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1) Une activité internationale à plusieurs facettes

100. Plan – Dans son rapport annuel de l’année 2001, la Cour de cassation introduit la partie

sur les relations internationales de la juridiction par une phrase marquant toute son

ambition : «Outre la continuation et l’approfondissement des relations avec les

juridictions appliquant un droit voisin du nôtre, l’établissement de liens avec les cours

suprêmes de pays ayant d’autres traditions juridiques, et plus particulièrement avec les

grandes juridictions de Common Law ainsi qu’avec les cours suprêmes européennes est

également prioritaire en raison de l’internationalisation des questions de justice et de leur

solutions »

203

. La Cour de cassation n’apparaît pas comme une juridiction travaillant en

autarcie, elle affiche désormais une certaine ouverture sur le monde entier. On peut

observer que cette activité internationale s’incarne de deux manières. D’abord à travers

l’institution elle-même, de par son appartenance à des réseaux de juridictions (A), ensuite à

travers les magistrats considérés dans leur individualité (B).

203

A. L’appartenance de la Cour de cassation à des réseaux

101. La notion même de réseau – Le terme de réseau possède de nombreux sens

204

. Sans les

reprendre tous, il se dégage de ceux-ci toujours les mêmes idées

205

. Ainsi, on retrouve celle

de plusieurs voies, lignes, qui s’entremêlent sans vraiment avoir de logique particulière.

Ainsi un réseau peut se former sans suivre de règle précise. Une vaste toile qu’il serait

possible de schématiser, sans pour autant y trouver de constante. D’un point de vue

juridique, c’est longtemps le symbole de la pyramide qui a prévalu et qui laisse place

désormais à celle du réseau

206

. En effet, avec notamment la théorie de la hiérarchie des

normes et une version simplifiée de celle-ci, c’est l’image de la pyramide qui est demeurée

afin d’expliquer que les normes dites inférieures doivent être conformes aux normes dites

supérieures. D’ailleurs, avec le dialogue des juges, l’image du réseau est tout à fait

compatible car les influences croisées de jurisprudences sont le fait de relations informelles

entre différentes juridictions ou différents magistrats. La Cour de cassation, autour de

laquelle tourne notre étude, appartient à des réseaux. Nous allons revenir sur l’origine de

ces réseaux (1), avant d’en étudier quelques uns dans le détail (2).

204

D’après le dictionnaire Le Robert, le réseau peut être « un tissu à mailles très larges », « un ensemble de lignes, de bandes etc, entrecroisées plus ou moins régulièrement », ou bien encore « une répartition des éléments d’une organisation en différents points ».

205

Le dictionnaire Le Littré donne onze définitions du terme. 206

Voir l’ouvrage de François OST et de Michel van de KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des facultés universitaires de Saint-Louis, 2002. Les auteurs affirment qu’il faut abandonner l’image de la pyramide et opter pour celle du réseau, car les systèmes juridiques ne sont pas hiérarchisés. Le réseau deviendrait le nouveau paradigme.

1)L’origine des réseaux de juridictions

102. La concrétisation d’une idée d’universalité – Le développement d’une activité

internationale est un facteur indéniable de rationalisation du dialogue entre les juges. Cette

activité mondiale prend notamment la forme de réseaux auxquels appartient la Cour de

cassation, et il est intéressant de savoir comment celle-ci est apparue. Il semble que

l’apparition de réseaux de juridictions soit la concrétisation d’une certaine idée

d’universalité. En effet, à l’heure où la Haute juridiction française s’ouvre au monde, le

phénomène de globalisation a déjà fait son œuvre. Le fait que des juridictions d’origines

diverses veuillent nouer des liens au sein de réseaux ou de groupements illustre la volonté

de mettre en commun leur travail et ouvrent celles-ci à la comparaison. Ce phénomène de

mondialisation a atteint la sphère juridique et a pris forme réelle à travers ces réseaux.

Revenons donc sur les origines idéologique et formelle qui entourent ceux-ci.

103. Une origine idéologique – Il convient ici de revenir sur le contexte qui a permis aux

juridictions de s’ouvrir sur le monde extérieur. L’origine idéologique naît du phénomène

de mondialisation. La mondialisation implique le développement de liens

d’interdépendance entre hommes et femmes, d’activités humaines et de systèmes politiques

à l’échelle du monde. D’après Le Larousse, c’est « le fait de devenir mondial, de se

mondialiser » et en matière économique, c’est l’ « élargissement du champ d’activité des

agents économiques (entreprises, banques, Bourse) du cadre national à la dimension

mondiale ». La globalisation, la multiplication des échanges mondiaux ont amené certains

juristes à s’interroger sur une possible mondialisation du droit

207

. Certains auteurs parlent

même d’internationalisation du dialogue des juges car « la globalisation induit une

207

C’est ce que constate également Philippe WECKEL lors d’une conférence qui a eu lieu le 24 juillet 2003 : « La mondialisation du droit accompagne logiquement la globalisation de la société humaine ». Il est possible d’écouter la conférence sur le site du journal Le Monde au lien suivant : http://www.lemonde.fr/savoirs-et-connaissances/article/2003/06/25/philippe-weckel-la-mondialisation-du-droit_325352_3328.html ; voir encore : Mireille DELMAS-MARTY, Etudes juridiques comparatives et internationalisation du droit, Fayard, 2003 ; Mireille DELMAS-MARTY, Trois défis pour un droit mondial, Le Seuil, 1998 ; Jean-Louis HALPERIN, Profils des mondialisations du droit, Dalloz-Sirey, 2009.

internationalisation des systèmes et des comportements judiciaires nationaux »

208

. De

manière générale, la mondialisation du droit se rapporte à l’idée d’un droit mondial,

universel. Ainsi, Mireille DELMAS-MARTY considère que « la mondialisation du droit

est déjà engagée alors que le droit mondial n’existe pas encore »

209

. Elle relève également

une contradiction possible entre un droit de la mondialisation à vocation économique et un

droit universaliste, servant de fondement aux droits de l’homme. Le concept de

mondialisation du droit est difficile à cerner, mais on peut comprendre aisément que le

contexte de globalisation des échanges tient une large part dans l’ouverture des juridictions

sur le monde. Le mouvement de mondialisation offre un contexte favorable à une

ouverture toujours plus grande sur le monde entier, permettant aussi de revenir sur l’idée

d’un droit commun ou universel, idée déjà présente dans le passé. En effet, certains

comparatistes par exemple avaient déjà avancé l’idée d’un droit commun universel

210

. Plus

tard, certaines conventions internationales afficheront clairement des ambitions à caractère

universel, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, ou bien encore la

Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

211

. La

volonté de plusieurs Etats de respecter un même texte pousse ceux-ci vers plus

d’ouverture, sans pour autant avoir pour finalité la création d’un droit mondial.

Ainsi dans ce contexte plus que favorable à l’ouverture, des réseaux entre des juridictions