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La multiplication des intervenants dans le suivi des nourrissons ainsi que l’absence de définition officielle du rôle de chacun aboutissent à une difficulté de positionnement de chaque acteur dans le parcours pédiatrique. Cette difficulté peut nuire à la relation entre ces différents intervenants et donc retentir sur le suivi.

Selon les médecins interrogés, la place du pédiatre n’est pas en première ligne. Ils ne doivent être sollicités qu’en leur qualité de spécialiste et non pour les suivis simples. Cette notion est discutée au niveau européen par les différents systèmes de soins primaires existants. En Grèce, en Italie ou encore en Espagne, la plupart des enfants sont suivis exclusivement par des pédiatres alors qu’en Angleterre et aux Pays-Bas, l’absence de pédiatre en ville repousse le suivi des nourrissons sur les MG22. Selon l’Association Européenne de Santé Publique23, une amélioration de la santé des enfants ne sera

obtenue qu’à l’aide d’une coopération multidisciplinaire en matière de prévention. Le regroupement des forces et des connaissances est nécessaire pour favoriser la bonne santé des générations futures dès la naissance. Les données statistiques européennes actuelles24 renforcent l’idée que la mise en place d’un système de prévention pédiatrique

primaire coordonné aux centres de soins de santé secondaires est essentielle à la qualité de tout système de santé préventif. Le pédiatre et le MG ont donc leur place dans le suivi du nourrisson mais celle-ci doit se faire de façon coordonnée afin de prévenir aux mieux la santé future des enfants. Le rapport de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS)25 en 2013 confirme cette nécessité de réorganiser le rôle des différents intervenants dans le suivi du nourrisson pour une meilleure collaboration. Le pédiatre libéral pourrait être un médecin de deuxième recours, avant l’hôpital, pour le MG. Le rôle des sages-femmes et des puéricultrices devrait être renforcé dans le cadre de la périnatalité.

Le modèle idéal d’actions collectives26 se base principalement sur une reconnaissance

des compétences professionnelles de chacun aboutissant à une relation de confiance entre les différents acteurs du système. Ces éléments sont confortés par une logique affinitaire et solidaire. Les médecins interrogés rapportaient peu de contacts avec les

42 pédiatres, en particulier en ambulatoire. Le manque de disponibilité en aigu ainsi qu’un manque de communication leurs étaient reprochés. De plus, certains évoquaient même un sentiment de dévalorisation de la part des pédiatres vis-à-vis de leurs compétences en matière de suivi des nourrissons. Peu d’études s’intéressent à la relation entre les MG et les pédiatres. Un travail de thèse27 réalisé en 2014 a étudié ces relations afin de faire un état des lieux des interrelations existantes entre les MG et les pédiatres ainsi que de leurs attentes. Le partenariat se faisait principalement avec les pédiatres hospitaliers de par un manque incontestable de pédiatres en ville et la présence d’un plateau technique à l’hôpital. Le moyen de communication le plus plébiscité était le téléphone, or celui-ci était parfois mis à mal par un manque de disponibilité et une utilisation non uniforme. L’augmentation de la charge de travail et le manque de temps pouvaient également aboutir à l’intervention d’un tiers et amener à considérer certaines interactions comme non soignantes. Une communication réussie nécessitait de connaître personnellement l’autre et ses compétences afin d’établir un climat de confiance. Dans cette étude, les ressentis des MG et des pédiatres étaient discordants. Les MG pensaient que leur parole était dévalorisée par les pédiatres alors qu’ils constituaient le pivot central du parcours de santé de l’enfant. Les pédiatres, au contraire, avouaient considérer pleinement la position des MG dans le suivi de l’enfant mais refusaient d’être un prestataire de service intermédiaire. Ce ressenti des MG pouvait inconsciemment être lié à une opposition historique qui existe entre ces deux spécialités ayant un périmètre d’actions superposées. Cependant, malgré cette dualité, les idées et les envies de chacun convergeaient vers le même souhait, celui d’un suivi « alterné » permettant un enrichissement mutuel à l’aide d’un travail coordonné. Ces envies étaient néanmoins ignorées par les deux acteurs du fait d’une communication peu présente.

D’autres intervenants participent au suivi des nourrissons. Les médecins de l’échantillon parlent plus particulièrement des sages-femmes et de la PMI, toutefois leur participation semble discutée, en particulier pour ce qui est de la PMI. Pourtant, selon le Code de Santé Publique28, l’une de leurs missions est d’assurer des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans en liaison avec le médecin traitant. Le mot interventionniste a été utilisé pour décrire le mode d’exercice de la PMI. Là encore, la méconnaissance de leur rôle est à l’origine d’une certaine rivalité entre les professionnels, en particulier dans les zones urbaines. Une enquête29 réalisée en 2007 auprès des usagers et des professionnels de santé confirme cette notion ainsi que les relations inexistantes entre les MG et la PMI. Pourtant 86% des parents consultants menaient un suivi parallèle pour leur enfant avec un MG et 14% avec un pédiatre. Même

43 s’il avait été initié par une sollicitation extérieure, le recours à la PMI résultait d’une démarche parentale volontaire pour répondre à des interrogations diverses au cours du suivi régulier ou lors d’événements intercurrents.

Une amélioration des échanges entre les différents intervenants est donc nécessaire pour aboutir à un travail coordonné dans le suivi des nourrissons et à la mise en place d’un réseau interprofessionnel. La construction d’un réseau de correspondants26passe par le choix de personnes ressources pour lesquelles des liens de confiance existent. Certains médecins ont abordé spontanément lors des entretiens l’existence d’un carnet d’adressess pouvant être utile en cas de difficultés. La création de ce carnet impose de répondre à certaines règles pour exister, comme être disponible pour les patients et les correspondants ; échanger des informations avant et après et aussi se connaître. Il se constitue de différentes manières26,30 : camarades de promotion, proximité géographique, présentation au moment de l’installation, carnet d’adresses de l’associé ou du prédécesseur, rencontres lors des congrès ou lors de FMC locales ou non, nature et ancienneté des échanges professionnels. Une fois celui-ci constitué, les modifications sont rares sauf pour le renchérir. Pour cela, les rencontres indépendantes (c’est-à-dire sans la logistique des laboratoires) entre MG et autres spécialistes sont convoitées30. Cette information est rapportée par les médecins interrogés à travers le souhait de réaliser des Groupes d’Echanges de Pratique (GEP) avec des pédiatres ambulatoires et hospitaliers. La familiarité entre partenaires constituée pendant les études médicales puis les rencontres réalisées surtout pendant les formations médicales, créent ce lien social qui active la confiance, créant ainsi les conditions d’une relation stable et fidèle30. Un

renforcement de ces rencontres au niveau local pourrait donc rendre meilleur cette relation. De plus, l’apprentissage de la communication fait partie intégrante des études médicales, or celle-ci est principalement orientée sur la communication médecin-patient. L’intégration d’un module d’apprentissage concernant la communication interprofessionnelle pourrait être une voie d’amélioration des échanges entre les futurs professionnels de santé.

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