » réalisé par Alvar Aalto,
popularise mondialement le design finlandais. Inspiré de la forme des lacs, il fut
plébiscité par le public, et sa vente fut assurée par la suite avec la réalisation de nombreux
exemplaires. Le travail du bois, ressource première en Finlande fut accueilli
simultanément comme une réelle innovation due à la technique employée; ce travail s’est
aussi manifesté par la création d’une chaise qui eut un bel écho dans la presse : « on
parlait de la chaise en contre-plaqué d’Alvar Aalto comme d’une nouveauté surprenante
»103. La figure emblématique d’Alvar Aalto devient ainsi incontournable durant cette
triennale. Par ailleurs, l’art textile reçut également une réception satisfaisante, selon le
bilan Ornamo ; les tissages, à leur tour, attiraient l’attention internationale. Durant les
années trente, le romantisme national se manifesta donc toujours dans le design : « cette
Triennale avait prouvé aux finlandais que le design pouvait contribuer, et qu’il contribuait
effectivement à la création de l’identité de la IIème République et au renforcement de
l’esprit national »104. Si la Finlande arrivait en seconde position après les créations de la
Grande Bretagne par le nombre de prix reçus, elle reçut tout de même au total 37 prix : «
3 Grands Prix, six diplômes d’honneur, 12 médailles d’or, 5 médailles d’argent ainsi que
12 médailles de bronze »105. Parmi les artistes ayant connu ce succès, nous pouvons
mentionner Eva Anttila et Maija Kansanen. La Triennale de 1936 fut presque aussi bien
reçue. La section finlandaise fut organisée par Aino Aalto, femme d’Alvar Aalto dont les
œuvres fonctionnalistes furent majoritairement exposées. L’Italie eut donc un impact
conséquent dans la consécration des arts décoratifs finlandais, les Triennales ayant
103 Ibid.
104 Fabienne Chevallier, Jean-Yves Andieux, Nevanlinna Kervanto, Idée nationale et architecture en Europe, 1860-1919, Finlande, Hongrie, Roumanie, Catalogne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, 333p 105 Peter Mackeith, Kerstin Smeds, Finland at the universal expositions 1900-1992, the Finland pavilions, Helsinki, Kustanus Oy City, 1992, 184p
accueilli des spécialistes et des visiteurs internationaux dont de nombreux français, ce qui
renforça l’intérêt et la popularisation de l’exposition finlandaise en France. La prouesse
finlandaise se révéla aussi aux triennales de Milan d’après-guerre, l’on parle souvent de
miracle à l’italienne. Ce miracle peut s’expliquer par l’investissement financier de
puissantes sociétés comme le fait que « les chantiers navals Wärtislä avait apporté 0,5
million de marks finlandais à l’exposition à condition que l’Etat en donne autant, ce qui
fut fait »106, notons que d’autres sociétés s’impliquèrent. Les Triennales furent dominées
par les pays nordiques pendant vingt ans, et ils y reçurent une avalanche de prix, mais
retenons surtout que « les Finlandais plus encore que les autres : rien qu’en 1951 ils
raflèrent six grands prix, quatre diplômes d’honneur, sept médaille d’or et huit médailles
d’argent »107. Les Triennales de 1951, 1954 et 1957 firent découvrir au monde l’art
verrier finlandais, où la figure de Tapio Wirkkala fut largement remarquée. Ce succès
s’illustra par l’exposition « Le design scandinave » qui eut lieu en 1958 en France. En
Amérique, l’exposition itinérante, « Design in Scandinavia », fit une tournée de 1954 à
1957 aux États-Unis et au Canada. Les productions exposées furent rassemblées sur la
base de la triennale de 1954.
Ainsi, les expositions furent l’un des vecteurs principaux de la propulsion des arts
décoratifs modernes finlandais qui suscitèrent un vif intérêt général. L’objectif de ces
participations était alors de faire connaître la Finlande comme une nation moderne. Dès la
fin des années 1950, les créations finlandaises sont exposées à travers le monde dans
plusieurs centres internationaux d’art moderne de grande renommée. L’objet décoratif
affirme depuis cette période sa présence de plus en plus importante dans le quotidien. Les
106 Ulf Hård af Segerstad, « Cinquante années de rivalité finno-suédoise : pourquoi le plus beau design vient de Finlande », Courrier international, n°592, 7-13 mars 2002.
grandes capitales accueillirent tour à tour les productions finlandaises qui générèrent un
attrait sensible pour le modernisme apporté par les artistes finlandais. Des expositions
eurent lieu en 1957 à Londres, Édimbourg, Glasgow, Manchester et Moscou, en 1958 à
Zurich, Vienne, Belgrade, en 1959 à Barcelone, Madrid, Lisbonne, en 1960 à Varsovie,
Moscou, Stockholm, en 1961 à Hambourg et Essen, en 1962 à Copenhague et Buenos
Aires, enfin en 1963 dans la capitale du Mexique lors du Congrès de l’Union
Internationale des Architectes. Et ce, jusqu’à nos jours où les expositions se
multiplièrent…
Les expositions universelles et internationales ont ainsi créé un phénomène de
levier, pour les pays ayant le dessein commun de s’affirmer face aux grandes nations
solidement ancrées ; ils ont fait découvrir une puissance économique, une stabilité
politique et sociale grâce à l’exposition de leurs arts et techniques industrielles. Plus
précisément, ces expositions ont largement impulsé les arts décoratifs finlandais sur
l’échiquier artistique international ; des individus du monde entier se déplacèrent pour y
assister. Les expositions universelles et internationales par l’ampleur de l’événement en
tant quel et le temps long d’exposition qui lui est consacré - de six mois pour la plupart -
ont mobilisé une conscience collective qui introduit un besoin nouveau et possible : celui
de l’esthétisme du confort. Le public français fut conquis : le défi national de
revendication culturelle fut relevé avec audace par les équipes de travail finlandaises. La
diffusion artistique finlandaise s’est ainsi opérée dans l’optique de rivaliser avec les
productions artistiques des grandes nations. Tout d’abord, l’exposition en elle-même fut
le premier vecteur de représentation de l’œuvre finlandaise ; la presse française fut le
second vecteur, vecteur de diffusion cette fois, pour ceux qui n’auraient pu se déplacer à
productions finlandaises, éveillant la curiosité des amateurs ou confirmant les talents des
artistes auprès des spécialistes.