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1. INTRODUCTION

1.6 Modèles expérimentaux

1.6.1 Modèles murins d’asthme

Les modèles murins sont des outils précieux pour l’avancement des connaissances de la pathophysiologie de l’asthme. Outre les points mentionnés précédemment, les modèles d’asthme chez la souris présentent de nombreux avantages et similitudes à la maladie chez l’humain mais comportent également certaines limites à prendre en considération. Le Tableau I regroupe les similitudes et les différences entre les modèles murins et l’asthme humain.

Tableau I. Caractéristiques de l’asthme chez l’humain et chez la souris. Homme Souris

D I

F F É

R E

N

C E

S

Ramifications bronchiques 17 à 21 13 à 17

Muscles lisses et Cartillages De la trachée aux bronchioles Trachée et bronche principale

Hyper-réactivité bronchique

Antigène spécifique et

méthacholine Méthacholine

Glandes à mucus Trachée, voies intermédiaires Trachée

Épithélium bronchique Complexe, multicouche Monocouche

Inflammation Péribronchique Péribronchique et

périvasculaire

Infiltrat Éosinophiles (±5%) Éosinophiles (50-80%)

S

I M

I L

I

T

U

D E

S

Cytokines IL-4, IL-5, IL-13 IL-4, IL-5, IL-13

Réponse T Th2 et mémoire Th2 et mémoire

Infiltrat Éosino, lymphocytes T

peu de neutrophiles

Éosino, lymphocytes T peu de neutrophiles

Immunoglobulines IgE IgE et IgG1

Dégranulation Mastocytes Mastocytes

Remodelage, Hyperplasie,

mucus Présents Présents

La principale contrainte du modèle murin est que la souris, contrairement à l’homme, ne développe pas spontanément l’asthme. Il est par contre facile d’induire la maladie puisque les souris sont sensibles à plusieurs antigènes, incluant les allergènes en cause chez l’humain. Une autre différence réfère à la physiologie pulmonaire, qui complexifie l’analogie des réponses entre les deux espèces. La trachée et l’ensemble des voies

respiratoires bronchiques couvrent 11% du volume pulmonaire chez la souris alors qu’ils n’occupent que 1% chez l’humain. De plus, le cartilage entre dans la composition de la paroi des voies respiratoires de la trachée aux bronchioles chez l’humain alors que chez la souris, la présence de cartilage est limitée à la trachée et aux bronches principales. Le nombre de ramifications bronchiques ainsi que la disposition des muscles lisses et des glandes à mucus sont également différents chez les souris et les humains (Finkelman and Wills-Karp, 2008; Hyde et al., 2009; Wenzel and Holgate, 2006). Ces différences physiologiques entraînent des divergences au niveau de l’hyperréactivité bronchique. Les souris ne développent pas d’hyperréactivité bronchique en réponse à l’allergène. Ce phénomène n’est observable que lorsque l’animal est soumis à des stimuli bronchoconstricteurs comme la méthacholine, qui permet tout de même de vérifier la gravité de la maladie comme chez l’humain. Un individu et une souris dits asthmatiques vont répondre à de faibles doses de métacholine par la bronchoconstriction. D’ailleurs, un autre biais est introduit par l’adaptation technologique qui permet de mesurer l’hyperréactivité bronchique chez la souris, qui diffère des méthodes et instruments utilisés pour un patient asthmatique (Kumar and Foster, 2002). Quelques distinctions peuvent aussi être faites lorsqu’on compare l’épithélium pulmonaire des deux espèces, plus précisément au niveau de la composition, la densité et les proportions de cellules épithéliales. L’épaisseur de l’épithélium est par exemple nettement supérieure chez l’homme, ayant possiblement un impact sur la manière dont la barrière épithéliale réagit face aux stimuli comme les antigènes inhalés, les virus et les polluants (Hyde et al., 2009; Wenzel and Holgate, 2006).

Malgré ces différences, plusieurs modèles murins ont été développés et ont avec succès permis l’avancement des connaissances dans le domaine de l’asthme. Le modèle classique implique l’immunisation systémique par voie intra-péritonéale avec l’albumine d’œuf (OVA) précipitée à l’hydroxyde d’aluminium (alun), un adjuvant de type Th2, suivie d’une série de rappels avec l’OVA au niveau des voies respiratoires, par inhalation, par voie nasale ou intra-trachéale. Ce protocole induit chez la souris une

maladie comparable en plusieurs points à celle caractérisée chez l’humain. Notons la réponse inflammatoire Th2, incluant l’infiltration massive des voies respiratoires par des éosinophiles, la production d’IgE, la dégranulation des mastocytes, la sécrétion des cytokines IL-4, IL-5, IL-9, IL-13 et la génération d’une réponse T CD4 mémoire. Le mode d’action exact de l’alun est encore inconnu, bien que certains mécanismes aient été identifiés. Il a été démontré que l’injection intra-péritonéale de l’alun induit un signal de danger endogène, l’acide urique, et le recrutement de monocytes, de neutrophiles et d’éosinophiles. Les monocytes et les DCs péritonéales nouvellement activées migrent vers les ganglions médiastinaux, où ils induisent l’activation et l’expansion clonale de cellules T spécifiques. À leur arrivée dans les ganglions, les monocytes sont déjà différenciés en DCs matures aptes à présenter l’antigène. Le même groupe a d’ailleurs démontré que l’injection d’OVA-alun entraîne la présentation antigénique et la prolifération de cellules T spécifiques dans les ganglions drainant les poumons, les mLNs, aussi peu que 24 heures après l’injection intra-péritonéale (Kool et al., 2008; Lambrecht et al., 2009). Bref, l’immunisation intra-péritonéale, dite systémique, induit une réponse localisée au niveau des poumons.

D’autres modes d’immunisation ont également été étudiés, dans le but de rendre le modèle d’asthme murin plus ‘’physiologique’’ puisque la sensibilisation à l’antigène chez les patients asthmatiques ne se fait pas par voie intra-péritonéale. L’immunisation locale par injections répétées via les voies intra-nasale et intra-trachéale a été étudiée. La réponse est initiée par les composantes de l’immunité innées. Un signal TLR comme le LPS ou encore l’utilisation d’un antigène avec des propriétés enzymatiques sensibilise efficacement les souris par voie intra-nasale (Boyce and Austen, 2005). Par contre, il a été démontré que l’inhalation répétée d’antigène soluble, spécialement l’ovalbumine, induit un état tolérogénique plutôt qu’inflammatoire (Tsitoura et al., 1999). La voie intra-nasale comporte un autre inconvénient majeur, c’est-à-dire que cette technique est imprécise quant aux volumes inhalés ou avalés par les souris. Pour remédier à ce problème, l’injection intra-trachéale a été adoptée par plusieurs groupes, dans leurs

modèles. Elle permet l’injection d’un volume plus grand que la voie intra-nasale, quoique moindre lorsque comparée à la voie intra-péritonéale. Cette méthode permet actuellement d’étudier le rôle des DCs dans la maladie, alors que les DCs sont générées in vitro, incubées avec l’antigène et injectées à la souris. Un profil Th2 semblable à celui obtenu par l’immunisation systémique est observé (Lambrecht et al., 2000).

Depuis quelques années seulement, des modèles d’asthme à neutrophiles ont été élaborés. D’abord, il a été démontré que l’inhalation d’ovalbumine chez les souris transgéniques ayant un TcR dirigé contre l’ovalbumine induit une neutrophilie au niveau des voies respiratoires sans induire de réponse Th2 et la production d’IgE (Nakae et al., 2007; Wilder et al., 2001). Des modèles de transfert adoptif ont également été mis au point. Le transfert de cellules Th17 polarisées in vitro ou encore l’injection intra- trachéale d’ovalbumine combinée à une faible dose de LPS suivie d’un aérosol d’ovalbumine induit une inflammation pulmonaire neutrophilique accompagnée d’hyperréactivité bronchique et d’IL-17 (McKinley et al., 2008; Wilson et al., 2009b).