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CHAPITRE II LA MÉTHODOLOGIE

3. Une analyse documentaire

Les mots sont des données essentielles dans l’analyse de certains objets d’études ou pour atteindre certains objectifs. Le Français Albert Jacquart, chercheur, essayiste et humaniste, constate l’importance des mots dans la recherche, ainsi que la vaste sélection de mots et d’expressions que peuvent analyser les chercheurs: « Il est étrange de constater combien les scientifiques prennent peu de soin de cet outil essentiel de leur atelier : le mot » (1986).

Lorsqu’on parle de l’utilisation de documents, le terme « document » renvoie à « toute source de renseignements déjà existante à laquelle le chercheur peut avoir accès » (Landry, 1992, p.337). Ainsi, selon cet auteur, cette conception du document ne couvre pas uniquement ce qui est écrit, mais comprend également toute forme d’information qui existe indépendamment du chercheur, comme par exemple des appuis sonores et visuels (disques, dessins, etc). Selon André Cellard (1997), les documents peuvent être découpés selon deux grandes familles : les documents archivés et ceux qui ne le sont pas. Le terme archivé réfère à toute documentation qui se retrouve dans un dépôt d’archives quelconque et qui peut être l’objet d’un traitement ayant trait à la conservation (Cellard, 1997). Puis dans ces deux familles, nous avons les documents relevant du domaine public et ceux relevant du domaine privé. Parmi les archives publiques, nous avons les archives gouvernementales, les archives d’état civil, etc. Parmi les documents publics non archivés, nous avons les revues, les périodiques et tous autres documents distribués (publicité, circulaire, etc.). Pour ce qui est des documents privés, les archivés difficile à accéder, s’agit par exemple de documents de syndicats, d’Églises, d’institutions ou d’organisations politiques. Finalement, les documents privés non archivés font référence aux

documents personnels, tels les journaux intimes, les papiers de familles et les autobiographies (Cellard, 1997).

Ces documents proviennent principalement de quatre sources de diffusion. Premièrement, il y a les documents émis par des organisations officielles, tels les documents gouvernementaux, d’entreprises, de partis politiques ou de syndicats. Deuxièmement, il y a les documents administratifs, qui comprennent des données individualisées, généralement sous forme de dossiers concernant la consommation de services publics, notamment relatifs à la santé ou à l’éducation. Troisièmement, il y a les documents de presse comprenant les journaux, périodiques et les publications scientifiques. Quatrièmement, nous avons les documents personnels de provenance individuelle (Landry, 1992). L’analyse de contenu documentaire n’est pas uniquement descriptive, mais également inférentielle. Ainsi, le but ultime de cette méthode de traitement de données est de produire des inférences valides (Landry, 1992). Pour ce faire, cette technique doit s’effectuer à partir de l’utilisation de « modèles systématiques de lecture » qui implique le recours à des procédures d’analyse et d’interprétation (Landry, 1992). L’analyse de documents s’intéresse à la signification du contenu des documents étudiés. Ce type d’analyse tente de réduire les nombreux mots d’un texte en quelques catégories analytiques, c’est-à-dire des classes qui caractérisent les informations variées qui s’y trouvent de la même manière à chaque fois (Landry, 1992). Ces informations réduites et placées dans des catégories sont des unités d’analyses. Cette classification peut s’effectuer par rapport à deux types de contenus : le contenu manifeste et le contenu latent. Le premier renvoie à ce qui se trouve explicitement écrit dans le texte, tandis que le deuxième traite du sens caché, symbolique, du matériel documentaire. En plus de ce découpage, l’analyse effectuée peut être quantitative ou qualitative. L’analyse quantitative s’arrête aux catégories analytiques et produit des études de corrélation, de fréquence, etc. L’analyse qualitative du contenu procède à l’interprétation du matériel à l’aide des catégories analytiques en décrivant les nuances qui existent entre les ressemblances et les différences dans les catégories et les participants (Landry, 1992). Les catégories se forment d’unités d’analyses, plus petites unités de significations, produites à l’aide de l’opérationnalisation des objectifs (Landry, 1992). Il peut s’agir par exemple d’unités physiques, d’unités syntaxiques d’unités référentielles ou d’unités thématiques. Ce dernier groupe renvoie à des « noyaux de sens » (Bardin, 1989, p.137) qui permettront de faire des inférences. Selon Bardin (1989), cette unité est utile pour les études d’opinion, de valeurs, de tendances, etc. C’est d’ailleurs l’unité d’analyse la plus utilisée en sciences sociales.

Pour produire des inférences valides, on peut procéder de trois façons (Landry, 1992). D’abord, on peut avoir recours à une grille d’analyse ouverte qui ne définit pas de catégories analytiques au préalable.

Elles sont induites au fur et à mesure qu’on analyse les documents. Il y a également la grille d’analyse fermée où les catégories sont préétablies grâce à une théorie à partir de laquelle on veut tester des hypothèses. Enfin, on peut partir d’une grille d’analyse mixte dans laquelle une partie des catégories émanent d’une théorie et d’autres émergeront des textes analysés.

Nous avons choisi les débats parlementaires entourant l’adoption du projet de loi C-10 comme matériel à analyser pour comprendre les représentations sociales du crime, du criminel et de la sanction par les participants, notamment les partis politiques, les groupes d’intérêts, les chercheurs et les praticiens. Dans l’adoption d’un projet de loi fédéral, les débats sont accessibles au public sous forme écrite. Les débats sur le projet de loi C-10 s’allongent sur plusieurs journées, ce qui nous donne une quantité suffisante d’informations pour déceler des catégories analytiques valides. De plus, les débats comprennent les points de vues de plusieurs participants de tout genre (politiciens, organismes communautaires, intervenants, etc.), permettant une diversité des interventions. Étant donné qu’il s’agit d’un verbatim des discours oraux ayant eu lieu lors des séances parlementaires, les informations recueillies n’ont subi aucune intervention du chercheur et demeurent fidèles aux discours émis (Cellard, 1997). Aussi, les sujets n’ont aucune possibilité de réagir à l’analyste (Landry, 1992).

Pour nous permettre de comprendre ces représentations, nous avons opté pour une analyse qualitative du contenu manifeste de documents écrits. D’une part, nous nous intéressons à la signification du message, qui se trouve dans les particularités des unités d’analyses plutôt que leur fréquence. D’autre part, nous analysons le contenu manifeste, car nous voulons comprendre ce qui est dit publiquement par certains claims-makers, afin de comprendre les fondements de certaines représentations sociales sous-jacentes à l’adoption du projet de loi C-10. Les débats étant très volumineux, nous avons procédé avec une grille mixte, partant de concepts théoriques sur les représentations sociales du crime, du criminel et de la sanction, mais demeurant souple sur l’ajout de thèmes et de catégories d’analyse au fur et à mesure du traitement des données.

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