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Un matériau élastocalorique intéressant: le caoutchouc naturel

Appendix 2 Thermodynamic cycles for an entropic elastomer

1.2 Un matériau élastocalorique intéressant: le caoutchouc naturel

Le caoutchouc naturel est un très intéressant matériau élastocalorique, mais cet effet couplé n’a fait l’objet que de peu d’études. Ce matériau est largement utilisé comme pièce mécanique élastomérique, en raison de sa grande déformation élastique et sa résistance remarquable à la rupture[45].

L’élasticité du caoutchouc a d’abord été décrite comme une élasticité entropique. Lorsqu’il est étiré, les chaînes de polymère s’orientent, entraînant une augmentation de l’ordre dans le matériau et une diminution de l’entropie (augmentation de température en condition adiabatique). Lorsque la contrainte est relâchée, le matériau retrouve son état originel et l’entropie augmente (diminution de la température en condition adiabatique). Ainsi, les chaînes moléculaires se comportent comme un ressort entropique[8]. Cet effet est illustré Fig.FR 5.

Lors de la déformation du caoutchouc, une cristallisation induite par la déformation apparaît. Elle est désigné par la « Strain-induced crystallization/crystallite » (SIC)[47]. La chaleur latente de cristallisation peut être alors considérée comme une source majeure de la variation d’entropie observée. En outre, les propriétés mécaniques sont largement influencées par la SIC[45,49,50]. Pour l’effet élastocalorique, aussi bien la variation de température adiabatique que la contrainte (élasticité) sont des propriétés importantes. Il est donc nécessaire de comprendre et de s’appuyer sur la théorie du SIC pour comprendre l’effet élastocalorique. Une vue schématique des chaînes de polymère et de la cristallisation est donné Fig.FR 6[51].

Fig.FR 5 Représentation schématique de la structure du polymère et du mécanisme responsable de l’effet élastocalorique [3].

Fig.FR 6 Modèle de la nucléation et de la cristallisation dans du caoutchouc vulcanisé. Les chaînes courtes sont tracées en lignes rouges. Les cercles pleins sont les points de réticulation. (a) avant déformation : les points de réticulation sont distribués aléatoirement, (b) après déformation les chaînes courtes sont complètement étirées et (c) les chaines complètement étirées constituent les germes de la cristallisation (parties jaunes)[51].

Fig.FR 7 Diffractogramme typique obtenu en WAXD sur un caoutchouc vulcanisé étiré 7.35 fois[51].

Depuis sa découverte au début du XXème siècle par Katz[47,52] par diffraction RX, la cristallisation induite par la déformation a été largement étudiée expérimentalement[51,54–66], théoriquement[67–83] et des articles de revues sont disponibles[47,84]. La structure du cristal et les paramètres de maille des cristallites peuvent être déterminés par l’analyse de diffractogrammes (voir Fig.FR 7)[51]. Bunn[85]a déterminé une structure monoclinique dont les paramètres de mailles sont a = 12.46 Å, b = 8.89 Å, c = 8.10 Å and β = 92 o.

L’apparition de la SIC peut être déterminée par l’augmentation de la température de fusion lors de l’étirement

, ,1 1

1 /T

mλ

=1 /T

m

− ∆Γ

def

/∆H

(Équation 1)

λ

est l’élongation,

T

m,1 est la température de fusion dans l’état de repos,

T

m,λ est la température de fusion dans l’état déformé,

∆Γ

def est la variation d’entropie entre les états de repos et déformé, et ∆H1 est la chaleur latente de fusion.

Ainsi, la température de fusion augmente avec la déformation, dans la mesure où

∆Γ

def augmente avec la déformation. Lorsque cette température de fusion dépasse la température ambiante, le matériau se retrouve dans un état de surfusion et la cristallisation apparaît.

Lien entre la contrainte et la SIC

La relation entre la contrainte et la SIC a été largement étudiée[47,50,57,75,86–88], les résultats pionniers ayant été obtenus Flory[70,87,89,96].

Ce dernier a proposé deux interprétations opposées à l’effet de la SIC sur la contrainte:

1. Effet de relaxation de la contrainte. La longueur de la chaîne cristallisation étant plus grande que dans la phase amorphe, la partie restante de la chaîne non cristallisée se relâche et la contrainte diminue.

2. Effet de durcissement. Les cristallites agissent comme de nouveaux points de réticulation, et la contrainte est directement proportionnelle à la densité des points de réticulation.

Fig.FR 8 Evolution comparée de (a) la contrainte et (b) le taux de cristallinité à 22°C dans un caoutchouc naturel vulcanisé[88].

Cette propriété apparemment paradoxale est illustrée Fig.FR 8, montrant la courbe contrainte - déformation à gauche et la courbe taux de cristallinité - déformation à droite. On observe principalement :

1. La cristallisation débute au point noté A sur la figure de droite (déformation de 4). Il en résulte un plateau sur la courbe contrainte-déformation jusqu’au point B. Dans cet intervalle, l’effet de relaxation est dominant.

2. Pour de plus grandes déformations, l’effet de relaxation est diminué et l’effet de durcissement devient prépondérant (du point B au point C).

3. Lors de la rétraction de l’échantillon, la contrainte commence par diminuer (du point C au point D) puis on observe un large plateau du point D au point E pour lequel l’effet de relaxation est à nouveau prépondérant.

4. On observe également un fort hystérésis sur la courbe cristallisation-déformation responsable du fort hystérésis sur la courbe contrainte-déformation.

Différents modèles ont été développés pour interpréter ou prévoir le comportement mécanique du caoutchouc : par une décomposition en 5 réseaux parallèles (comportement élastique pur, endommagement, hystérésis et effet de durcissement) [68,69,79], en considérant simultanément le comportement de la phase viscoélastique et le comportement de la SIC[76], ou encore des modèles basés sur des microsphères dans une phase amorphe [75,77,78].

Variation de température élastocalorique et SIC

On peut considérer que la variation de température adiabatique due à l’effet élastocalorique est principalement reliée à la SIC, même si on ne trouve que peu d’études établissant ce lien.

Pour le caoutchouc faiblement réticulé, la cristallisation débute autour d’une déformation de 3 et diminue avec le taux de réticulation [51,67,88,98,99].

La chaleur latente de transition étant le moteur principal de la variation d’entropie à grande déformation, il est naturel que la variation de température adiabatique se produise principalement à partir d’une déformation de 3. En outre, le manque de réversibilité entre la variation de température enregistrée lors de l’extension et lors de la rétraction est un indicateur fort de l’influence de la

Fig.FR 9 Variation de température élastocalorique en extension et en rétraction[6].

Fig.FR 10 Effet élastocalorique dans deux types de caoutchouc [101].

Dans les résultats expérimentaux obtenus par Sakata et al.[101], l’inflexion forte de la courbe température – déformation se produit autour d’une déformation de 4 (Fig.FR 10), aussi bien pour l’extension que pour la rétraction (déformation de début de la cristallisation). La différence observée toutefois sur la valeur de la variation de température est expliquée par des cinétiques différentes de cristallisation et de fusion. Ces cinétiques différentes ont été mises en évidence par Samaca Martinez et al.[102], notamment à travers l’observation du fluage mécanique (ne se produisant qu’à partir du moment où la SIC intervient) différent en extension et en rétraction.

En conclusion, il apparaît clairement que la cristallisation induite par la déformation est une donnée importante pour comprendre et améliorer l’effet élastocalorique dans le caoutchouc. Il est à noter que la transition est de nature différente de celle observée dans les alliages à mémoire de forme (généralement du 1er ordre)[20,103].

Fig.FR 11 Limite de résistance à la fatigue en fonction de la déformation moyenne et de son amplitude dynamique[10].

Effets de la fatigue sur l’effet élastocalorique

Le caoutchouc naturel a été peu étudié en tant que matériau élastocalorique, peut-être en raison des forts effets de fatigue apparaissant lors de cycles répétitifs à grandes déformations. Pourtant, ce matériau peut présenter une excellente résistance à la rupture lorsqu’il est utilisé dans une plage soigneusement choisie de déformation [47,105–112][8–10,104,108,113–116]. De manière étonnante, c’est dans les caoutchouc présentant de la cristallisation que la meilleure résistance à la fatigue est observée.[10][117][118][119].

Il est notamment possible d’augmenter considérablement la résistance à la fatigue en travaillant autour d’une déformation statique (Fig.FR 11), tel que démontré par Cadwell et al.[10] dans le cas d’une déformation biaxiale. Avec une déformation statique de 200% autour de laquelle on applique une déformation dynamique de 200%, le matériau résiste à des déformations cycliques jusqu’à 107 cycles. En travaillant avec la contrainte uniaxiale comme grandeur d’excitation, des résultats similaires sont obtenus, où une précontrainte permet d’atteindre 106 cycles[8,9].

Comparaison entre les alliages à mémoire de forme et le caoutchouc naturel

Il est intéressant de comparer les propriétés élastocaloriques des alliages à mémoire de forme (SMA) et du caoutchouc naturel. Le module d’Young est de l’ordre de quelques centaines de MPa pour les SMA tandis qu’il est de l’ordre de quelques MPa pour le caoutchouc. En revanche, pour obtenir un effet élastocalorique conséquent, le caoutchouc doit être déformé de plusieurs fois sa longueur initiale tandis que quelques pourcents suffisent pour les SMA. Les deux matériaux présentent la même résistance à la fatigue et permettent d’atteindre 107 cycles, comme c’est le cas de l’alliage de Ti54Ni34Cu12 à une déformation de 1.5%[128]. Ces données sont comparées dans le Tableau 1.

Tableau 1 : Comparaison entre deux matériaux élastocaloriques Alliages à mémoire de forme

(SMAs)

Caoutchouc naturel (NR)

Coût 100 €/kg 1.4 €/kg

Résistance à la fatigue 107 cycles @ 1.5% en contrainte uniaxiale [128]

107 cycles en étirement biaxial @ 200% de déformation [10]

Contrainte Centaines de Mpa Quelques Mpa;

Déformation Quelques pourcents Quelques centaines de pourcents;

Conductivité thermique 18 Wm-1K-1[23] 0.16 Wm-1K-1 Variation d’entropie isotherme 32 JK-1kg-1 (NiTi)[21] 2×105 JK-1m-3 80 JK-1kg-1[6] 7×104 JK-1m-3 Variation de température adiabatique 17 K[21] 12 K[6]

En résumé, les variations de température ou d’entropie des matériaux SMA et caoutchoucs sont plus importantes que dans les autres matériaux caloriques[129]. En comparaison aux SMA, le caoutchouc présente l’avantage d’être bon marché et souple, tandis qu’il nécessite des déformations importantes. En revanche, le caoutchouc est un isolant thermique, ce qui peut poser des problèmes d’échanges thermiques dans le cadre d’un système de réfrigération.

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