• Aucun résultat trouvé

La relation triangulaire entre le médecin, l’enfant et les parents est un élément primordial de la pratique pédiatrique. Les croyances et ressentis des parents vis-à-vis des professionnels de santé influencent la prise en charge de leur enfant. A travers les médecins interrogés, le suivi du nourrisson par le généraliste reste un choix des parents mais celui-ci peut parfois être influencé par les croyances des parents vis-à-vis des

44 compétences de celui-ci. La notion de confiance est également un facteur pouvant conduire au choix. Plusieurs travaux se sont intéressés aux représentations des parents concernant le professionnel assurant le suivi de leur enfant. Selon le travail de M. Michel31, en région Midi-Pyrénées, le suivi régulier des nourrissons était assuré majoritairement par le pédiatre puis par le MG. L’instauration d’un climat de confiance avec un bon relationnel était la condition première pour les parents lors du choix du médecin. D’autres motivations arrivaient ensuite selon le spécialiste choisi. Les parents choisissaient le médecin généraliste pour sa disponibilité et sa proximité géographique alors qu’ils choisissaient le pédiatre pour sa compétence professionnelle et sa réputation. Le suivi en PMI était choisi par 7% des parents interrogés, notamment des parents de moins de 25 ans sans emploi ou employés. La gratuité de la consultation en PMI jouait alors une part importante dans le choix. Un autre travail32, d’A. Gaspar dans le Nord, s’est intéressé plus précisément aux

ressentis des parents. Les principales attentes concernant le choix du professionnel étaient une relation de qualité basée sur l’écoute et la confiance, l’absence de jugement, la transmission didactique des informations, les compétences et sa disponibilité. Une démarche de réflexion sur le suivi de l’enfant était réalisée en prénatal, en partie avec le MG confirmant ainsi les propos des médecins interrogés de l’échantillon. Le suivi de la grossesse par le MG pouvait participer à la décision des parents. Il était le professionnel de premier recours en matière de santé de l’enfant. Il était apte à suivre des enfants, aptitude renforcée si lui-même parent. Le passé commun avec le MG, en particulier avec les aînés, l’expérience positive avec d’autres enfants ou l’entourage étaient également des critères majeurs d’orientation. Néanmoins, pour certains parents, la possession d’un diplôme en pédiatrie était gage de qualité. Le MG ne disposait pas de toutes les compétences pour assurer un suivi pédiatrique complet, en particulier pour les nourrissons. Le pédiatre, lui, était perçu comme le spécialiste des nouveau-nés. Il était apte à assurer les consultations de suivi, l’examen par le pédiatre était rassurant car un regard expert est posé sur l’enfant avec un examen approfondi. Le premier contact en maternité participait à influencer le choix des parents vers le pédiatre. En ce qui concerne la PMI, son rôle était méconnu et souffrait des préjugés de certains parents, à savoir le suivi des familles en difficulté et la surveillance des violences familiales. Au vu de ces différents travaux, la nécessité d’informer les parents sur la place et les compétences des professionnels ainsi que sur les modalités de suivi des nourrissons semble pertinente. Cette amélioration de l’information pourrait là aussi participer à un meilleur suivi des nourrissons.

45 facteur non négligeable du suivi du nourrisson. Selon les médecins interrogés, l’impact du statut parental socio-économique résidait surtout sur l’organisation du suivi, la présence ou non du carnet de santé et sur la découverte de certaines pathologies. Quelques études se sont intéressées au retentissement des inégalités socio-économiques sur la santé de l’enfant. L’impact sur l’accès aux soins est certain. En 2001, J. Nicolas33 montrait que la consultation aux urgences pédiatriques était plus fréquente pour les populations les plus défavorisées. Ce constat était en particulier lié à des difficultés à accepter les contraintes horaires d’un rendez-vous et à avancer les frais. Ces consultations ont alors comme objectif, en plus de l’acte curatif, de sensibiliser les parents à la prévention de la santé de leur enfant34. Or l’organisation des services d’urgences et le motif de consultation ne

permettent pas de l’atteindre la plupart du temps. Ces consultations sont propices à la réorientation des parents vers des structures adaptées, comme la PMI. Celle-ci détient un rôle facilitateur de suivi médical pertinent pour les familles en difficulté. La qualité du suivi est influencée par le niveau socio-économique des parents, tout comme peut l’être la survenue de pathologies ou de troubles du développement. En 2018, la cohorte ELFE35,

menée depuis 2011, a montré que le diplôme de la mère et le revenu du ménage sont à l’origine d’un écart considérable sur l’acquisition du vocabulaire à 2 ans. Ces inégalités sont en partie liées aux disparités en matière de modalités d’accueil de ces enfants. L’effet du gradient socio-économique sur le développement moteur n’a cependant pas été démontré. Au Canada, une étude de 200436 a démontré un effet du niveau d’éducation et du revenu des parents sur l’alimentation du nourrisson. Les habitudes alimentaires de mauvaise qualité étaient associées à un état de santé moindre et à un risque accru d’obésité chez les enfants d’âge préscolaire. Le manque occasionnel ou régulier de budget pour l’alimentation amenait particulièrement à cette situation.

D. … A la différence des dernières reformes de santé

L’idée de ce travail a émergé dans un contexte particulier, celui de la mise en place d’un parcours de soins pour l’enfant avec l’obligation de déclarer un médecin traitant. Le ressenti des médecins interrogés vis-à-vis de cette réforme est plutôt unanime. Elle n’a qu’un intérêt financier et son application ne participera pas à améliorer la qualité du suivi des nourrissons. Certains médecins abordaient même le risque d’augmenter la cassure avec les autres professionnels de santé, en particulier avec les pédiatres. Aujourd’hui, aucune étude ne s’est intéressée au retentissement de ce dispositif sur la qualité du suivi. Aucun état des lieux n’a été fait depuis la mise en place de cette obligation en 2017. Pourtant son instauration a été à l’origine de nombreuses réactions positives, comme

46 négatives au niveau des syndicats de MG et de pédiatres.

La revalorisation des actes de pédiatrie en 2017 a aussi réuni les médecins interrogés de cette étude. Cette revalorisation était justifiée au vu du temps passé en consultation, néanmoins son impact sur la qualité du suivi était illusoire. Le constat est le même pour l’obligation vaccinale de 2018, mis à part une influence possible sur le rythme du suivi. Là encore, aucune étude n’a étudié l’impact de ces différentes réformes sur la qualité du suivi des nourrissons depuis leur mise en place. L’impact de l’obligation vaccinale sur la couverture vaccinale est positif selon les premières études37 ainsi que sur les opinions des

mères vis-à-vis de la vaccination. On peut alors se demander si cette meilleure couverture vaccinale pourrait amener comme le sous-entendent les médecins interrogés à un rythme plus soutenu en matière de suivi et donc à son amélioration.

De façon générale, les données épidémiologiques propres à l’enfant sont peu nombreuses. Les pratiques de recours aux soins ainsi que l’offre de soins sont peu décrites pour les enfants. Les données quantitatives et qualitatives sur les professionnels ne permettent pas de dresser un bilan complet et qualitatif sur les systèmes soignants dédiés à la prise en charge de la santé de l’enfant. En 2013, la Commission de l’ONDPS25 soulignait la nécessité de faire émerger une politique de santé de l’enfant et de l'adolescent avec des objectifs et des enjeux plus spécifiques. Elle recommandait alors la mise en place d’un « plan de santé publique pour la santé de l’enfant » qui viserait à permettre un accès égal de tous les enfants à une santé de qualité, ainsi que les indicateurs permettant d’en évaluer régulièrement les effets. En 2018, la transformation du système de santé, à travers le plan « Ma Santé 2022 »38, a établi des stratégies prioritaires visant à modifier spécifiquement la politique de santé de l’enfant et de l’adolescent. Les grands axes de cette stratégie nationale s’orientent de nouveau principalement sur la période périnatale et les enfants en âge scolaire. Pour ce qui est des enfants de 0 à 2 ans, on pourra retenir certaines propositions comme :

- Agir dès la grossesse et la période néonatale sur les facteurs affectant le développement psychomoteur des enfants,

- Améliorer la coordination des acteurs intervenant pour la santé de l’enfant,

- Mettre en adéquation les offres d’accompagnement des parents avec la mise en disposition de ressources pédagogiques de confiance,

- Soutenir l’intervention des professionnels libéraux pour le dépistage des troubles visuels et du langage,

47 Au niveau régional39, la stratégie est de renforcer l’accès à la prévention et au repérage des facteurs de risques pour la santé et le développement des enfants. Deux grandes lignes directrices concernent les enfants de 0 à 2 ans. La première consiste à structurer la coordination entre les professionnels de 1er recours et les médecins médico-sociaux (PMI) en identifiant le rôle de chacun et en formalisant leurs articulations. La deuxième passe par l’élaboration d’outils repères, pour les parents et les professionnels, précisant les étapes de développement à des âges clés (9, 24 et 36 mois) et les orientations à proposer.

Documents relatifs