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4.4. Interprétation des résultats

4.4.3. Un travail pluridisciplinaire, en réseau

Ne pas rester seul face au doute et savoir se faire aider est un des messages clés de la recommandation de l’HAS sur la maltraitance (HAS, 2014). Quel que soit le dispositif, supervision, réunion institutionnelle ou échange informel avec un collègue de confiance, il faut mettre en œuvre le nécessaire pour épargner au professionnel ce facteur de vulnérabilité qu’est la solitude, quand il est confronté à ces questions vers lesquelles l’enfant en danger nous conduira inexorablement, au risque de ne pas pouvoir le protéger (TCHAMGOUE, 2013). Comme le disent deux des psychiatres rencontrés : « il

est important de partager son questionnement très rapidement avec un tiers », « souvent le lien est fondamental. Travailler en réseau c’est un confort ». Les praticiens peuvent se

tourner vers d'autres professionnels avant de faire leurs écrits aux autorités compétentes, s’ils ont besoin de soutien pour renforcer cette décision (JONES et al., 2008) ou s’ils font face à des difficultés dans la forme. Dans ces cas-là, il est primordial de savoir quelles ressources peuvent apporter une aide ou un accompagnement. La consultation d’une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans la maltraitance des enfants, d’un spécialiste en pédiatrie, ou d’un organisme public, peut aider à prendre les décisions (DUBOWITZ et al., 2007). La HAS recommande également de prendre conseil auprès de professionnels formés à la protection de l’enfance notamment la CRIP, le Procureur de la République du tribunal de grande instance, les urgences pédiatriques hospitalières et si possible auprès d’un pédiatre senior du service, le Conseil national de l’Ordre des médecins ou le Conseil départemental (HAS, 2011). La majeure partie de notre population dit savoir vers qui se tourner. Cependant nous voyons que la CRIP n’a été citée que deux fois dans les ressources que nous proposaient les psychiatres interrogés, préférant se tourner vers des magistrats ou le Conseil national de l’Ordre des médecins. Un médecin se dit pas très satisfait des conseils que la CRIP peut apporter :

les magistrats, il y a des choses assez claires ». A moindre mesure, dans les réponses nous

retrouvons les services juridiques de l’hôpital, du Syndicat des psychiatres français et les MDSI. Certains praticiens précisent que c’est plus facile de savoir vers qui se tourner lorsqu’on se connaît : « ce qu'on essaye de faire pour faciliter les choses c'est d'essayer de

mettre en place des rencontres avec les juges les partenaires judiciaires. Si on se connait s’ils voient qu'on a envie de travailler ensemble, ça facilite », « j'ai fait du bricolage adaptatif, c'est à dire que j'ai réussi à me choper, en parlant sympathiquement avec une juge que j'ai eu la chance d'avoir et un procureur, le téléphone mobile de garde du procureur comme ça je n'hésite plus et à avoir la ligne directe d'un juge sur Bordeaux et d'un procureur adjoint. Donc ça facilite », « des fois avec le Conseil de l'Ordre des médecins, j'ai des collègues qui y étaient alors ça aide quand on connait des gens. Ça aide parce qu'on va plus vite, on va à l'essentiel ». Les psychiatres interrogés soulignent également l’intérêt d’un travail en équipe. Les échanges avec des collègues faciliteraient les déclarations de maltraitance (GILBERT et al., 2009). Le recours aux confrères et collègues du service est la réponse la plus citée au cours de notre étude et notamment les AS. Les AS semblent être une référence majeure dans un service comme le démontrent ces deux avis recensés : « et d'autre part

si problème il y avait, on avait des AS dans le service », « mes collègues assistantes sociales qui ont toujours été là et avec qui j'ai toujours rédigé les certificats, les signalements ». Un

psychiatre dit se tourner vers le médecin traitant, un lien entre un spécialiste qui rencontre un enfant ou un adolescent et le médecin traitant est en effet primordial lors d’une prise en charge.

Dans tous les cas, les médecins semblent d’accord sur la nécessité d’un travail pluridisciplinaire, en réseau ou en équipe au quotidien, dans les situations de maltraitance mettant en jeu des signalements ou des IP et ce dans l’intérêt de l’enfant :

« la plupart du temps je considère qu'il faut s'associer à l'IP. Dès qu'on en est informé, on soutien, on fait des compléments, des notes d'information, soit au juge directement, soit les travailleurs sociaux entre eux, notre AS. On participe dans la mesure de ce qui est important et de ce qu'on peut dire », « si on a un souci on peut appeler ces gens et discuter, c'est un échange pluridisciplinaire dans l'intérêt de l'enfant », « les signalements sont quand même des choses qui sont réfléchies en équipe », « c'est du travail d'équipe, même

quand c'est dans l'urgence, il y a quand même un petit débriefing avec l'équipe », « moi je trouve que c'est un travail de partenariat, si on est clivé, ça marche beaucoup moins bien ».

Un des médecins est d’ailleurs catégorique : « jamais le signalement ne doit être fait par

une personne seule. Ce n'est pas la subjectivité qui fait en sorte qu'il y ait un signalement. C'est à dire une élaboration mais en faisant en sorte qu'il y ait arrêt de la situation de danger ». Pour GREVOT, un des constats majeurs qu’il fait dans son rapport est que face

à une situation combinant forte emprise parentale, cruauté, perversité et aptitudes à dissimuler la réalité, il est impératif d’avoir une approche combinant les milieux sociaux, judiciaires, médicaux et scolaires. Il précise en effet que l’incapacité du dispositif à protéger Marina était en partie liée à la fragmentation des diverses interventions, au niveau institutionnel, à l’enfermement de l’ensemble des acteurs dans leur propre logique institutionnelle et professionnelle et à des liens partenariaux insuffisamment structurés (GREVOT, 2014). 


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