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Chapitre 2 : La Chine vue d’Amérique latine : Un partenaire « proche » et bénéfique malgré des

A. Un engagement promu : une asymétrie minorée

Dans la Estrella de Panama, les relations entre la Chine et l’Amérique latine renvoient à la

fois aux relations entre la Chine et la région dans son ensemble, ainsi qu’avec les différents états

latino-américains. Les relations entre la Chine et l’Amérique latine sont mentionnées très tôt au

cours de l’année 2017, avant même l’engagement chinois au Panama. Le premier article qui les

traite date du 14 février. Il porte sur la signature d’une vingtaine d’accords entre la Chine et le

Venezuela. Ceux-ci s’inscrivent dans une « alliance stratégique » entre les deux pays, qui devrait

assurer un « développement global multidimensionnel » grâce à des accords « gagnant-

gagnant ». Seul bémol, tout cela renvoie principalement à une alliance « énergétique et pétrolière

», ainsi qu’à la primarisation (volontaire) d’une économie latinoaméricaine (La Estrella de

Panama 14) . Pourtant cet article revêt essentiellement un aspect positif, du fait du discours

officiel, et des concepts employés. C’est la raison pour laquelle la valeur qui lui a été attribuée

est un « 1 », et non pas une valeur négative. Cette dernière est toutefois indiquée entre

parenthèses, pour signaler qu’une analyse critique révèlerait une asymétrie économique

sectorielle. Plusieurs articles postérieurs comportent une pondération similaire. Les valeurs

entre parenthèses n’ont toutefois pas été retenue dans le calcul de la pondération totale.

Les articles de La Estrella de Panama soulignent l’importance de l’engagement

multidimensionnel de la RPC dans la région. Cet engagement apparaît comme principalement

économique, mais l’un des articles mentionne un accord coopération militaire signé entre la

Chine et la Colombie, au soutien du processus de paix engagé (La Estrella de Panama 169). Le

cadre des relations entre la Chine et l’Amérique latine a été récemment institutionalisé, et leurs

orientations définies. Les deux parties se sont engagées dans une Association de coopération

globale, et disposent d’une plateforme d’échanges exclusive depuis l’inauguration du Forum

Chine-CELAC en 2015 (La Estrella de Panama 323). Elles se sont fixées pour objectifs

d’atteindre les 500 milliards d’échanges commerciaux, ainsi qu’un volume de 250 milliards de

dollars US d’investissement. Le journal offre une image positive des relations économiques

entre la Chine et l’Amérique latine. Il apparait qu’un nombre considérable d’états latino-

américains fait la promotion de ces relations. Le journal cite le cas de l’Uruguay (La Estrella de

Panama 64), du Chili, du Pérou, et de l’Argentine (La Estrella de Panama 57), soit quatre pays

d’Amérique du Sud (sur les 12 que comprend la région si l’on exclue la Guyane française) qui

soutiennent l’engagement chinois (ce qui n’exclue pas que d’autres pays adhérent à cette

position). Ces pays, ainsi que le Panama, appellent de leur vœux l’intégration de l’Amérique

latine à l’initiative chinoise des routes de la soie. Les relations entre la Chine et l’Amérique

latine jouissent également d’une image positive auprès des institutions régionales et

internationales, dont la CEPAL (La Estrella de Panama 31) et l’OIT (La Estrella de Panama

177), ainsi qu’au sein de diverse plateformes, telles que le Forum académique de haut niveau

Chine-CELAC (La Estrella de Panama 241).

Toutefois, les institutions citées mentionnent également les déséquilibres économiques

existants. Elles soulignent l’asymétrie quantitative entre les deux acteurs. La Chine apparait

comme le deuxième partenaire commercial de la région, tandis que celle-ci ne constitue que le

quatrième partenaire de la RPC. La primarisation de l’Amérique latine est également abordée.

Au-delà des exportations agricoles panaméennes, les articles soulignent que les principaux

postes d’exportation de l’Uruguay sont des matières premières (La Estrella de Panama 64 ; La

Estrella de Panama 255) . Au niveau régional, le soja, le fer, le cuivre et le pétrole, représentent

70% de la valeur des exportations latino-américaines vers la Chine (La Estrella de Panama

241). Les produits manufacturés ne constitueraient que deux pourcents de ces exportations (La

Estrella de Panama). Il apparaît également que la majeure partie de l’investissement chinois est

concentré dans les secteurs extractifs, ce qui répondrait à une stratégie chinoise

d’approvisionnement en matière premières. L’un des articles soutien par ailleurs qu’une partie

significative de la production des états latino-américains serait tombée sous contrôle chinois (La

Estrella de Panama 289). Autre déséquilibre soulevé : le déficit commercial vis-à-vis du

partenaire chinois. L’Uruguay et le Costa Rica serait concernés (La Estrella de Panama 109).

Depuis 2010, date qui coïncide avec la signature d’un ALE avec la RPC, le Costa Rica présente

un déficit commercial croissant vis-à-vis de cette dernière (Banque Mondiale 2018b ; Banque

Mondiale 2018c).

Figure 7.

Relations économiques du Costa Rica avec la Chine, 2007-2016, en milliards

de dollars US

Banque Mondiale, World integrated trade solutions, exportations du Costa Rica vers la Chine,

importations du Costa Rica à partir de la Chine, en milliers de dollars US

Pourtant, une image positive de la Chine prévaut. Elle tient en partie aux mêmes raisons que

celles avancées dans le cas du Panama. Les articles négligent souvent d’analyser les indices sur

les asymétries économiques entre les parties. Et dans certains cas, les discours officiels

mobilisent des concepts qui viennent légitimer, et subvertir, ces déséquilibres. Ainsi, les

« bénéfices mutuels » (La Estrella de Panama 250) et la « complémentarité » économique

peuvent soutenir des exportations de matières premières, ainsi que la primarisation des

économies latino-américaines (La Estrella de Panama 339). Dans le cas du Panama, ces

concepts renvoient à une équation simple : la mise à disposition du Canal du Panama au profit

des exportations chinoises (La Estrella de Panama 350). Un des articles dénonce cet

« enjolivement » (La Estrella de Panama 289), mais il demeure une exception sur la période

-2,5

-2

-1,5

-1

-0,5

0

0,5

1

1,5

2

2,5

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

étudiée. Enfin, l’image positive de l’engagement chinois dans la région tient en partie au fait

qu’elle intègre une perspective panaméenne favorable.