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Section de l’environnement

2. Une crise qui devrait fournir des enseignements

2.1. Des liens à établir ou à renforcer clairement

La présente crise sanitaire illustre les liens entre climat, biodiversité, santé humaine et animale. Leur compréhension doit être renforcée dans une approche systémique, à l’image des initiatives pluridisciplinaires One Health ou Eco Health85, qui sont en train de se décliner en France86, et visent à appréhender les interactions pour mieux se prémunir des risques, notamment les pandémies. Ces approches de la santé environnementale permettent « de repenser nos relations avec la nature, qui ne peut plus être vue uniquement comme une ressource87 ».

La santé humaine est en relation directe avec la qualité de l’environnement, et l’étude de leurs interactions est une mission de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Réduire la pollution des milieux de vie (air extérieur et intérieur, eau, sols) est un levier important de la prévention des risques sanitaires, notamment car « les évolutions des habitudes et conditions de vie et de travail, les pollutions de l’environnement, jouent un rôle majeur dans l’apparition, le développement et

83 Économistes Atterrés : Le coronavirus précipite la crise, il ne la cause pas Frédéric Boccara, Alain Tournebise, mars 2020.

84 Perte de PIB annuel de -5% durant les huit semaines de confinement (OFCE, 20/04/20), perte d’activité de -35% par rapport à la normale (INSEE, 23/04/20) ; demandes d’activité partielle pour 11,3 millions de salariés (DARES, 28/04/20).

85 One Health est une initiative de la FAO, l’OMS et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) pour une approche intégrée, systémique et unifiée des enjeux de santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationales et planétaire. EcoHealth étudie comment les changements dans les écosystèmes de la terre affectent la santé humaine.

86 Notamment accord de coopération ANSES/INSERM de février 2020.

87 France Stratégie : https://www.strategie.gouv.fr/actualites/appel-contribution-covid-19-un-apres-soutenable

l’aggravation des maladies chroniques88 ». Ainsi apparaît-il que l’environnement d’aujourd’hui est la santé de demain.

• C’est pourquoi l’approche systémique des défis environnementaux doit être placée au plus haut niveau dans les stratégies post-crise, comme le recommande la FRB, « non pas pour entrer en compétition avec le règlement des urgences sanitaires et sociales, mais pour assurer la pertinence et la pérennité de leur traitement à court, moyen et long termes ».

2.2. Des vulnérabilités et la recherche de plus grandes résiliences

Une meilleure compréhension des différents niveaux de vulnérabilité89 (États, territoires, secteurs, individus, etc.) permettrait de les prendre en compte, sans opposer enjeux économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires. Bien au contraire, l’identification des vulnérabilités environnementales (différences d’expositions, différences de capacités d’adaptation et de réactions) permettra de repérer et de traiter « les inégalités sous-jacentes, et de renforcer la résilience de l’ensemble de la population et ses capacités d’adaptation90 ».

Symétriquement, « il conviendra d’anticiper les conséquences économiques et sociales des politiques environnementales91 ».

Ces vulnérabilités s’apprécient au degré d’exposition à des risques environnementaux et à la capacité de réponse à ces risques des États, des territoires, des secteurs d’activité et des individus. Or, dans tous les cas, les vulnérabilités aux risques environnementaux et leurs impacts sur la santé varient en fonction des inégalités territoriales et sociales, elles-mêmes presque toujours corrélées. C’est pourquoi le CESE soutient une évolution des politiques publiques fondée sur l’identification et la prise en compte de la justice climatique92 et de la vulnérabilité sociale. Il recommande que les politiques de lutte contre le changement climatique et d’adaptation et les politiques de réduction des inégalités soient articulées et évaluées au regard de leurs bénéfices pour les personnes les 20 % les plus pauvres.

• Enfin, il apparait nécessaire d’avoir une approche spécifique pour les Outre-mer qui cumulent, pour certains des territoires, une plus grande exposition aux risques environnementaux liés à l’activité humaine, aux risques épidémiologiques mais aussi climatiques93 alors que leurs structures de santé sont insuffisantes94.

88 Avis du CESE Les maladies chroniques, rapporté pour la section des affaires sociales et de la santé par Michel Chassang et Anne Gautier, juin 2019.

89 Avis du CESE La justice climatique : enjeux et perspectives pour la France, présenté pour la section de l’environnement par Jean Jouzel, rapporteur et Agnès Michelot, co-rapporteure, septembre 2016.

90 Rapport HCC Climat, Santé : Mieux Prévenir, Mieux Guérir, avril 2020.

91 Avis du CESE Inégalités environnementales et sociales, rapporté pour la section de l’environnement par Pierrette Crosemarie, février 2015.

92 Avis du CESE La justice climatique : enjeux et perspectives pour la France, présenté pour la section de l’environnement par Jean Jouzel, rapporteur et Agnès Michelot, co-rapporteure, septembre 2016.

93 Mercure en Guyane, chlordécone aux Antilles... ; paludisme, dengue, chikungunya… ; cyclones, séismes et développement économique important sur les littoraux.

94 En 2017, la Guyane et la Réunion disposent respectivement de 5 et 8 lits d’hospitalisation pour 10 000 habitants contre 16 en France métropolitaine - source DREES, soins de suite et de réadaptation.

Sur ces territoires, souvent déjà fragilisés par un contexte social difficile et une forte dépendance aux importations, notamment dans le domaine de l’alimentation95, il sera indispensable de continuer à faire progresser l’adaptation aux risques tant en termes de structures que de moyens humains.

2.3. Des besoins de financements

Pour avancer sur une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif de

« neutralité carbone » en 2050, fixé par le gouvernement en application de l’Accord de Paris, le CESE rappelle qu’il est indispensable de renforcer les financements de la politique climatique96. Cela signifie que, hors plan de relance, il convient d’investir selon I4CE entre 15 et 18 milliards d’euros supplémentaires chaque année d’ici à 2023 pour atteindre près de 50 milliards d’euros par an (puis 70 milliards par an à l’horizon du troisième budget carbone (2024-2029), soit un doublement par rapport à leur niveau actuel)97. De plus, le coût de l’inaction sera très probablement très supérieur au coût de l’action, même si son chiffrage demeure très complexe au niveau mondial ou national, comme souligné par le GIEC98.

• L’importance de limiter les pressions anthropiques sur la biodiversité et les espaces naturels a été rappelée (Partie I) et la France a pris des engagements internationaux et nationaux. Or, la préservation de la biodiversité et la protection des espaces naturels ne représentent en France que 8 % des crédits budgétaires affectés au financement de la transition écologique.

Ceux consacrés à la seule biodiversité (hors financement de l’eau) s’élèvent à 790 millions d’euros99, bien peu pour concrétiser les engagements français au titre de la convention sur la diversité biologique. Pourtant le financement de ces enjeux est stratégique. Ainsi « la valeur des bienfaits procurés par les services écosystémiques se situe entre 125 000 et 140 000 milliards de dollars par an, soit plus d’1,5 fois le montant du PIB mondial »100 et le coût annuel de la dégradation

95 Selon l’observatoire de l’économie agricole dans les outre-mer, en 2018, le montant des importations de produits agricoles et agroalimentaires s’est élevé à ~ 2 milliards d’euros, et les exportations à ~360 millions d’euros.

96 Accord de Paris et neutralité carbone en 2050 : comment respecter les engagements de la France ? Analyse de la réponse du gouvernement au premier rapport rendu par le Haut conseil pour le climat, résolution présentée par le Bureau sur proposition de la section de l’environnement, Résolution présentée par le Bureau sur proposition de la Section de l’environnement, rapporteurs : Michel Badré et Jean Jouzel, mars 2020. Avis du CESE Climat – énergie : la France doit se donner les moyens - Avis sur les projets de Stratégie nationale bas-carbone et de Programmation pluriannuelle de l’énergie, présenté par Guillaume Duval, rapporteur et Madeleine Charru, co- rapporteure, au nom de la section de l’environnement, avril 2019. Avis du CESE Comment accélérer la transition énergétique ? - Avis sur la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, présenté au nom de la section de l’environnement par Guillaume Duval, rapporteur et Madeleine Charru, co-rapporteure, février 2018.

97 Institut de l’économie pour le climat (I4CE), Panorama des financements climat, Edition 2019.

98 Rapport du GIEC 2019, page 12 du résumé à l’intention des décideurs.

99 Annexe au projet de loi de finances pour 2020 ; Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l’environnement et du climat.

100 Financer la biodiversité, agir pour l’économie et les entreprises, OCDE, mai 2019.

des terres pour la biodiversité et les services écosystémiques est estimé à 10 % du PIB mondial101 (soit 8 474 milliards de dollars, base 2018).

2.4. Des besoins de relations nouvelles entre les acteurs

Répondre efficacement aux crises nécessite de refonder les rôles des acteurs nationaux et territoriaux afin de lutter contre les rigidités et les cloisonnements et d’améliorer l’efficience d’ensemble des dispositifs. Cet objectif doit se traduire concrètement dans une articulation des plans et programmes concernés aux différents échelons.

• Ainsi, dans les politiques de décentralisation, il conviendra d’assurer la cohérence des documents de planification régionale avec les programmations nationales (SNBC, SNB, etc.) en les rendant opposables aux SRADDET. Il est en outre nécessaire que les réglementations nationales ne permettent pas à des logiques de compétition entre collectivités locales de compromettre la cohérence des politiques publiques de santé ou d’environnement ni l’égalité de traitement entre territoires. Dans cette perspective, un des points d’appui apportés par l’environnement est la notion de solidarité écologique (des territoires) qui figure désormais dans la loi Biodiversité de 2016102.

• Avec les investissements massifs que l’État va consentir pour la sortie de crise, il est nécessaire de prévoir des conditionnalités adaptées intégrant les dimensions économique, sociale et environnementale (l’emploi, la préférence locale et durable, le climat, la biodiversité, etc.), contrôlées par une ou des instances permettant à l’ensemble des parties prenantes de jouer leur rôle (usagers, organisations professionnelles et syndicales, associations et ONG, etc.).

• Une fois passée la sidération, la compréhension de la crise a généré un élan de solidarité des citoyens- consommateurs envers les personnes qui ont continué à travailler dans les activités essentielles à la Nation. Elle a également donné lieu à l’expression d’aspirations à des modes de vie différents, sur des fondements alliant éthique et bon sens, avec des consommations plus responsables et plus sobres qui commencent à se dessiner, évolutions dont les producteurs devront tenir compte. Refonder des bases communes fortes semble possible autour de valeurs telles que la protection de l’environnement, la proximité, l’envie de faire soi-même pour un retour vers plus de naturel, la solidarité et l’équité. Mais au-delà des dynamiques individuelles, des changements importants ne pourront s’opérer sans puissants prolongements collectifs103, dont les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) pourraient être notamment porteurs.

101 Dégradation et restauration des terres - principaux messages de l’évaluation IPBES ; FRB, 2019.

102 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

103 L’ObSoCo : audition de Guénaëlle Gault, 8 janvier 2020, par le Groupe de Travail Générations Nouvelles du CESE, et étude Covid-19 – Le jour d’après, 15 avril 2020.

3. Une sortie de crise au service de la transition