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CHAPITRE 1 – LE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL DES

1. Une définition du développement professionnel de l’enseignant

Plusieurs auteurs considèrent de plus en plus le développement professionnel des enseignants comme un processus alimenté non seulement par la formation initiale et la formation continue, mais également par l’interaction avec les pairs et par la réflexivité personnelle dans d’autres situations, professionnelles ou privées (Day, 1999 ; Lieberman et Miller, 2001). En d’autres mots, l’enseignant développe sa professionnalité dans presque toutes les circonstances de sa vie, que ce soit de façon formelle ou informelle, seul ou en interaction, à l’intérieur ou en dehors du contexte scolaire. D’ailleurs, dans sa liste des activités susceptibles d’amener les enseignants à se développer professionnellement, Lieberman (1996, citée par Day, 1999, p. 3) mentionne des situations aussi variées que d’entendre des collègues parler de nouvelles pratiques d’enseignement, de s’impliquer dans les organes de décision de son école ou de participer à des réseaux professionnels. Lieberman précise que ces situations de développement professionnel peuvent prendre place dans le cadre de formations continues formelles mais aussi dans des situations plus informelles en classe, dans l’école ou en dehors de l’école. En dehors de l’école, elle cite quelques exemples : groupes de travail à propos de réformes de l’enseignement, partenariats avec une université ou d’autres écoles, participation dans des centres de développement professionnel ou dans des groupes informels.

Selon Day (1999), cette « reconnaissance » des apprentissages réalisés dans des situations informelles par les enseignants en tant que composants à part entière de leur développement professionnel constitue un changement de perspective et attire par ailleurs l’attention sur la conception et la mise en œuvre des formations continues formelles des enseignants. Day, tout comme Bullough et Gitlin (1991), Lieberman et Wood (2001) ou Clark et Florio-Ruane (2001), interroge ici les formations continues d’enseignants qui, selon lui, se centrent davantage sur des contenus (savoirs et savoir-faire) plutôt que sur les enseignants en tant que professionnels évoluant dans un contexte particulier.

Ces formations ne prennent donc pas en considération, selon lui, l’identité professionnelle de l’enseignant et ne touchent qu’à certains aspects du développement professionnel.

Plus précisément, Donnay et Charlier (à paraître) proposent de définir quelques caractéristiques du développement professionnel. Pour ces auteurs, le développement professionnel d’un enseignant est un processus :

orienté : vers un but, un projet, un progrès… qu’il soit personnel (ses pratiques en classe) ou lié à un projet plus large (celui de l’établissement par exemple ou celui de sa discipline).

situé : c’est-à-dire contextualisé dans un environnement particulier composé de situations de travail, de relations avec des collègues ou d’autres acteurs de la vie scolaire, d’une école ayant son histoire et son fonctionnement propre.

L’aspect situé du développement professionnel se matérialise dans des lieux et des moments d’échange dans et en dehors de l’école (de la réunion de parents à la réunion syndicale en passant par le conseil de classe et le domicile). Cet aspect est aussi dans une certaine mesure implicite : la communauté professionnelle des enseignants crée des « standards » de pensée et de comportements (langages, fonctionnement en classe, attitudes...) qui sont partagées par les enseignants (Cinnamond et Zimpher, 1990).

partiellement planifiable : le développement professionnel est relativement imprévisible car l’enseignant travaille dans un milieu où il est sollicité de toute part. Il peut autant apprendre en observant ses élèves qu’en participant à une formation continue ou en discutant avec un collègue…

dynamique et continu : le développement professionnel se produit continuellement sous la forme d’une spirale. Les apprentissages réalisés sont réinvestis dans les situations professionnelles quotidiennes et enrichissent les stratégies pédagogiques de l’enseignant.

soutenu par une éthique professionnelle : le développement professionnel d’un enseignant a pour finalité l’apprentissage des élèves.

à responsabilité partagée : l’enseignant est responsable de son développement professionnel mais celui-ci se réalisera d’autant mieux qu’il se situe dans un environnement favorable. L’Ecole est une organisation qui doit favoriser la réflexion et l’innovation, donc soutenir le développement professionnel de ses enseignants.

Au travers de ces caractéristiques, Donnay et Charlier se positionnent très clairement en faveur d’un projet bien précis de formation des enseignants qui constitue aussi un projet politique, avec une éthique professionnelle et l’apport du concept de « responsabilité partagée » de l’Ecole dans le développement professionnel des enseignants.

Donnay et Charlier (à paraître) décrivent ensuite quatre dimensions du développement professionnel :

les pratiques (d’enseignement) sont souvent le point de départ et d’arrivée du développement professionnel qui agit pour les améliorer.

le développement professionnel a tendance à s’ancrer, voire parfois à se confondre, avec le développement personnel.

le développement professionnel se nourrit des interactions avec l’altérité : confrontation, débat, échanges, partage…

le développement professionnel est lié à la construction et à la clarification de l’identité professionnelle.

Parmi toutes ces caractéristiques et dimensions, on voit assez bien la valeur du travail collaboratif et de la participation à une communauté de travail pour le développement professionnel des enseignants. Ceci rejoint une partie de la définition du développement professionnel des enseignants proposée par Day (1999, p. 4) : « C’est le processus par lequel, seul ou avec d’autres, les enseignants reconsidèrent, renouvellent et accroissent leur engagement en tant qu’agents de changement […]. ». Cet extrait de la définition de Day, dans le cadre qui m’occupe, devrait être néanmoins davantage opérationnalisée : que signifie concrètement « reconsidérer » ou « renouveler » sa pratique ? Quelles situations précises d’apprentissage l’expression « seul ou avec d’autres » peut-elle exactement recouvrir ? L’analyse de la liste INSTIT et des interviews des enseignants qui y participent pourrait aider à répondre à ces questions.

Day propose en outre un modèle reprenant les facteurs favorisant un développement professionnel de qualité (p. 4) :

Fig. 1 – Facteurs contribuant à la qualité du développement professionnel (Day, 1999, p. 4)

Sans entrer dans les détails, les facteurs cités par Day qui conduisent à un développement professionnel de qualité tout au long de la carrière de l’enseignant ont été étudiés par de nombreux chercheurs. Par exemple, Huberman (1993) a proposé un modèle des phases dans la carrière des enseignants ; l’importance de l’histoire personnelle d’apprentissage dans le développement professionnel a été observée par Day (1993) ; la culture de développement professionnel au sein des écoles a été étudiée entre autres par Calderwood (2000) ; les attitudes et les représentations des enseignants à propos de leurs propres apprentissages en

Soutien de la direction, des

collègues, d’autres associations Histoire de vie

Qualité des activités de développement professionnel

Influences extérieures : gouvernement,

associations, médias Attitudes vis-à-vis de

l’apprentissage, valeurs, préférences, pratiques

d’enseignement Culture de

développement professionnel

de l’école

Phase de carrière Expérience personnelle de

développement professionnel

Efficacité de l’apprentissage professionnel

formation continue ont par ailleurs été mises en évidence par Charlier (1998). En ce qui concerne plus particulièrement l’objet de cette recherche, celui des communautés virtuelles d’enseignants en tant que lieu de développement professionnel, il se situerait dans le modèle de Day à l’intérieur du facteur

« Soutien des collègues, d’autres associations ».