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Un passage obligé à travers la barrière épithéliale?

2. RÉSULTATS

3.3 Les DCs SIRPα + dans l’asthme non allergique

3.3.1 Un passage obligé à travers la barrière épithéliale?

Il semble clair, en se référant à nos résultats et à la littérature, que lorsque les voies pulmonaires (intra-nasale ou intra-trachéale) sont empruntées pour introduire un allergène, il en résulte une réponse Th17. Plusieurs groupes présentent les cellules épithéliales comme étant les cellules responsables de l’initiation, du maintien et du contrôle de l’immunité innée et adaptative dans les voies respiratoires. De plus, plusieurs dysfonctions et gènes de susceptibilité liés à l’épithélium bronchique ont été associés à l’asthme. Ces mêmes groupes remettent en question la pertinence des modèles expérimentaux empruntant la voie systémique, c’est-à-dire intra-péritonéale, pour étudier l’asthme et l’inflammation des voies respiratoires et ne croient pas qu’une réponse Th2 aberrante soit à l’origine de ces maladies (Barrett and Austen, 2009; Holgate, 2007; Schleimer et al., 2007). Il n’en reste pas moins que le modèle

expérimental d’immunisation OVA-Alun par la voie intra-péritonéale induit tous les paramètres de l’asthme allergique, incluant l’hyperréactivité bronchique. Bref, je crois que les cellules épithéliales jouent un rôle dans certains types d’inflammation pulmonaire alors que dans d’autres, leur activation représente un évènement secondaire.

Le groupe de Donald N. Cook s’est récemment penché sur les différences qualitatives entre l’immunisation intra-péritonéale et intra-trachéale dans l’asthme expérimental. La voie intra-péritonéale constitue la voie classique pour l’immunisation dans les modèles d’asthme ou d’inflammation des voies respiratoires. Or, ce modèle ne reproduit pas fidèlement le profil rencontré chez l’humain, qui est plutôt sensibilisé à des allergènes inhalés. De plus, lors de la maladie chez la souris, la proportion d’éosinophiles peut atteindre 80% alors que chez le patient asthmatique, elle ne dépasse généralement pas les 5% (Lex et al., 2006). L’intérêt d’étudier la voie intra-trachéale dans l’asthme murin vient donc de la recherche d’un modèle qui exploite la voie naturellement empruntée par les antigènes pour reproduire le plus fidèlement possible l’asthme de l’humain. Dans son étude, Cook et ses collègues ont démontré que l’immunisation intra-péritonéale avec l’OVA-Alun induit une réponse Th2 robuste sans hyperréactivité bronchique après un seul aérosol avec l’antigène. En revanche, l’immunisation intra-trachéale suivie d’un aérosol d’ovalbumine génère une forte réponse Th17 accompagnée d’une réponse Th2 modeste. Dans ce modèle, l’ovalbumine est combinée au LPS lors de l’injection intra- trachéale. Les souris développent une hyperréactivité bronchique et une neutrophilie qui dépendent de l’IL-17 (Wilson et al., 2009b). L’immunisation intra-trachéale suivie d’aérosols induit chez nos souris une production abondante d’IL-17, en plus d’une inflammation péribronchique dense. Ces résultats nous portent à croire que l’hyperréactivité bronchique est présente également dans notre modèle. Nous n’avons malheureusement pas accès à la technologie nécessaire pour mesurer cette composante. Malgré que notre modèle rassemble tous les paramètres de l’asthme sévère de l’humain et que le profil inflammatoire semble même plus sévère que celui

rapporté par le groupe de Wilson, nous ne pouvons parler d’asthme en l’absence de la mesure de l’hyperréactivité bronchique. Définitivement, ce paramètre reste à être vérifié. Cette limite nous amène à parler plutôt d’inflammation pulmonaire sévère, ou encore d’inflammation neutrophilique / éosinophilique, Th17, résistante aux corticostéroïdes.

Il a été proposé qu’à l’état de base, les antigènes de la cavité péritonéale atteignent passivement les ganglions médiastinaux aussi peu que 2 heures après leur injection en passant à travers les stomates du diaphragme, des canaux qui connectent la cavité péritonéale au réseau lymphatique. Une fois les antigènes dans les ganglions, la présentation antigénique se fait par les DCs immatures résidantes, de manière à induire une réponse tolérogénique (Itano et al., 2003; Kool et al., 2008). En conditions inflammatoires, lorsque l’adjuvant Alun est combiné à l’antigène, des monocytes et DCs inflammatoires sont recrutés au site d’injection. De plus, les DCs résidantes du péritoine sont activées, possiblement en réponse à l’acide urique, un signal de danger interne déclenché par l’adjuvant. Les antigènes sont captés par ces cellules présentatrices d’antigènes, qui migrent vers les ganglions médiastinaux. Les monocytes inflammatoires se différencient en DCs matures capables de stimuler les cellules T de manière à générer des cellules T effectrices et mémoires. La voie intra-péritonéale induit, pour ainsi dire, spécifiquement une réponse au niveau des voies respiratoires (Kool et al., 2008). Le même groupe a aussi démontré que les poumons servent de filtre aux antigènes de grande taille retrouvés dans la circulation sanguine. Le sang éjecté du cœur passe complètement par les poumons et avec leur petit diamètre, les artérioles et les capillaires vasculaires pulmonaires retiennent les plus grosses particules comme des parasites. Les DCs échantillonnent les antigènes emprisonnés dans les poumons, sont capables de les présenter dans les ganglions médiastinaux et d’induire une réponse T effectrice. Dans le contexte où les cellules T sont activées, elles retournent aux poumons, où elles induisent des lésions inflammatoires transitoires (Willart et al., 2009).

Suivant cette théorie et pour vérifier quel type d’inflammation pulmonaire pourrait être induit en contournant l’épithélium bronchique, nous avons cru intéressant d’exploiter la voie intraveineuse avec nos DCs SIRPα+ immunogéniques. Nous avons donc procédé à des essais de migration qui ont démontré que peu de temps après l’injection intraveineuse de DCs SIRPα marquées au CFSE, les DCs se retrouvent exclusivement dans les poumons. Nous avons également démontré que deux injections de DCs SIRPα+ à 12 jours d’intervalle sont suffisantes pour induire une réponse inflammatoire pulmonaire de type Th17 qualitativement similaire à celle associée à l’injection intra- trachéale. Pour une même quantité de cellules injectées, nous observons une inflammation de plus faible intensité, possiblement en raison de la plus petite proportion de cellules qui atteignent les poumons.

Nous avons clairement démontré que l’injection de DCs immunogéniques par voie intraveineuse induit une inflammation pulmonaire de type Th17 sans toucher l’épithélium bonchique. Il est sans doute faux de croire que le passage à travers les cellules épithéliales est indispensable à l’induction d’une réponse inflammatoire dans les poumons. Ces résultats nous permettent de spéculer quant aux événements pouvant déclencher l’initiation de l’asthme et des maladies inflammatoires pulmonaires. Alors que les virus et les bactéries passent au travers du filtre pulmonaire, certains parasites pourraient engendrer une réponse immunogénique par ce mécanisme. Le syndrome de Löffler est caractérisé par une infiltration transitoire de cellules inflammatoires dans les poumons ou encore par la présence de granulomes pulmonaires causée par l’infection sanguine due à certains parasites et à leurs œufs (Willart et al., 2009). Également, étant donné que nous avons montré que les DCs immunogéniques présentes dans la circulation sanguine peuvent induire une réponse dans les poumons, nous pourrions croire que certaines infections ou maladies, au cours desquelles des DCs SIRPα+ sont activées ailleurs dans l’organisme, pourraient avoir des conséquences indésirables au niveau des poumons. Il s’agit du premier modèle d’inflammation pulmonaire à composante Th17 induit sans aérosol et en évitant tout contact direct avec les cellules

épithéliales. Nous n’excluons toutefois pas les effets indirects de l’injection sur les cellules épithéliales et par conséquent, l’implication de l’épithélium pulmonaire dans ce modèle. L’inflammation créée ou encore la production d’un médiateur quelconque lors du passage des DCs par les poumons pourraient par exemple activer les cellules épithéliales et ainsi amplifier et perpétuer les dommages. Nous avons par conséquent mesuré l’IL-25, qui n’était pas détectable dans les poumons des souris malades. Par contre, l’IL-25 étaient aussi absente chez les souris injectées par voie intra-trachéale. Il serait donc intéressant de mesurer d’autres médiateurs inflammatoires sécrétés par l’épithélium bronchique, par exemple la TSLP