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Une illustration de réponse publique (Limoges)

Les enjeux de la diffusion des musiques actuelles

VII. Une illustration de réponse publique (Limoges)

Jacqueline CHEVALIER, Ville de Limoges, Adjointe au maire, chargée de l’Animation Culturelle et de l’Aide à la création

Je tiens tout d’abord à souligner que la structure John Lennon, conformément au programme établi, demeurera une structure municipale. Comme l’ont décidé les élus, elle ne passera pas au monde associatif. Nous nous concertons régulièrement et essayons d’apporter des améliorations au travers de trois pôles qui constituent cette activité culturelle : la diffusion ; les ateliers de répétition ; la formation.

Depuis l’an 2 000, nous avons organisé 350 concerts à John Lennon, soit environ 57 spectacles par an. Cette salle bénéficie d’une très bonne notoriété, nationale et internationale, et d’une qualité tout autant reconnue, ce qui suscite l’intérêt et la venue de grands diffuseurs.

Nous avons reçu plus de 92 000 spectateurs, soit 15 000 par saison, ce qui n’est pas négligeable. Ce lieu est donc fréquenté, même s’il ne s’agit pas nécessairement d’un public de jeunes. Il ne faut cependant pas comparer ce qui n’est pas comparable, à l’instar de la musique baroque et les musiques actuelles.

J’avais souhaité travailler sur John Lennon lors de mon élection, puisque je m’intéressais à ces jeunes qui étaient demandeurs, et dont nous ne connaissions pas les besoins. La structure John Lennon était alors pratiquement gérée par les associations. Celles-ci peuvent à présent intervenir à 85 % dans la programmation. J’estime donc que les associations ont tout de même ainsi un lieu pour s’y retrouver et pour y vivre. En tant que programmateur, nous complétons ce qui n’est pas proposé par les associations. Ce fonctionnement est globalement satisfaisant.

Depuis deux ans, nous constatons une baisse de la fréquentation du public. S’agit-il : du prix trop élevé des places, d’un intérêt décroissant des jeunes pour les musiques actuelles, etc. ? Certaines des propositions faites précédemment par Arnaud BRUZAT sont intéressantes. Je précise que nous avions mis en place un système de navettes,

mais que celles-ci n’étaient pas empruntées. A nous d’essayer de réfléchir à un autre fonctionnement.

En ce qui concerne les ateliers de répétition, nous avons repris en charge certains ateliers qui étaient sous la gestion d’une association. Cette gestion était peu satisfaisante, et les groupes se plaignaient régulièrement. Nous avons donc restauré ces ateliers, et 20 groupes viennent chaque semaine y répéter. Ce n’est probablement pas encore suffisant, mais notre fonctionnement permet aux associations de s’y retrouver, comme elles nous le disent. Je pense que nous sommes à l’écoute du monde associatif.

Les enjeux pour la Ville de Limoges ont été identifiés et sont orientés vers la satisfaction du public. Nous avons par exemple mis en place le dispositif « Passerelles Culturelles », qui offre aux jeunes en difficulté un système tarifaire préférentiel leur permettant de se rendre dans le centre culturel.

Chaque année, le budget John Lennon augmente. La Ville de Limoges finance en plus une trentaine d’associations dites de musiques actuelles. Au-delà de la question budgétaire, peut-être faudrait-il s’intéresser aux raisons de la baisse de la fréquentation du public, notamment en nous interrogeant sur la définition de ce qu’est un spectacle vivant.

Rémi FAURE

Frédéric ROBBE soulignait les avantages de la délégation de service public. La régie directe est-elle selon vous plus intéressante ?

Jacqueline CHEVALIER

Nous avons un bilan satisfaisant, comme nous le disent les associations elles-mêmes.

Nous n’avons pas l’intention d’en changer pour le moment.

VIII. Débat

Philippe TEILLET

Nous avons évoqué précédemment, concernant les initiatives rurales, les spécificités de la qualité de relation entre artistes et le public lors de ces événements un peu décalés par rapport aux normes des concerts de musiques actuelles. Comment assurer la présence du public dans les salles et leur appropriation par ce même public ? Comme sortir de la définition classique de public pour s’adresser davantage à des citoyens ou des porteurs de projets ayant des sensibilités et des histoires différentes ?

Frédéric TRONCHE

Une question préalable se pose. Au vu des financements gouvernementaux en décroissance, comment les élus pourront-ils maintenir le financement du tissu associatif ? Quels seront les arbitrages qui seront faits, et quelle sera la place des musiques actuelles ?

Par ailleurs, je tiens à souligner que les associations ont effectué la programmation, c'est-à-dire ont pris des risques, pour 80 % des 350 concerts annoncés précédemment sur John Lennon depuis 2000. De plus, les musiques actuelles dépendent également d’autres lieux. En ce sens, la fermeture du Woodstock qu’évoquait Arnaud BRUZAT est dramatique. Il est donc nécessaire de dialoguer ensemble, même si nous avons des divergences profondes.

Par ailleurs, en termes de relation avec le public, lorsque les diffuseurs sont issus de groupes ou du monde associatif, il est possible de tirer sur le prix et d’obtenir des politiques tarifaires acceptables. Lorsque l’événement est organisé par une mairie ou un conseil régional, les groupes et les tourneurs prennent des bénéfices supérieurs. Or la relation est satisfaisante avec le public lorsque nous lui proposons une programmation sans chercher à satisfaire des intérêts commerciaux.

Le problème est également qu’aujourd’hui, les diffuseurs n’ont plus les moyens de faire de la découverte. La question est donc de savoir comment financer les salles où naissent cette création et cette découverte, c'est-à-dire les cafés-concerts. La moindre fermeture d’un tel lieu est une catastrophe pour les musiques actuelles.

Josette BALANCHE, Conseillère municipale déléguée à la musique (Limoges)

Arnaud BRUZAT évoquait précédemment la création d’un agenda. Je l’encourage à le faire, mais je précise que toutes les informations sont présentées sur le site internet de la Ville de Limoges. De plus, en début d’année et ensuite trimestriellement, les centres culturels de la ville de Limoges publient des documents comprenant les initiatives autour des musiques actuelles. Il existe donc beaucoup de sources d’information, et il vous revient peut-être de participer à sa diffusion. Nous sommes pour cela à votre disposition dans tous les centres culturels de la mairie et du service communication de la Ville.

Marie-Irène SOARES-PETIT, Hiéro

Le propos d’Arnaud BRUZAT n’était pas de dire que les outils n’existaient pas, mais que ces derniers n’arrivaient pas jusqu’à lui. Je pense qu’il est important d’entendre cette remarque. Notre enjeu à tous est bien le public. Il faut donc s’interroger sur les raisons pour lesquelles cette information ne redescend pas jusqu’à lui.

Jacqueline CHEVALIER

Je précise que ces programmes trimestriels sont diffusés dans les lycées et à l’Université.

Nous essayons donc de couvrir le territoire, mais nous devrions en effet essayer de préciser les manques et de prendre en considération les lieux où les jeunes souhaitent que ces informations soient diffusées.

Philippe TEILLET

Les techniques de communication et de relation au public sont aujourd’hui très diversifiées. Il faudrait étudier ce qui se fait ailleurs. Les anciens relais du TNP pourraient encore être utilisés et être très efficaces. Les porteurs de projets, plus que les supports de communication, constituent notamment des facteurs extrêmement importants.

Daniel CARAMINOT, maire adjoint Davignac

En réponse aux propos de Jean-François POUMIER sur l’animation en milieu rural, je pense que dans les musiques actuelles, il n’y a pas de milieu rural et de milieu urbain, mais une politique des musiques actuelles. En tant qu’élus d’une petite commune, nous prenons beaucoup de risques, et l’important réside dans les relations avec les institutions.

Nous ne pouvons pas fonctionner sans les institutions existantes. Lorsque nous prenons des risques, nous savons que cela a pour fin d’assurer une certaine pérennité. Nous avons ainsi un festival qui fonctionne bien et qui permet à des jeunes de tourner. Il y a néanmoins eu une fausse note grave lors du festival du printemps de Davignac. Je cède la parole sur ce sujet à Roger Bourbouleix.

Roger BOURBOULEIX, Davignac

Il est regrettable que dans certains lieux, les musiques actuelles soient associées à la délinquance. A l’occasion de notre 20ème festival, de nombreux policiers se sont rendus sur le site, avant le lancement du festival, pour contrôler les intermittents. Pendant le festival, ce sont les bénévoles qui ont été contrôlés... La commune s’investit beaucoup et prend des risques avec un budget du festival qui dépasse le sien. Il est dès lors inadmissible que de tels événements viennent contrarier le bon déroulement des spectacles.

Stéphane CAMBOU

Sur ce sujet, François ERLENBACH, en tant que DRAC, doit être notre porte-parole auprès du Préfet de région. Nous avons de nombreux exemples d’interventions des forces de l’ordre en surnombre lors de festivals. Ceci est très grave. Nous ne pouvons pas les uns et les autres consacrer de l’argent public à la diffusion, pour que ceci soit ensuite mis à mal sans aucune concertation en amont.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de certaines actions de prévention, et nous regrettons tous les dérapages lorsqu’ils se produisent. Néanmoins, il me semblerait nécessaire que la concertation que nous évoquons aujourd’hui soit également de mise avec l’Etat et toutes ses composantes, notamment la police, pour que nous puissions faire fonctionner nos structures de manière correcte.

François ERLENBACH, DRAC

J’entends vos propos, et je suis catastrophé pour la culture de savoir que l’on peut associer délinquance et manifestation culturelle. Il est en effet de mon devoir de rapporter ces faits au Préfet de région et aux préfets des départements concernés, ce que je ferai sans attendre. Il est également de mon devoir de vous demander de me rapporter tout ce qui a été constaté l’année dernière, de manière à ce que les services de gendarmerie puissent en amont évaluer les risques et rencontrer les organisateurs, plutôt que d’envoyer des forces en surnombre et suréquipées.

Yannick MOINE, Groupe Polyglotte

Je souhaite revenir sur la question de la diffusion. J’ai le sentiment que dans notre région, nous avons toujours envie de nous distinguer par rapport aux autres. Or, de nombreuses villes disposent de revues dédiées qui fonctionnent parfaitement, et qui assurent une très bonne information de tous sur les événements à venir.

Par ailleurs, en ce qui concerne les chiffres, Madame CHEVALIER soulignait précédemment qu’il ne fallait pas comparer ce qui n’était pas comparable, comme les musiques actuelles et l’art lyrique. Je pense au contraire que ces comparaisons seraient tout à fait signifiantes et significatives.

Bruno BOYER, Groupe Polyglotte

En ce qui concerne la baisse de la fréquentation des concerts et des festivals, je pense que le public a de moins en moins d’y venir, puisqu’il a le sentiment qu’il s’y passe un peu toujours la même chose, et que la programmation est aujourd’hui une culture de masse.

La nécessité alimentaire de programmer des groupes télévisuels et grand public conduit à des festivals nationaux proposant les mêmes têtes d’affiche.

En tant que musicien, ce constat est très triste, et je suis souvent plus heureux d’aller jouer bénévolement dans des lieux où il se passe quelque chose de différent. J’appelle donc tous les diffuseurs à essayer de se démarquer et de trouver quelque chose de nouveau. Ceci implique l’aide de l’Etat, puisque nous sommes toujours limités par des problèmes de fonds.

Philippe TEILLET

Peut-être est-il également nécessaire de réévaluer régulièrement les projets de manière à assurer un suivi de leur pertinence, même si cela engendre une certaine instabilité sociale.

Laurent POINGT, Radio associative Beaub FM

Nous n’avons pas encore évoqué la diffusion par le biais des médias. Notre radio est celle vers laquelle les groupes qui n’ont pas accès à un média national vont se tourner pour être diffusés. Nous recevons 30 découvertes par jour, que nous essayons de diffuser au moins une fois.

Nous sommes donc pour ces groupes un interlocuteur qui sait les écouter et faire la promotion de leurs événements. Les collectivités font également appel à nous dans des cas bien précis. De plus, en termes de rôle social, nous favorisons sur notre radio la diffusion d’émissions bénévoles, donnant souvent à des minorités la possibilité de s’exprimer.

Ces radios associatives sont donc des lieux d’expression et d’échange. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une difficulté compte tenu d’une réforme à venir sur le FSER, le Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique. Cette réforme représente un danger pour les radios associatives. Leur disparition entraînerait celle des possibilités de diffusion

pour les groupes amateurs. La diffusion ne s’arrête donc pas aux festivals et aux salles de cafés-concerts, puisque les radios associatives y sont réellement partie prenante.

Philippe TEILLET

Dans le cadre de la co-construction de politiques publiques, il faut en effet veiller à bien prendre en compte tous les acteurs.

Martin DACCORD, président de l’association La Grande Noyade

Notre association programme essentiellement pour le Woodstock, dont les difficultés ont été exposées. Les différents problèmes évoqués lors des précédents échanges semblent se recouper : communication ; découverte ; attachement à un lieu ; gestion de la programmation par des personnes qui connaissent leur travail ; etc. Il existe un engagement militant associatif en faveur de la découverte des groupes locaux, avec une programmation très importante et des emplois créés.

Ces salles sont donc le point de départ de la création culturelle et artistique, avec l’émergence et la mise au jour de groupes en professionnalisation, hors des critères et schémas médiatiques actuels, ce qui concourt à la diversité culturelle des groupes musicaux français.

La seule solution aux problèmes que nous rencontrons réside dans une question de choix, c'est-à-dire dans la politique publique culturelle. Nous trouverons des solutions, une fois que les politiques culturelles publiques auront décidé que les salles, les radios associatives, les festivals ou encore les associations indépendantes ont véritablement leur place dans la création et la mise au point de la culture alternative française.

Atelier 3

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