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L’UE fait face à la fois à des problèmes économiques et politiques qui la fragilisent en interne mais aussi dans sa position face à la Chine (1). L’organisation régionale est aussi affaiblie par des problèmes structurels difficiles à régler et qui semblent parfois mettre en danger son existence même (2).

1. L’UE face à des problèmes économiques, politiques et sociétaux

L’UE affaiblie économiquement et politiquement

L’Europe a été frappée de plein fouet par la crise économique à la fin des années 2000. Des politiques d’austérité ont été mises en place pour redresser la situation mais les économies des pays membres ont soufferts. C’est d’ailleurs dans ce climat particulier que la compétition pour l’acquisition d’investissements chinois s’est intensifiée, accentuant les divisions et ne favorisant pas un climat de confiance entre les partenaires européens. Les pays qui ont le plus souffert de la crise, à l’image de la Grèce, ont sans doute été les plus ouverts aux investisseurs chinois et les moins regardants quant aux ambitions de Pékin.

Plus récemment, l’UE doit gérer des événements qui font passer la relation à la Chine à un plan tout à fait secondaire. Le Brexit, par exemple, a sérieusement affaibli l’organisation. Car si un processus de sortie de l’Union était prévu dès la construction, il n’était pas envisagé qu’un État y face réellement appel. Le terme Brexit est l’abréviation de « British Exit ». Il correspond à la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

« Le 23 juin 2016, lors d'un référendum organisé par l'ancien Premier ministre David Cameron, 51,9 % des Britanniques ont choisi de quitter l’UE. À la suite du déclenchement de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne (TUE) le 29 mars 2017, le Royaume-Uni et les 27 autres pays membres de l'Union européenne se sont donnés deux ans pour préparer la sortie effective du pays. Celle-ci a toutefois été repoussée au 31 octobre 2019 »242.

Les négociations autour des conditions de sortie du Royaume-Uni se sont compliquées, plongeant les deux partis dans une procédure qui se prolonge.

A cette situation s’ajoute pour l’UE la gestion de ce qu’on a appelé « la crise des migrants », sachant qu’il peut y a débat sur l’adoption du terme « migrant » ou du terme « réfugiés ». Le débat est alimenté par le discours des partis politiques populistes et eurosceptiques qui jouent sur le terrain de « l’anti-globalisation, du nationaliste et du protectionniste, adoptant pour certains d’entre eux un agenda de redistribution et de préservation des acquis sociaux contre la « menace » immigrée » (Ivaldi 2014, p. 17).

La montée des populismes et de l’euroscepticisme en Europe

Si le vote qui a conduit au Brexit était avant tout une promesse de campagne de l’ancien Premier ministre David Cameron, le résultat peut être considéré comme la répercussion d’un phénomène plus profond et plus inquiétant : la montée des eurosceptiques. Selon Chloé Thomas, chercheuse au Centre d’étude de la vie politique à Bruxelles, on peut appréhender l’euroscepticisme comme une variante du populisme. C’est avec les élections européennes de 2014 que le phénomène s’est amplifié.

« Au lendemain des élections européennes, les résultats sont en augmentation pour de nombreuses formations eurosceptiques. En France (Front National)243, au Danemark (Parti

populaire danois), en Pologne (Droit et Justice) et en Hongrie (Fidesz), ces formations politiques arrivent même en tête du scrutin. Comme l'explique le spécialiste Jean-Yves Camus, l'euroscepticisme progresse, mais pas nécessairement l'extrême-droite : en 242 Toute l’Europe, « Qu'est-ce que le Brexit ? », Toute l’Europe.eu [En ligne]. Mis à jour en juillet 2019 [Consulté

le 25 juillet 2019]. Disponible sur : https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-brexit.html. 243 Devenu « Rassemblement national » sous l’impulsion de Marine Le Pen le 1er juin 2018.

Roumanie, en Slovaquie, en Belgique ou aux Pays-Bas, les formations d'extrême-droite sont en recul. Elles progressent en revanche en France et en Autriche. Selon le directeur de l'observatoire des radicalités politiques, les partis souverainistes sont les grands vainqueurs de ces élections, notamment en Finlande (Parti des vrais Finlandais), au Danemark (Parti populaire danois), en Allemagne (Alternative pour l'Allemagne) et au Royaume-Uni avec l'Ukip »244.

Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS en science politique met en garde contre une analyse trop hâtive du phénomène et de l’utilisation des termes « populisme » et « euroscepticisme ». Pour lui, le recul des partis traditionnels de gouvernement au niveau européen « agit comme un révélateur des difficultés de l’Union européenne » (Ivaldi 2014, p. 8). Pour lui, la crise européenne est d’abord une crise de confiance, qui pose la question du lien entre les citoyens européens et les élites politico-administratives de l’Union. Selon lui, l’analyse des résultats des scrutins se heurtent à deux difficultés, sans compter la question de l’abstention très forte : d’abord les « possibles effets de prisme qui résultent de l’agrégation de scrutins nationaux, du poids différentiel des divers États membres et du risque de traduire au niveau européen des dynamiques liées, pour partie au moins, à l’état des rapports de forces politiques nationaux » (Ivaldi 2014, pp. 7-8), mais aussi le fait que « le rejet de l’Europe demeure un phénomène très hétérogène, recoupant des réalités partisanes diverses ainsi que de multiples axes de conflits » (Ivaldi 2014, p. 8). La preuve en est que les formations sont traversées par des divergences idéologiques fortes, les élus eurosceptiques ne s’entendent généralement pas entre eux et former un groupe au Parlement s’avère complexe. Ainsi, « les partis qui gravitent aujourd’hui dans la grande constellation eurosceptique ne constituent pas un même enjeu, moins encore une même menace, pour les démocraties nationales ou l’Union européenne » (Ivaldi 2014, p. 11).

Après les élections européennes de 2019, on constate que « les élus souverainistes, eurosceptiques voire europhobes représentent presque 24 % de l'hémicycle »245. Ces derniers

restent très divisés. Le phénomène ne doit pas être minimisé mais il ne doit pas être surestimé. « Ces formations conservent un important pouvoir de nuisance et d’influence. Leur présence au sein du Parlement leur offrira incontestablement une tribune pour continuer leur travail minutieux de délégitimation des institutions, des élites et des politiques de l’Union » (Ivaldi 2014, p. 26). Le discours de ces partis prend racine dans cette crise de confiance, et s’appuie 244 Marie Le Douaran, « CARTE. Les résultats des eurosceptiques aux élections européennes », L’express [En

ligne]. Publié le 25 mai 2014 [Consulté le 26 juin 2019].

Disponible sur : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/carte-les-resultats-des-eurosceptiques-aux- elections-europeennes_1545922.html.

245 Marie Guitton, « A quoi ressemble le nouveau Parlement européen ? », Toute l’Europe.eu [En ligne]. Mis à jour le 2 juillet 2019 [Consulté le 16 juillet 2019]. Disponible sur : https://www.touteleurope.eu/actualite/a-quoi- ressemble-le-nouveau-parlement-europeen.html.

notamment sur le rejet des élites communautaires, sur fond de crise économique et de politiques d’austérité. Le Parlement reste dominé par des forces pro-Europe, même si pour la première fois en plus de 20 ans, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) et l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) ne disposent plus de la majorité à eux deux.

L’une des conséquences du populisme, en dehors de la menace sans doute limitée, mais existante pour l’UE, c’est le risque pour certains pays membres de se replier sur eux-mêmes, dans un nationalisme conservateur.

Ainsi, Olivia Meudec, analyste à l’IRIS, explique que « dans un contexte politico- économique européen tendu où la conservation d'emplois face à une désindustrialisation galopante devient une préoccupation majeure, l'extrême-droite ne cesse d'attirer les voix des populations désœuvrées grâce à un discours économique protectionniste, qui les protégerait des conséquences d'un marché ouvert avec des compétiteurs comme la Chine »246.

On verra cependant que le discours protectionniste n’est pas uniquement mobilisé par l’extrême- droite247.

Il ne faut pas penser que l’UE est la seule à avoir des problèmes à résoudre. De son côté, la Chine fait aussi face à des déboires économiques, avec une baisse de sa croissance par exemple, mais elle a été moins touchée par la crise de 1997-1998 qui a affaibli les économies asiatiques. Par ailleurs, du fait de l’autorité exercée par le Parti unique, elle ne fait pas face aux mêmes problèmes sociétaux. Cet usage de la force et l’existence d’un contrôle social fort n’empêchent pas la Chine d’avoir à gérer ses propres problèmes politiques internes et externes, comme au Xinjiang, au Tibet, et dans sa relation avec Taïwan et plus récemment avec Hong Kong, région administrative disposant d’un statut particulier. A cela s’ajoutent les revendications territoriales en mer de Chine du Sud et une relation plus que tendue avec les États-Unis. Ces différents éléments placent d’ailleurs la Chine dans une position difficile sur la scène internationale car elle est très critiquée.

Si la montée des populismes et du sentiment nationaliste dans certains pays représente un défi pour l’UE, cela ne signifie pas que ces pays sont fermés à la Chine. Certains pays européens sont sous le coup de sanctions de la part de Bruxelles quand d’autres voient leurs subventions diminuer. Certains observateurs relèvent que « couper les vivres aux pays qui ne respectent pas 246 Olivia Meudec, « La Chine, talon d’Achille de l’Union européenne », Asia focus (IRIS), 2017 (n°32), p. 4. 247 Cf. Partie 3, Chapitre 3, 2.

les valeurs européennes va les pousser dans les bras de la Chine »248. Ces obstacles souvent

d’ordre politique ne sont pas sans avoir de lien avec un problème plus structurel qui se pose depuis la construction même de l’UE, à savoir quel type d’organisation multilatérale veut-on construire et jusqu’à quel niveau d’intégration politique veut-on la pousser.

2. Un manque d’unité basé sur des faiblesses institutionnelles au sein même

de l’organisation de l’UE

Une construction européenne limitée dans son volet politique

La construction européenne repose avant tout sur l’économie. Ce projet avait pour but de favoriser une paix durable en Europe en permettant l’établissement de liens économiques forts entre les participants. Aujourd’hui, les avancées politiques constatées impliquent une remise en question sur le projet. Ce qui distingue l’UE des autres organisations multilatérales, c’est « la combinaison du vote à la majorité qualifiée et de décisions à caractère contraignant qui est extrêmement rare. En adhérant à l’Union européenne, les États membres acceptent la possibilité d’être contraints d’exécuter des décisions auxquelles ils se sont opposés »249. Certains

voudraient avancer vers une Europe fédérale, transformant l’Union européenne en entité supranationale, favorisant « l’intégration, l’extension des compétences communautaires, la méthode Monnet-Schuman (ou méthode communautaire), le rôle de la Commission et du Parlement »250. Cependant, il y a beaucoup d’opposants à cette idée. Les partisans d’une Europe

strictement intergouvernementale « voient l’Europe agir sur le mandat et sous le contrôle des États, qui bornent ses compétences et dominent ses institutions, à travers le Conseil de l’Union européenne et le Conseil européen »251. Sans même aller jusqu’au stade de la fédération, certains

détracteurs de l’UE trouvent que les institutions européennes ont déjà trop de pouvoirs, et craignent pour la souveraineté nationale des États membres.

Il est sans doute nécessaire pour l’Europe de s’interroger sur son avenir, et de ce fait sur le devenir de sa propre nature. Cela passe aussi par une question similaire posée à ses États membres.

248 Thorsten Benner et Jan Weidenfeld, « Europe, don’t let China divide and conquer », Politico [En ligne]. Publié le 19 mars 2018 [Consulté le 23 juin 2019]. Disponible sur : https://www.politico.eu/article/europe-china- divide-and-conquer/.

249 La Documentation française, « Quelle est la nature de l’Union européenne ? », La Documentation française [En ligne]. Mis à jour le 17 mars 2017 [Consulté le 24 mai 2019]. Disponible sur : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000564-l-union-europeenne-fait-debat/quelle-est-la-nature- de-l-union-europeenne.

250 Ibid. 251 Ibid.

« L’avenir de l’État-nation, l’avenir du principe de souveraineté nationale, mais aussi le rôle et la compatibilité de ce principe avec l’échelle européenne de réflexion et de décision ne cessent de poser problème. La robustesse du principe de souveraineté affirmé par les États-nations représente peut-être une chance de réussite pour un modèle politique inédit. Et cela alors même que l’Europe est perçue par ses États membres comme une menace de désubstantialisation des États-nations. Mais entre fédéralisme et confédération, [...] l’Europe en quête d’intégration politique n’a pas encore trouvé la formule qui lui permettrait de réaliser cette ambition de puissance et cette unité de sens qui sont inhérentes et légitimes à toute volonté de regroupement supranational. L’une des difficultés majeures de l’idée européenne s’énonce aujourd’hui en termes de définition du modèle fédéral le mieux adapté au projet européen. À la séduction qu’exercent les formules politiques fédérales se joint régulièrement la crainte qu’il ne s’agisse pas d’une solution adaptée aux problèmes et aux besoins de l’Europe contemporaine » (Thiaw-Po-Une 2014, p. 68). Ce débat institutionnel prend beaucoup de place et participe au manque d’unité européenne évoquée de nombreuses fois dans ce travail. Il est assorti d’un autre débat portant sur les institutions de l’UE.

Un déséquilibre démocratique à l’origine de la crise de confiance en Europe

Comme mentionné plus haut dans ce chapitre, l’UE fait face à une crise de confiance. Les citoyens européens ont du mal à se sentir représentés dans les décisions de l’organisation régionale, en grande partie du fait de l’aspect technocrate qui l’entoure. La seule institution directement élue par les Européens est le Parlement. Or, celui-ci dispose d’un pouvoir de décision très limité. Ses résolutions « ne jouissent pas d'un aspect contraignant et seule la Commission européenne dispose du mandat de négociations »252. On constate ainsi l’asymétrie

entre la Commission européenne, organe exécutif de l'UE, et le Parlement européen, son organe législatif représentant la voix des peuples européens, premiers concernés par l'issue des décisions. Ainsi, Gilles Ivaldi explique la montée des populismes en Europe en partie à cause du « discrédit politique nourri par le déficit démocratique chronique dont souffrent les grandes institutions de l’UE » (Ivaldi 2014, p. 8). Selon lui, « le sentiment d’un « disempowerment », d’une perte de contrôle et d’une déconnexion croissante d’avec une bureaucratie européenne coupée de ses citoyens, est dominant » (Ivaldi 2014, p. 8). Le Parlement européen a gagné en compétence mais cela n’a pas changé le taux d’abstention très important des élections européennes, ce qui montre, pour Dieter Grimm, juriste allemand spécialisé sur ces questions, 252 O. Meudec, « La Chine, talon d’Achille de l’Union européenne », Asia focus (IRIS), 2017 (n°32), p. 6.

que « les citoyens ne considèrent pas que les problèmes de l’intégration européenne viendraient du manque de compétences attribuées au Parlement » (Padis 2015, p. 83). Selon lui, on attend que le Parlement européen fonctionne comme les Parlements nationaux quand le système électoral est très différent. Il manque également en Europe « un véritable espace public européen » ((Padis 2015, p. 84). Olivier Beaud, juriste français et spécialisé en droit constitutionnel, explique également que l’UE ne fait pas seulement face à « un problème de déficit démocratique européen mais un déficit libéral, au sens où la démocratie libérale consiste à lier le pouvoir et la responsabilité : celui qui a le pouvoir doit rendre des comptes. Le problème européen, c’est que ceux qui prennent des décisions ne peuvent pas être mis en cause » (Padis 2015, p. 87).

Un autre élément qui s’ajoute et qui alimente la crise de confiance est le rôle des lobbyistes, nombreux et divers253. Ces derniers « concentrent de plus en plus de critiques à

mesure qu’est documentée leur influence dans la fabrique de la loi européenne »254. Si « le

Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil ont accepté de lancer les négociations début 2018 afin de fixer de nouvelles règles communes qui permettront de rendre les activités des représentants d’intérêts au niveau de l’UE plus transparentes »255, celles-ci

n’ont toujours pas abouties. La proposition consiste à rendre obligatoire le registre de renseignement des lobbyistes256.

Ces éléments permettent d’arriver à l’idée qu’il y a également une crise de légitimité dans l’UE. Selon Nathalie Brack, professeur d’études politiques, « la légitimité de l’ordre politique européen est intrinsèquement liée à son caractère démocratique » (Brack 2015, p. 147). Pour Dieter Grimm, « l’Union européenne ne peut pas renoncer à la légitimation par les États membres. Elle ne peut pas trouver sa légitimité seulement par ses propres ressources. Elles sont trop faibles » (Padis 2015, p. 89). Encore une fois, l’UE est sans doute arrivée à la fin d’un cycle de construction et ses acteurs doivent s’interroger sur l’évolution et le rôle à donner à chacun, sous peine de « rester au milieu du gué » (Padis 2015, p. 89). Un enlisement sans action

253 Cf. Annexe n°13 p. 158.

254 Gary Dagorn et Stéphane Horel, « Petit guide de lobbying dans les arènes de l’Union européenne », Le Monde [En ligne]. Publié le 23 mai 2019 [Consulté le 24 juin 2019].

Disponible sur : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/05/23/petit-guide-de-lobbyisme-dans-les- arenes-de-l-union-europeenne_5466056_4355770.html.

255 Affaires européennes, « Registre de transparence : Qui sont les lobbyistes auprès de l'UE ? (Infographie) », Site

du Parlement européen [En ligne]. Publié le 9 janvier 2018 [Consulté le 24 juin 2019]. Disponible sur :

http://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/eu-affairs/20180108STO91215/qui-sont-les-lobbyistes- aupres-de-l-ue-infographie.

256 Le registre de renseignement des lobbyistes a été mis en place en 1995 pour le Parlement, en 2008 pour la Commission et fusionné en 2011. Il est basé sur le volontariat.

risque d’être préjudiciable non seulement à l’UE mais aussi à tous les pays membres et aux citoyens qui les peuplent.

Un manque d’unité préjudiciable à l’UE sur la scène internationale

Les analystes sont sans doute tous d’accord pour dire qu’il y a un manque d’unité politique au sein de l’UE. Pour Dieter Grimm, « la solidarité n’est pas assez développée en Europe. […] Les préjugés nationaux se sont même aggravés ces dernières années entre pays du Nord et ceux du Sud » (Padis 2015, pp. 93-94). Olivier Beaud ajoute qu’« il manque aussi cette unité de politique étrangère pour faire de l’Union une vraie entité politique. Les Européens sont condamnés à l’impuissance s’ils ne surmontent pas leurs divisions » (Padis 2015, p. 94). Cela rend l’UE fragile au niveau international, un niveau pourtant où elle a de réelles ambitions de promotion de ses valeurs et de son modèle d’organisation régionale économique accomplie. Ce constat est valable également dans le rapport qu’elle entretient avec la Chine.

En effet, « si l'Union européenne ne veut pas être évincée au profit des États-Unis, elle doit impérativement et unanimement privilégier une vision plus politique que technocratique de la relation euro-chinoise. Si l'Union européenne n'exprime pas une vision politique commune et cohérente, elle y perdra en crédibilité à l'égard d'un pays, dont les liens avec elle ne pourront égaler ceux qui l'unissent à Washington car, vu de Pékin, ils n'apparaissent que comme la somme des relations bilatérales qui lient la Chine à chaque pays européen »257.

Il s’agit pour les pays membres de l’UE d’arriver à dépasser leurs divisions pour montrer front commun. Malgré les problèmes institutionnels évoqués précédemment, des efforts peuvent être constatés. En effet, il existe des instruments pour que l’UE déploie une action à l’international. Cependant, « la politique de défense reste fragile, avec des résultats peu tangibles puisque les États ont beaucoup de mal à renoncer à leurs prérogatives. Cela va freiner la mise en place d’une politique étrangère de sécurité autonome. Il y a aussi une difficulté à se fixer des objectifs communs et à les poursuivre de manière durable. Le problème est moins institutionnel que relevant d’une cohésion politique »258. Il manque une stratégie unifiée.

257 Commission des affaires étrangères du Sénat français, Rapport d’information n°400 « « L'émergence

pacifique » de la Chine dans le monde », Paris, 15 juin 2006, p. 28.

258 E. Boulineau et P. Bonnard, « Construire les politiques externes de l’UE : la puissance européenne en questions », Op. Cit., p. 73.

Étude de cas n°5

La position européenne sur le conflit en mer de Chine méridionale

On retrouve ce problème d’unité dans l’exemple de la position européenne sur le statut de la mer de Chine du Sud. C’est une zone dans laquelle l’UE n’a pas d’intérêt stratégique direct, au contraire des États-Unis, en dehors de la navigation commerciale. Les représentants de la Chine à l’UE ont répété à plusieurs reprises que « l’Union européenne ne devrait pas