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3. LA READAPTATION DES PERSONNES VIVANT AVEC UNE

3.1 Une contribution très importante de l’OIT

30. L’Organisation internationale du Travail (OIT) a joué un rôle de pionnier dans la réadaptation des personnes vivant avec une invalidité. En effet, c’est en 1955 qu’elle a adopté la grande Recommandation OIT N° 99 concernant l’adaptation et la réadaptation professionnelle des invalides. Un instrument qui a été prolongé en 1983 par la Convention OIT N° 159 - ratifiée par 78 Etats dont la Suisse 7 - et la Recommandation OIT N° 168 concernant la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées.

3.1.1 La formulation d’une politique nationale

31. Ces instruments internationaux ont pour rôle d’inspirer et de guider les Etats. La Convention OIT N° 159 demande à ceux-ci de formuler une politique nationale en matière de réadaptation professionnelle et d’emploi des personnes handicapées. Une politique destinée à permettre l’accès à la réinsertion sans discrimination. Une politique qui est fondée sur la participation des personnes handicapées, des travailleurs et des employeurs. Il s’agit de promouvoir les emplois « sur le marché libre du travail » (art. 3 in fine). Le principe d’égalité est fondamental : égalité de chances entre travailleurs handicapés et travailleurs en général, entre travailleuses et travailleurs handicapés ; des

6 BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : La sécurité sociale à l’horizon 2000. La sécurité sociale face à l’évolution économique et sociale des pays industrialisés. Rapport présenté au Directeur général du Bureau international du Travail. BIT. Genève 1984, p. 123. Voir aussi pp.

63-67.

7 Recueil systématique du droit fédéral (RS) 0.822.725.9.

mesures positives pour garantir effectivement l’égalité ne sont pas considérées comme discriminatoires (art.4.). La mise en œuvre de cette politique nationale peut s’effectuer par l’adoption d’une législation, par des accords collectifs, par la fourniture de services d’orientation et de formation professionnelle, de placement et d’emploi (art. 6 et 7).

L’Etat doit également veiller à la formation du personnel s’occupant de réinsertion des personnes handicapées (art.9).

3.1.2 L’orientation et la formation professionnelle

32. La question de l’orientation et de la formation professionnelle des personnes vivant avec une invalidité est traitée aux §§ 3 à 9 de la recommandation OIT N° 99 et au

§ 12 de la Recommandation OIT N° 168. Les Etats sont invités à créer ou à développer des services spécialisés, à mettre sur pied un cadre pour des entretiens avec les intéressés, des essais pratiques, techniques permettant de déterminer leurs capacités.

L’objectif est l’exercice d’une activité économique, dans la profession antérieure si cela est possible.

3.1.3 L’emploi dans l’économie ou protégé

33. Le secteur de l’emploi fait l’objet des §§ 28 à 35 de la Recommandation OIT N°

99 et des §§ 10-11 de la Recommandation OIT N°168. Quelques éléments peuvent être cités ici :

o les mesures à prendre nécessitent une collaboration étroite entre les Etats, les organisations d’employeurs et de travailleurs ;

o les personnes invalides devraient pouvoir accéder aux emplois pour lesquels elles sont qualifiées, auprès d’un employeur de leur choix ;

o « l’accent devrait être mis sur les aptitudes et les capacités de travail des intéressés et non sur leur invalidité »8 . Cette attitude positive sera reprise par les Nations Unies ;

o il ne faut pas pénaliser les employeurs en matière de cotisations d’assurance-accidents du travail et maladies professionnelles9 ;

o il convient d’encourager « les employeurs à transférer vers des emplois convenables dans leurs entreprises les travailleurs dont la capacité de travail s’est modifiée par suite d’une diminution de leur capacité physique »10/11 ;

8 Recommandation OIT N° 99, § 29, lettre c.

9 La survenance du risque est en effet accrue. Si elle a pour effet d’augmenter les cotisations des employeurs, lesquels financent les régimes y relatifs, ceux-ci seraient incités à renoncer à engager les personnes invalides ou à les garder dans l’entreprise.

10 Recommandation OIT N° 99, § 30, lettre d.

o si cela est possible dans un Etat, des mesures sont proposées, telles : l’embauche par les employeurs d’un pourcentage d’invalides ; la mise à disposition d’emplois réservés ; des facilités ou préférences pour les personnes atteintes d’une invalidité grave ;

o l’accès aux emplois dans l’économie est prioritaire mais, lorsqu’il n’est pas convenable pour les intéressés, il faut passer à l’emploi protégé. Et là, les Etats devraient créer, s’il y a lieu avec des organisations privées intéressées, des possibilités de formation et d’emploi protégé (« ateliers protégés »). L’idée est de permettre l’accès à un travail utile et rémunérateur, avec chaque fois que cela est possible, le passage à un emploi « normal ». Et pour ceux qui ne peuvent pas quitter leur domicile, il conviendrait de leur assurer un travail à domicile utile et rémunérateur ;

o à tous ces éléments, contenus dans la Recommandation OIT N° 99, la Recommandation OIT N° 168 propose d’ajouter d’autres mesures, synthétisées ci-après ;

o des incitations financières aux employeurs (pour la formation, l’emploi, l’adaptation du lieu de travail et de l’organisation du travail) ;

o une aide appropriée du gouvernement aux organismes non gouvernementaux qui s’occupent de formation et d’orientation professionnelle, d’emploi protégé, de placement ;

o également une telle aide pour la création par et pour les personnes handicapées de coopératives, d’ateliers de production ;

o la suppression des barrières architecturales ;

o la promotion des moyens de transports appropriés ;

o le contrôle de suivi des mesures prises pour en évaluer le résultat.

3.1.4 L’organisation de la réadaptation

34. L’organisation de la réadaptation professionnelle a également retenu l’attention de l’OIT. A nouveau, ce sont les Recommandations OIT N° 99 et N° 168 qui traitent la question12. Quelques éléments peuvent être mentionnés ici :

11 La date ancienne, 1955, d’adoption de la Recommandation OIT N° 99 peut expliquer la référence à la seule « capacité physique ». La même règle devrait valoir en cas d’atteinte à la santé psychique ou mentale.

12 Recommandation OIT N° 99, §§ 12-19 ; Recommandation OIT N° 168, §§ 31-38.

o il appartient aux autorités d’organiser l’adaptation et la réadaptation professionnelles, en utilisant, dans la mesure du possible, les services existants ; o les Etats peuvent choisir de confier l’organisation à une seule autorité ou, au

contraire, de répartir les tâches mais avec une coordination ;

o une collaboration entre institutions publiques et privées devrait être instituée ; o lorsque des entités privées s’occupent effectivement de l’adaptation et de la

réadaptation professionnelles, l’octroi d’une aide financière devrait être examiné ;

o l’organisation devrait associer les employeurs et les travailleurs, tant pour la formulation des politiques que pour leur application (p.ex sièges dans les conseils et comités des centres de formation et de réadaptation). Les employeurs devraient être encouragés, là où cela est possible et approprié, à créer et gérer leur propres services de réadaptation professionnelle. Les organisations de travailleurs devraient encourager la participation des travailleurs handicapés dans les comités d’entreprises ou organes analogues ; elles devraient agir en faveur de la réadaptation lors des négociations sur les conventions collectives ; elles devraient informer et sensibiliser leurs membres (p.ex. lors de réunions syndicales, par des publications) ;

o l’organisation de la réadaptation devrait associer les personnes handicapées et leurs représentants; afin : de déterminer les besoins ; d’être consultés lors de l’élaboration, de la réalisation et de l’évolution des formations du personnel chargé de la réadaptation ; de siéger dans les conseils et comités des centres de formation et de réadaptation ; de développer des activités communautaires visant non seulement l’emploi, mais aussi l’insertion ou la réinsertion dans la société13 ; de prévoir si nécessaire une aide pour les organisations de et pour les personnes handicapées (pour favoriser leur développement, leur participation, leur formation afin qu’elles puissent défendre leur propre cause) ; de favoriser une image positive des capacités des personnes vivant avec une invalidité14 ; o enfin, une coordination générale de la réadaptation devrait être développée avec

toutes les politiques et les secteurs en contact (social, économique, administration du travail, politique de l’emploi, formation professionnelle, sécurité au travail) et, cela va sans dire, avec les régimes de sécurité sociale.

13 Cette dernière est développée par les Nations Unies.

14 C’est aussi une question développée par l’ONU.

3.1.5 La réadaptation entraîne aussi des devoirs

35. Dans les développements de théorie générale15, nous avons vu que la réadaptation associait des prestations à des devoirs, les personnes protégées devant participer activement à leur réinsertion. Cette dimension est-elle envisagée par l’OIT ? 36. La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale, ratifiée partiellement par la Suisse16, contient un art. 69, lettre g, dont la teneur est la suivante :

« Une prestation à laquelle une personne protégée aurait eu droit en application de l’une quelconque des Parties II à X de la présente convention, peut être suspendue, dans une mesure qui peut être prescrite :

(…) g) dans les cas appropriés, lorsque l’intéressé néglige d’utiliser les services médicaux, ou les services de réadaptation qui sont à sa disposition ou n’observe pas les règles prescrites pour la vérification de l’existence de l’éventualité ou pour la conduite des bénéficiaires de prestations ».

37. La Convention OIT N°128 concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants, ratifiée par la Suisse17, contient à son art. 32 lettre f, une disposition analogue, avec l’adjonction de « sans raison valable » après « l’intéressé néglige ».

38. Dans les deux instruments, le terme « prescrit » signifie déterminé par ou en vertu de la législation nationale. Il appartient donc aux Etats de définir la suspension de la prestation (importance, durée).

39. Ainsi, les Conventions OIT N° 102 et 128 contiennent une règle, à concrétiser par les Etats, relative au devoir des intéressés de participer activement à leur réadaptation. Mais l’on ne peut pas dire que l’OIT insiste sur ce devoir, la norme étant très générale (c’est plutôt une autorisation). Et les instruments spécifiques à la réadaptation - la Recommandation OIT N° 99, la Convention OIT N° 159 et sa Recommandation OIT N° 16818- n’abordent pas la question.

40. L’Organisation internationale du Travail œuvre ainsi, depuis plus de cinquante ans, en faveur de la réadaptation professionnelle des personnes vivant avec une invalidité. Alors que la position traditionnelle des législateurs nationaux était axée sur la garantie d’un revenu social de remplacement (pensions ou rentes), l’OIT - tout en gardant bien sûr cette fonction primordiale de garantie de revenu19 - a incité lesdits législateurs à la compléter par la réadaptation.

15 Voir ci-dessus les Nos 20 sv.

16 RS 0.831.102. – La ratification porte sur cinq branches (sur neuf), dont l’invalidité.

17 RS 0.831.105.

18 Voir ci-dessus le N° 30.

19 Cette fonction n’est pas abordée, elle sort du cadre de cette étude.

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