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Chapitre 3 : Les outils politiques et institutionnels au service des intérêts de l’UE

2. Une évolution relationnelle marquée par des accords

L’intégration de l’UE est plus avancée au niveau économique qu’en matière de politique étrangère car elle constitue le socle initial du projet européen. C’est aussi pour cela que la relation économique avec la Chine apparaît stable depuis son commencement.

D’une relation secondaire à un partenariat stratégique insistant sur la coopération

La Communauté économique européenne (CEE) normalise ses relations avec la RPC le 6 mai 1975 et un premier accord vient organiser la relation au niveau économique, le Traité commercial de 1978. Cet accord est signé dans un climat particulier. En effet, la CEE propose ce projet dès 1974 à la Chine, alors que les accords commerciaux bilatéraux entre les États membres de la CEE et la RPC arrivent à échéance. Les deux parties présentent alors des motivations différentes :

« Le but de la CEE est alors d’élargir son marché extérieur et, en même temps, de protéger ses industries. Les accords avec des pays tiers sont plus avantageux que ceux négociés individuellement par les États membres qui ne sont pas en mesure de faire face à la concurrence internationale. Cependant, la Chine ne se contente pas de signer un accord purement économique. Dans le même temps, elle renforce des partenariats pour lutter contre l’« hégémonisme » (soviétique) » (Chang 2011, p. 71).

Point important : ce premier traité contient « une clause de la nation la plus favorisée en ce qui concerne les barrières tarifaires »45. Sept ans plus tard, en 1985, il est remplacé par un Accord

44 Cf. Partie 3, Chapitre 2, 1.

45 Toute l’Europe, « Chine - Union européenne : quelles relations commerciales ? », Toute l’Europe.eu [En ligne]. Publié le 5 décembre 2016 [Consulté le 22 mars 2019]. Disponible sur :

de coopération commerciale et économique. Puis, en 1998 un Partenariat global « étend le partenariat en matière d'affaires étrangères, de sécurité, des enjeux mondiaux (changements climatiques, gouvernance de l'économie mondiale) »46. Il s’agit avant tout d’un « document

d’intention proclamant l’ambition de l’UE d’élever ses relations avec la Chine au même niveau que celles avec les États-Unis, la Russie et le Japon »47.

L’année 2003 marque un tournant majeur, alors que les accords précédents étaient avant tout basés sur des considérations économiques, le Partenariat stratégique global inclut une dimension stratégique et donc politique. Il va faire la synthèse de tout ce qui a été entrepris depuis 1998. Ses objectifs sont résumés dans l'intitulé d'une communication de 2006, à savoir : « « UE-Chine: rapprochement des partenaires, accroissement des responsabilités ». Ce parallélisme inspire toujours l'orientation fondamentale des relations UE-Chine, qui est celle d'un partenariat de plus en plus fort et de plus en plus global, sur le plan bilatéral, sur les questions internationales et sur les grands dossiers planétaires »48. Cette déclaration

s’accompagne notamment de la signature d’un accord permettant à la Chine de participer au programme du système de navigation satellite européen, Galileo49. Plusieurs autres régissent la

coopération bilatérale des deux acteurs dans des domaines particuliers. C’est le cas d’un « partenariat sur les changements climatiques, axé sur les technologies énergétiques propres »50,

ou encore d’« un plan de coopération UE Chine sur l'agriculture et le développement rural »51.

De surcroît depuis 2012, un dialogue sur la politique de défense et de sécurité a été instauré. Ainsi, « des consultations régulières ont été établies, au niveau des experts, sur la non- prolifération et les exportations d'armes conventionnelles »52. De manière concrète, cela se

traduit par une coopération pour lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie. Les modalités de la relation sont prévues jusqu’en 2020 par l’ Agenda stratégique de coopération Chine-UE 2020 validé en 2013.

https://www.touteleurope.eu/actualite/chine-union-europeenne-quelles-relations-commerciales.html. 46 G. Du Bois, « Une brève histoire de la Chine en Europe », Op. Cit.

47 Benoît Aufrère, « Les relations entre la Chine et l’Union européenne : vers un rapprochement géopolitique ? »,

Mémoire de géopolitique, publié en septembre 2006.

Disponible sur : https://www.diploweb.com/forum/uechine06095.htm.

48 Commission européenne, Mémo « Les relations de l'UE avec la Chine », Bruxelles, 19 septembre 2012, p. 2. 49 Cf. Partie 1, Chapitre 2, 2.

50 Mis en place en 2005. 51 Mis en place en 2012.

Étude de cas n°1

L’Agenda stratégique de coopération Chine-UE 2020

Lors du 16e sommet Chine-UE en 2013, l’Agenda stratégique de coopération Chine-UE

2020 a été rendu public. Il s’agit d’un « document global exposant l'objectif commun de la Chine

et de l'UE de promouvoir la coopération dans les domaines de la paix et de la sécurité, de la prospérité, du développement durable et des échanges entre les peuples, ainsi que de renforcer le partenariat stratégique global entre la Chine et l'UE au cours des prochaines années »53. Cet

agenda permet donc de renouveler les ambitions formulées dans le partenariat précédent ainsi que de doter la relation de nouveaux objectifs. Des initiatives sont présentées dans les quatre domaines cités précédemment.

- Concernant la paix et la sécurité, le document reconnaît l’interdépendance grandissante des pays, l’importance que prennent la société de l’information ou la diversité culturelle, tout en précisant que « le monde est loin d’être en paix »54. Le document propose 13 initiatives de

coopération dans ce domaine, par exemple « développer des activités conjointes pour promouvoir la sûreté et la sécurité maritimes, partager une expertise en matière de droit international pertinent et développer des échanges sur l’Arctique, y compris des projets de recherche communs »55.

- Concernant la prospérité, le document est divisé en quatre parties, sur le commerce et l’investissement, l’industrie et l’information, l’agriculture et le transport et les infrastructures. Il reprend l’engagement sino-européen de « construire une économie mondiale où tous les pays

profitent du développement et de l'innovation, d'une croissance interconnectée, de la convergence d'intérêts et de la préservation et du développement d'une économie mondiale ouverte »56. Elle rappelle notamment la proposition de la conclusion d’un accord sino-européen

sur les investissements.

- Concernant le développement durable, l’agenda ne compte pas moins de 10 sous-parties rassemblant des initiatives sur le progrès social, la gestion des océans ou encore l’urbanisation. Ce thème est devenu de plus en plus important dans les accords de coopération entre l’UE et la Chine. Le document précise : « Les deux parties s'accordent sur le fait que l'innovation joue un 53 SEAE, Communiqué de presse « L'Agenda stratégique de coopération Chine - UE 2020 a été rendu public lors

du 16e sommet Chine-UE », Bruxelles, 28 novembre 2013, p. 2.

54 UE et RPC, EU-China 2020 Strategic Agenda for Cooperation, novembre 2013, p. 3. 55 Ibid., p. 4.

56 Ibid., p. 5.

rôle important dans la réalisation du développement durable et qu'une protection efficace des droits de propriété intellectuelle est essentielle pour soutenir le développement et le déploiement efficaces de solutions innovantes et d’industries émergentes »57. En matière d’urbanisation par

exemple, une des initiatives comprend la construction de « villes expérimentales » ou encore la promotion de la coopération entre villes.

- Concernant les échanges entre les peuples, le texte souligne leur importance en tant que « vecteur de paix, et facteur de développement économique »58, tout en rappelant que l’UE et la

Chine pèsent ensemble pour un quart de la population mondiale59. Le document mentionne

plusieurs secteurs d’action : la culture, l’éducation et la jeunesse et la facilitation des échanges entre peuples. Cela inclut les questions de politique migratoire et de mobilité des personnes. Une des initiatives envisagées est l’approfondissement du travail mené sur les échanges étudiants.

La plupart des initiatives impliquent surtout d’approfondir les dialogues et les projets de coopération existant déjà.

Le 6 avril 2016 a eu lieu à Pékin sous la co-présidence du Ministre assistant des Affaires étrangères, Liu Haixing, et du Directeur général Asie et Pacifique au Service européen pour l'action extérieure (SEAE), Gunner Wiegand, la première réunion d’évaluation de cet agenda. Les deux parties « ont pleinement apprécié sa mise en œuvre, en estimant que cet Agenda, dont

l'application est efficace et fructueuse, joue un rôle important en faveur de la mise en synergie des stratégies de développement de la Chine et de l'UE, ainsi que de leur coopération sur tous les plans »60. Ce document ambitieux est aujourd'hui la base principale de la relation sino-

européenne.

La multiplication des outils du dialogue : une nécessité pour le bien-être de la coopération économique

Les outils classiques de la diplomatie sont utilisés pour alimenter la relation entre les deux acteurs. Ainsi, « la première délégation de la CEE s'est installée à Pékin en 1988, et le premier sommet UE-Chine a eu lieu à Londres dix ans plus tard »61. De plus, il existe par

exemple un dialogue politique, « formalisé en 1994 et renforcé par un échange de lettres en juin

57 Ibid., p. 9. 58 Ibid., p. 15.

59 La Chine comprenant 1,386 milliards d’habitants et l’UE 511 millions en 2017 selon les données de la Banque mondiale.

60 Ministère des Affaires Étrangères de la République populaire de Chine, « La Chine et l'UE tiennent la première réunion d'évaluation de l'Agenda stratégique de coopération Chine-UE 2020 » Site internet du Ministère des

Affaires Étrangères de la RPC [En ligne]. Publié le 7 avril 2016 [Consulté le 25 mars 2019]. Disponible sur :

https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/t1354920.shtml.

2002, [qui a ensuite] évolué en une série régulière de réunions à plusieurs niveaux »62. A partir

de 1998, des sommets politiques ont lieu régulièrement, puis tous les ans à partir du début des années 2000. Ces sommets permettent de préciser les orientations stratégiques, de dégager des objectifs communs et d’envisager des actions de coopération concrètes. Ils alimentent en pratique ce que les textes instituent. Le Partenariat global, en plus de reconnaître la Chine comme un partenaire important pour l’UE, « a permis la mise en place de plus de cinquante dialogues thématiques bilatéraux organisés autour de 3 piliers : le dialogue de haut niveau sur l’économie et le commerce ; le dialogue stratégique et, plus récemment, le dialogue de haut niveau entre les peuples »63. Ces dialogues ont parfois une importance symbolique majeure et

permettent de maintenir la relation économique même lorsque les relations politiques sont perturbées. C’est le cas, par exemple, avec la création en 1995 d’un dialogue sur les droits de l’homme, une des conditions imposées par l’UE pour négocier la levée de l’embargo sur les armes contre la Chine mis en place depuis les événements de Tiananmen de 198964.

En plus des déclarations conjointes qui sont publiées à la suite de la plupart de ces rendez-vous, la communication s’effectue également à travers des documents publiés par les deux acteurs exposant leur propre stratégie et attentes concernant l’autre. A titre d’exemple : le dernier en date pour l’Europe s’intitule « Éléments pour une nouvelle stratégie de l'Union européenne à l'égard de la Chine ». Datant de 2016, il vient compléter les « Conclusions du Conseil sur la stratégie de l'UE à l'égard de la Chine » publiées la même année. Ces deux documents « demeurent la pierre angulaire de la politique de l'UE à l'égard de la Chine »65.

Celle-ci « a pour objectif une coopération plus étroite avec la Chine dans trois domaines principaux : un programme pour la prospérité et la réforme ; la politique étrangère et la sécurité ; et la gouvernance mondiale et le contexte multilatéral » (Saarela 2018, p. 7). Ces documents ont néanmoins été complétés, le 12 mars 2019, par une nouvelle proposition de 10 mesures mettant à jour la stratégie européenne à l’égard de la Chine66. De son côté, la Chine a

publié le 18 décembre 2018 un document intitulé « China's Policy Paper on the European

62 Commission européenne, Communiqué de presse « UE-Chine: la Commission adopte une nouvelle stratégie

pour un partenariat affiné », Bruxelles, 10 septembre 2003, p. 2.

63 Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, « Les relations Union européenne - Chine », Site du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères français [En ligne]. Mis à jour le 25 février 2019 [Consulté le 25 mars 2019]. Disponible sur : https://ue.delegfrance.org/les-relations-union-europeenne. 64 L’embargo est à ce jour (2019) toujours en vigueur.

65 Commission européenne, Communiqué de presse « L'UE fait le point sur ses relations avec la Chine et propose

10 mesures », Bruxelles, 12 mars 2019, p. 2.

66 Cf. Partie 3, Chapitre 2, 2.

Union » (« 中国对欧盟政策文件 », Zhōngguó duì ōuméng zhèngcè wénjiàn)67, quatre ans après

sa précédente communication.

Depuis 1975, la relation entre la Chine et l’UE n’a pas été linéaire. Impactée par les événements de Tiananmen en 1989, soumise à des tensions liées à la création d’un marché unique européen68 et à celles consécutives aux crises économiques de 1997 et 2008, cette

relation a vu les rôles s’inverser et semble désormais pencher en faveur de la RPC.