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Une définition du régime d’art contemporain

2. Les instances de légitimation

2.1. Une définition du régime d’art contemporain

Afin de comprendre les systèmes de légitimation de l’art contemporain, il faut d’abord et avant tout être en mesure de saisir ce que le mot contemporain signifie et implique. De plus, afin d’arriver à voir par quels mécanismes la réputation d’un artiste et la reconnaissance de son œuvre sont instituées, il faut mettre au clair les conditions requises aux yeux des spécialistes de l’art pour être digne de ce label. Pour ce faire, nous utiliserons la théorisation faite par Nathalie Heinich (2014) de ce qu’elle appelle les « paradigmes de l’art ». Cette manière de procéder nous permettra également de revenir sur les idées d’Yves Michaud (1998) par rapport à la crise de l’art contemporain, dont nous avons discuté au premier chapitre. Pour comprendre la spécificité de l’art contemporain, nous effectuerons une comparaison entre ses caractéristiques propres et

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celles de l’art moderne. Nous répèterons le même exercice lorsque nous aborderons la question des instances de légitimation et de leurs acteurs respectifs.

Selon Jimenez (2005 : 21), le réel conflit que l’art connaît depuis une trentaine d’années ne se rattache pas tant aux frontières de la création, mais plutôt à « l’inadéquation des concepts traditionnels – art, œuvre, artiste, etc. – à des réalités qui, apparemment, ne leur correspondent plus ». Heinich (2014 : 25) avance que cette situation de crise « met en évidence la mise en place d’un nouveau paradigme artistique ». Un paradigme est « une structuration générale des conceptions admises à un moment donné du temps à propos d’un domaine de l’activité humaine » (Heinich 2014 : 42-43). Ainsi, lorsqu’une innovation conceptuelle tel que l’art contemporain se développe, elle entre en conflit avec le paradigme dominant présent à cette époque, c’est-à-dire moderne. Un paradigme ne peut s’implanter que par une rupture avec la position précédemment établie. Cette théorie s’accorde avec les conclusions de Michaud (1998 : 214) quant à la crise de l’art contemporain : « [i]l ne s’agit pas d’une crise de l’art en tant que tel et des pratiques artistiques, toujours plus nombreuses et diversifiées, mais plutôt d’une crise de notre représentation de l’art – et celle-ci est même double : elle touche le concept d’art et la place de ce dernier dans la culture ».

Comment se décrivent les paradigmes moderne et contemporain? Le paradigme moderne se construit autour de la conception de l’art comme l’expression de l’intériorité de l’artiste, où le caractère personnel et subjectif de sa vision doit transparaître. Cet art, créé à partir de matériaux traditionnels, doit également transgresser les canons artistiques classiques, et se fonde principalement sur les valeurs d’authenticité et de singularité (Heinich 2014 : 50). L’œuvre se concrétise dans le geste qui est la manifestation du corps de l’artiste et de ses sensations personnelles. Le paradigme contemporain quant à lui repose sur la transgression des frontières et des critères de la notion même d’art (Heinich 2014 : 50). Cette transgression se distingue de celle opérée dans l’art moderne par la nature systématique de son application, pouvant aller du cadre esthétique jusqu’aux cadres disciplinaires et moraux. Les œuvres d’art contemporain sont créées à partir de nouveaux médiums telles que la vidéo, la performance et l’installation. Comme le fait remarquer Heinich (1999 : 111), l’art contemporain « tend à opérer un déplacement de la valeur artistique, qui ne réside plus tant dans l’objet proposé que dans l’ensemble des médiations qu’il autorise entre l’artiste et le spectateur ». L’œuvre Fountain de Duchamp est évidemment un

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excellent exemple de cela, car une grande partie de son intérêt réside dans l’incroyable abondance de réactions qu’elle a suscitées. Les incompatibilités entre ces deux paradigmes font en sorte que les discussions entre les partisans de chacun demeurent en général vaines, car ils ne peuvent être convaincus du bien-fondé des arguments de l’autre. Heinich (2014 : 49) précise que « la querelle est quasiment irréductible du fait que, toute preuve n’ayant de sens que par rapport au paradigme en lequel elle s’inscrit, elle ne vaut plus dans celui en fonction duquel raisonne celui qu’elle est censée convaincre. La seule solution est la conversion ». Cependant, il n’existe pas de frontières étanches entre les périodes moderne et contemporaine. Il faut plutôt considérer qu’il existe une continuité de l’une dans l’autre et que les artistes ne se cantonnent pas à l’un ou l’autre de ces paradigmes.

« La difficulté à référer une œuvre à des critères de qualité stabilisés explique en partie le glissement vers un marché de notoriété où c’est le nom de l’artiste qui sert de critère de jugement plus que la qualité de telle ou telle pièce » (Heinich 2014 : 256). Ce que fait ressortir Heinich dans cette affirmation est la tendance de l’art contemporain à se rapprocher de la culture de la célébrité. On remarque dans le monde de l’art une « starisation » de quelques artistes qui dominent à la fois sur le marché et dans le milieu institutionnel, et dont la réputation dépasse même les frontières de la sphère artistique. Cette logique de la célébrité, issue de la culture populaire, se conjugue étonnamment bien avec les penchants élitistes de ce milieu où l’exclusivité est synonyme de succès et de reconnaissance. À cette ébauche de définition, il nous faut également insister sur la dimension intrinsèque d’internationalité de l’art contemporain. L’insertion dans les réseaux internationaux de reconnaissance et de légitimation de la scène artistique est un critère incontournable de tout art souhaitant être désigné comme contemporain. Il est difficile de décrire l’art actuel, car il n’est « réductible ni à son usage de l’image, ni à son rapport au concept, ni à son recours aux objets » (Heinich 1998 : 328). Il semble échapper aux définitions conventionnelles des mouvements artistiques, basées sur l’attachement à une forme ou à un contenu, ce qui exige de la part de ceux cherchant à le promouvoir et à le légitimer une connaissance très spécialisée du contexte artistique l’entourant.

L’art contemporain semble avoir pour effet de provoquer une spécialisation et une fermeture du domaine artistique. Cela tend à resserrer encore davantage le cercle déjà restreint des acteurs y interagissant qui sont fortement interreliés entre eux (Heinich 1998 : 271). Les deux

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principales instances de légitimation, qui regroupent chacune plusieurs différents spécialistes, sont les institutions et le marché de l’art. Par les institutions, nous entendons particulièrement celles qui sont publiques, c’est-à-dire les musées de même que les centres d’art, dans lesquelles interviennent les conservateurs, les critiques et les commissaires d’expositions. Le marché de l’art inclut les galeries et les maisons de vente où l’on retrouve comme figures principales les marchands, les galeristes et les collectionneurs. Le travail de chacun de ces acteurs contribue à établir la valeur, tant symbolique que monétaire, des œuvres et des artistes. Les institutions et le marché travaillent à la fois en parallèle et de concert, particulièrement dans le cas d’artistes très reconnus comme Damien Hirst, Jeff Koons, Gerhard Richter ou Ai Weiwei. La théorie au cœur des travaux de Moulin (2009b : 31-32) est que « la constitution des valeurs artistiques contemporaines, au double sens esthétique et financier du terme, s’effectue à l’articulation du champ artistique et du marché » et que le prix est l’accomplissement de l’effort commun des spécialistes. Une fois que le prix est énoncé sur le marché, la circulation et l’internationalisation d’une œuvre sont facilitées. Le prix de cette même œuvre risque de s’élever si une réputation institutionnelle solide accompagne l’objet. Étant donné la difficulté de l’évaluation de l’art contemporain, la confiance dans le jugement des experts des institutions et du marché est absolument essentielle. L’incertitude quant à la valeur esthétique de l’art actuel renforce en effet l’importance du rôle de ces divers professionnels et des signaux de reconnaissance qu’ils produisent par leurs interventions dans les institutions et le marché. Le moindre doute peut mener à une perte de confiance pouvant provoquer une crise économique du milieu de l’art (Moulin 2009b : 41). Ce réseau d’actions et d’initiatives est d’ailleurs analysé par la sociologie de la médiation, que nous expliciterons ici à l’aide des travaux de Nathalie Heinich et d’Antoine Hennion.

« Ce qui fait l’art contemporain, c’est l’insertion dans le réseau de l’art contemporain ». Par cette affirmation, Nathalie Heinich (2014 : 173) entre au cœur du concept de la médiation et de sa nécessité au sein de l’art contemporain. La médiation prend forme dans toute intervention entre une œuvre et sa réception. Il existe de nombreux types de médiations en art. Elles peuvent être verbales (articles, commentaires, livres, etc.), iconiques (reproductions), professionnelles (commissaires, critiques, conservateurs, etc.), institutionnelles (musées, galeries, centres d’art, etc.) ou objectales (cartels, cadres, catalogues, murs, etc.) (Heinich 2014 : 191). La sociologie de la médiation rend également visible l’ensemble des opérations et des acteurs qui relient une

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œuvre à son public, quel qu’il soit. Elle met en évidence la réalité des médiateurs et l’impact de leurs actions respectives qui transforment la perception d’un objet au fil de la chaîne de légitimation qu’il traverse, de sa production jusqu’à sa réception (Heinich 1998 : 284). En effet, plus une œuvre s’éloigne des schèmes de compréhension traditionnels, plus elle aura besoin de dispositifs, donc de la présence de médiateurs multiples, pour être comprise et évaluée par ses destinataires. Les intermédiaires les plus actifs sont les médiateurs professionnels, car l’œuvre d’art ne trouve sa place en tant que telle que grâce à la coopération d’un réseau complexe d’acteurs. Ces derniers sont appelés les gatekeepers et agissent entre le monde ordinaire et le monde de l’art (Heinich 2014 : 191). Selon Hennion (2007 : 33), « les intermédiaires de l’art déplacent l’analyse d’une interrogation sur l’art lui-même à la restitution des moyens qui le composent et le font résister, empêchant qu’on puisse le faire et le défaire à son gré ». Ils permettent ainsi de révéler la complexité du monde de l’art et les divers mécanismes qui l’articulent et lui permettent de fonctionner. Heinich (2014 : 191) remarque que « [t]oute médiation est à la fois ce qui fait communiquer, positivement, et ce qui fait écran, négativement, c’est l’ambivalence constitutive des médiations ». Les différents médiateurs du monde l’art n’ont cependant pas le monopole de l’activité que leur fonction sous-entend (le critique d’art et l’écriture d’articles par exemple). Ils occupent tous plus ou moins des rôles multiples, car il n’existe pas de frontières imperméables entre la production et la réception.

Les médiations en art contemporain sont principalement effectuées au sein des deux grandes instances de légitimation, c’est-à-dire les institutions et le marché de l’art. La place qu’occupent les institutions publiques dans le monde de l’art contemporain est de toute première importance et elles ont un poids considérable dans la balance des décisions et des processus de légitimation. Leur pouvoir d’action se manifeste sous plusieurs formes et est appliqué par différents types de spécialistes. En effet, les musées et les centres d’art participent activement à la reconnaissance des artistes en mettant sur pied des expositions. Les structures administratives de l’État et les musées offrent du financement aux écoles des beaux-arts de même que des formations, des résidences, des bourses et des ateliers aux artistes, contribuant à insuffler une certaine forme de vitalité et de renouvellement au monde de la création. Nathalie Heinich (1998 : 261-262) accentue encore davantage l’importance des institutions en soulignant qu’ « [e]n stabilisant et en universalisant la valeur d’un objet, toute institution est un amplificateur des effets de valorisation : il n’est pas de nouveau paradigme sans conversion des institutions

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artistiques aux nouvelles valeurs ». Ce pouvoir de légitimation est d’autant plus nécessaire dans le cas de l’art actuel, car celui-ci est, dans certains cas, en dehors des critères reconnus d’appartenance à l’art. Il doit alors plutôt s’appuyer sur des indices extérieurs à sa matérialité comme témoins de sa valeur, tels que l’achat par un musée, une exposition dans une grande galerie, un article dans une revue spécialisée, etc.

Le relais vers des acteurs externes à la création est donc essentiel pour qu’une œuvre d’art contemporain et son auteur connaissent la notoriété. Les institutions publiques sont, selon Heinich (1998 : 331), les médiateurs les plus susceptibles d’intervenir entre une proposition et un public. L’intervention institutionnelle se produit très tôt, souvent au moment de l’élaboration créatrice, car elle constitue une condition sine qua non de sa réalisation. Les institutions publiques, dont les musées, sont chargées, à l’aide de fonds publics ou privés, d’acquérir, de conserver, d’étudier et d’exposer les œuvres. Les musées « exercent un puissant pouvoir d’accréditation par la définition, matérielle autant que cognitive, des frontières de l’art » (Heinich 1998 : 278). Parmi les institutions publiques et privées se distinguent des meneurs, les grands musées internationaux, qui s’associent souvent entre eux, en réseau au sein duquel circulent les mêmes expositions, et dont les sélections artistiques influencent celles des musées de moins grande envergure.

Le marché de l’art et ses médiateurs, soit les galeries et les maisons de vente, se retrouvent régulièrement au centre des pôles du processus conventionnel de création et de réception des œuvres, soit entre les artistes et les collectionneurs. L’incertitude sur la qualité des œuvres associée à l’art contemporain constitue une spécificité essentielle du marché de l’art. Elle explique la nécessité du recours aux experts de ce milieu que sont les agents économiques du marché, tout comme c’était le cas avec les institutions. Cependant, les représentants du marché de l’art ne possèdent pas un pouvoir de consécration au même degré que les acteurs culturels, surtout dans le cas de formes artistiques conçues pour ne pas être récupérées par eux. La relation conflictuelle qui existe entre le monde de l’art et les questions monétaires, particulièrement évidente aux débuts de l’art contemporain (1970) où le succès commercial de l’artiste était dévalorisé, est à l’origine de cette situation (Heinich 2014 : 86). Ceci dit, cette tendance s’est estompée dans les années 1990, avec l’apparition d’un art monumental et sensationnaliste, dont les plus grands succès se sont manifestés sur le marché de l’art (Heinich 2014 : 223).

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Les interventions sur le marché de l’art se font sur deux plans. Le marché primaire est celui des galeries et les œuvres qui y transitent proviennent directement de l’artiste, elles sont donc mises en vente pour la première fois. Il suppose un processus de vente appelé le gré à gré et n’implique aucun autre acteur que l’acheteur et le vendeur (marchand ou galeriste). Le marché secondaire est celui des ventes publiques et les activités commerciales exercées impliquent des œuvres en situation de revente, qui proviennent par exemple d’un collectionneur ou d’une institution publique. Il suggère davantage la vente aux enchères, et par le fait même, l’activité d’un acheteur, d’un commissaire-priseur et d’un vendeur (marchand ou collectionneur). Ces différents individus ont chacun des rôles et des pouvoirs dans le marché de l’art contemporain. Comme l’affirment Moureau et Sagot-Duvauroux (2010 : 42), c’est « [l’]éclatement géographique du marché, allié au besoin de combler le fossé qui s’est creusé entre la création et le public avec l’avènement de la convention d’originalité à la fin du XIXe siècle » qui a fait de l’intervention de médiateurs une nécessité sur le marché de l’art.

Les structures et l’importance respectives du marché et des institutions se sont transformées entre le paradigme moderne et le paradigme contemporain, chacun prenant temporairement le dessus sur l’autre, et modifiant par le fait même les circuits de légitimation. La confrontation des réseaux traditionnels d’acteurs avec ceux de l’époque actuelle nous permettra de mieux saisir l’évolution de ces deux instances et des relations qui déterminent l’accès des artistes et de leurs œuvres à la reconnaissance du milieu de l’art.

Le processus de légitimation artistique est caractérisé, dans le paradigme moderne, par le développement significatif du marché de l’art et le grand dynamisme de ses acteurs. Heinich (2014 : 211) note un manquement de la part des institutions envers les premiers modernes et les tendances innovantes du début du XXe siècle. Les acquisitions faites par les institutions étatiques et muséales étaient principalement effectuées en marge des circuits marchands et selon une logique décorative ou compassionnelle. Cette manière de procéder a aussi eu pour conséquence d’éloigner les acteurs institutionnels de la vie culturelle de l’époque, compliquant par la même occasion toute tentative de modernisation de leur part. Le dynamisme du marché de l’art se manifeste avec l’essor des galeries qui, en contact avec des collectionneurs privés, ont constitué la première instance de reconnaissance et le principal outil de consécration des artistes modernes. Avec l’art contemporain semble s’opérer une inversion de l’ordre moderne. L’introduction

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officielle d’œuvres dans les institutions comme les ready-mades de Duchamp (un exemplaire de

Fountain est acheté par le Philadelphia Museum of Art en 1950) et le soutien d’expositions par

des fonds publics de l’État ou par les musées (exposition des expressionnistes abstraits au MoMA en 1951) manifestent une implication plus marquée de la part des instances culturelles du monde de l’art. La décision d’Alfred Barr de sélectionner plusieurs artistes rattachés à l’expressionnisme abstrait, comme Pollock et de Kooning, pour représenter le pavillon américain à la Biennale de Venise en 1950 témoigne également de la réappropriation de la part des institutions de leur position de découvreurs et de principal encadrement de l’activité artistique.

Les innovations artistiques de la seconde moitié du XXe siècle ont nécessité un degré élevé de médiation, une opération dans laquelle les critiques se sont particulièrement démarqués. On peut bien sûr penser à Clement Greenberg et Harold Rosenberg qui ont fortement contribué à inscrire l’expressionnisme abstrait dans l’histoire de l’art. Par ces acteurs et par l’importance établie de leurs interventions, les musées d’art contemporain sont, selon Raymonde Moulin (2009b : 37), l’instance majeure de validation. Ils tracent la ligne entre ce qui sera considéré comme de l’art et ce qui ne le sera pas, de sorte que même les œuvres contestatrices de l’institution ont besoin de celle-ci et de son expertise pour exister. Le marché de l’art n’est cependant pas en reste. Des cas comme celui de Leo Castelli permettent de constater que les relations entre les galeries et les institutions se maintiennent et que bien qu’étant des concurrents directs pour la découverte d’artistes et l’achat d’œuvres, ils demeurent des alliés objectifs puisque le succès d’un artiste dans l’une des deux instances augmente sa valeur dans l’autre (Heinich 2014 : 217).

Selon Moulin (2009a : 68-75), les courants artistiques du milieu du XXe siècle tendent à se diviser entre un art orienté vers le musée et un art orienté vers le marché. D’ailleurs, les derniers mouvements de l’art moderne « furent soutenus par les critiques universitaires et les grands musées […], tandis que les valeurs montantes de l’art contemporain (pop art et hyperréalisme) le furent plutôt par les marchands et les collectionneurs » (Heinich 2014 : 215). L’art orienté vers le musée se développe dans les années 1960, à une époque où les artistes cherchaient à rendre leur travail irrécupérable pour le marché, donnant ainsi naissance à des conditions de travail et des mécanismes de diffusion très différents de ceux utilisés jusque-là (Moulin 2009a : 68). En effet, il se définit dans une double contestation, celle de l’art et celle du

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marché. De nature plus intellectuelle et hermétique, « il est soutenu d’abord par la communauté artistique et le cercle restreint des professionnels de l’art. C’est un art dont l’existence même suppose le musée et les espaces publics. Surtout, c’est un art assisté dont les prix directeurs sont les prix-musée » (Moulin 2009a : 70). L’art orienté vers le marché, lieu où le consommateur est