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UN CAS D’ÉCOLE

Dans le document Tombeau des Aymorés (Page 173-193)

Sur un terre-plein ombragé dans le jardin d’Albino, le pajé, on a étalé une grande couverture où six anciens se placent en cercle pour tenir conseil. A quelques mètres de là, leurs épouses sont assises à même le sol. La jeune Anari, 23 ans, s’assoit sur la couverture avec les hommes, un magnétophone à la main. Puis vient Conceição, 30 ans, parmi les plus engagés dans le resgate da cultura, le « sauvetage de la culture ».108 Lui vient se placer directement au centre de la couverture, genoux entre les mains, et il baisse la tête en signe d’attention. La présence inattendue d’une jeune femme parmi les hommes et d’un jeune homme au beau milieu du cercle des anciens s’explique par leur statut : ils sont des instituteurs indigènes et leur fonction l’emporte sur les considérations de sexe et d’âge.

Cette scène observée lors d’un séjour me paraît significative du changement induit par l’institution scolaire en milieu indigène.

Le droit constitutionnel accorde aux Indiens du Brésil la faculté de vivre « selon leurs us et coutumes », mais dans le cas des populations en contact permanent ou quasi permanent, avec la société nationale, la transmission des us et coutumes cesse d’aller de soi. L’introduction dans l’enseignement scolaire de matières dites « indigènes » par le biais d’un Ensino diferenciado ou

108 Elise Capredon, partie faire son terrain de Master à Coroa Vermelha en 2006, me signale

que l’on ne parle déjà plus, là-bas, de resgate, mais de reforço da cultura : la culture est donc considérée, par les agents culturels pataxó, comme sauvée, puisqu’il ne reste plus qu’à la « consolider ».

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« enseignement différencié », est une réponse qui soulève nombre de questions : en quoi consiste une « éducation indigène » ? Qui doit la dispenser ? Doit-on privilégier les processus traditionnels de transmission ou élaborer une didactique spécifique ? Enfin, en quelle langue doivent être dispensées les matières canoniques, histoire, géographie, mathématiques ?

Encart 7. Education indigène, éducation différenciée

L’enseignement au sein des communautés indiennes passa de la FUNAI au Ministère de l’Education et de la Culture (MEC) en 1991. Les écoles indigènes sont depuis lors administrées par les municipalités auxquelles elles sont rattachées et financées par les Secrétariats à l’Education des États fédérés (Souza, 2001 : 73 ; 88). L’enseignement différencié, incluant la culture indigène, fut quant à lui promulgué par la Lei de Diretrizes e Bases da Educação (1996). En 1998, le Referencial Curricular Nacional para as Escolas Indígenas vint spécifier les modalités de cet enseignement. (Silva, 2001 : 10)

La philosophie de cette réforme consiste à inciter les peuples indigènes à utiliser l’école comme lieu de transmission de savoirs traditionnels, en permettant, par exemple, aux Anciens de s’exprimer face aux élèves et de faire en sorte qu’un certain nombre d’enseignements soient dispensés en langue indigène – en particulier… le cours de langue indigène. L’autre versant de la réforme consiste en un vaste programme de formation d’instituteurs issus des groupes en question, à charge pour eux de veiller à ce que leurs programmes incluent à la fois le « savoir de base » de tout écolier brésilien, mais aussi une pédagogie tenant compte des catégorisations locales, en particulier en géographie, en histoire, en sciences naturelles.

Dans le cas des instituteurs indigènes du Nordeste, il faut distinguer deux aspects : le premier remonte aux créations d’écoles par la FUNAI (l’ouverture d’un poste s’accompagne toujours de celle d’une « école », aussi primitive soit-elle). Dans un premier temps (chez les Pataxó, cette période va des années 70 au début des années 80), ces écoles étaient destinées à l’alphabétisation, toutes générations confondues : les cours pouvaient être dispensés aussi bien par le chef de poste que par son épouse. Les Pataxó demandèrent très tôt à ce qu’un des leurs – Antônio Ferreira en l’occurrence – puisse inculquer aux élèves des éléments de savoir traditionnel, concernant les origines du groupe, les récits locaux, etc. Conceição Brás fut également, on le verra, sollicité très tôt. Il s’agissait alors de bénévolat, sans aucune reconnaissance administrative.

La situation actuelle est bien différente : grâce au magistère ouvert en 1997, associant l’Université Fédérale de Bahia et le Secrétariat à l’Education de Bahia, des instituteurs indigènes (une quarantaine environ, toutes ethnies confondues) furent formés au professorat et sont donc habilités, en théorie, à enseigner dans quelque école que ce soit. Afin de susciter une dynamique collective, les cours étaient dispensés par période de quatre semaines, deux fois l’an, dans une ville chaque fois différente : Paulo Afonso (au nord de l’État) puis Coroa Vermelha (à l’extrême sud) par exemple.

Les Indiens du Nordeste, de reconnaissance plus tardive, bénéficièrent de l’expérience acquise lors de la mise en place des premiers cursus indigènes dans le bassin amazonien. C’est en 1997 que commença, pour les instituteurs pataxó, pataxó hã-hã-hãe, krenak, kiriri, kariri-xokó, tuxá, pankararu, pankaré,

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tupinambá, fulni-ô et autres ethnies de la région, un cours de formation (Magistério) destiné à harmoniser les pratiques pédagogiques pour les matières proprement indigènes. Suite à des problèmes de financement, ce magistère ne fut conclu qu’en août 2003, et la remise des diplômes, dans la ville de Salvador, donna lieu à une cérémonie en présence des autorités.

Les Pataxó n’ont pas attendu cette reconnaissance officielle pour s’investir dans la question de l’école. Depuis près de vingt ans, des professeurs autochtones dispensent un enseignement sous des statuts divers, aux côtés des instituteurs appointés par la FUNAI puis la Secretaria à Educação, et leur nombre

dépasse aujourd’hui celui des professeurs blancs nommés par l’administration. Selon Ana Cláudia Souza (2001) l’institution scolaire à Barra Velha serait un « fait social total », le résultat d’un investissement collectif et d’une association entre les générations pour l’élaboration d’un projet commun. Elément capital pour une société indigène en phase de régénération, l’école ferait partie d’une stratégie de défense : la maîtrise de l’écriture, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, permet en effet de lutter à armes égales avec les Blancs et de préserver, par la connaissance des droits indigènes, l’identité du groupe et le mode de vie traditionnel.

Cette aspiration génère une situation paradoxale, que relève Christian Gros (1994 : 147, in Hugh-Jones, 1997 : 112) :

« C’est à ceux qui dans un certain sens ont déjà perdu de cette culture, qui savent le moins, dont l’identité est la plus floue et parfois la plus controversée, que le mouvement s’adresse et demande de construire le discours légitimateur de la spécificité culturelle, des valeurs traditionnelles, du droit à la différence et à l’identité ethnique. »

Qui sont les instituteurs indigènes ? Quel fut leur parcours, et comment conçoivent-ils leur fonction ? La mission dont on les a investis a de multiples répercussions : déplacement du centre d’autorité, évolution des rapports des anciens aux plus jeunes, apparition d’une élite lettrée, autant de symptômes qui accompagnent le passage progressif d’une tradition orale à une tradition écrite.109 Les jeux politiques qui sont à l’œuvre pour le contrôle de l’institution se donnent pleinement à voir à Barra Velha où c’est un Pataxó, Aurinho Brás, qui depuis 2006 occupe la direction de l’école, position cruciale dans « l’organigramme » de la communauté.

109 Goody (1977 ; 1986) a décrit les phases générales de cette transition, et les sciences sociales

et humaines en font actuellement la description au cas par cas. Citons, dans le domaine amérindien, Gros (1994, 2001), Hugh-Jones (1997), Albert (1993 ; 1997), et au Brésil A. L. da Silva, Grupioni, Ferreira et leur équipe de recherche à l’USP (2001). Notons que les constantes observées sont dans leurs grands traits comparables aux répercussions qu’eut, dans notre société, l’école de la IIIe République (Thiesse, 1997).

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Position cruciale à plus d’un titre : sur les huit instituteurs indigènes de Barra Velha (pour cinq non-Indiens), cinq appartiennent à la famille Brás, qui est aussi celle du pajé.110 Dans une communauté où le pouvoir politique est lié à l’influence relative des groupes familiaux, constitués en autant de factions, la mainmise d’une famille sur le dispositif éducatif s’apparente à la mise en place d’un contrepouvoir à l’hégémonie exercée par la famille Ferreira, d’où proviennent les caciques. Un des aspects les plus essentiels du caciquat, le rôle de truchement ou d’intermédiaire entre la communauté et le monde extérieur, passe en effet insensiblement sous le contrôle des instituteurs. Détenteurs et passeurs d’un double savoir, celui des anciens et celui des Blancs, ils sont à ce titre doublement légitimés, et peuvent à la fois influer sur la mémoire collective, qu’ils se chargent de fixer et de transmettre, et sur l’avenir communautaire, en ouvrant de nouvelles perspectives aux jeunes générations.

Nos ancêtres les Tapuias

Les anciens du village ne manquent pas d’évoquer, en toute occasion et sur le mode épique, la lutte qu’ils ont menée pour faire bâtir une école, pour le bénéfice des plus jeunes. Le résultat est impressionnant : depuis 2002, l’école de Barra Velha a quitté ses anciens locaux, ouverts en 1978, construits autour et sur le modèle du poste de la FUNAI, pour intégrer le magnifique collège,

pourvu de six salles et d’annexes réparties en trois bâtiments aérés disposés autour d’un préau majestueux, le tout recouvert de tuiles étincelantes. Voici ce que disait, à ce propos, le vieil Albino Brás, pajé du village, lors de la commémoration du Jour de l’Indien, le 19 avril 2003 :

[Il évoque la répression qui s’est abattue sur la contre-manifestation organisée par les Indiens lors de la célébration du cinquième centenaire de la Découverte du Brésil, en avril 2000 à Porto Seguro. Son discours est en portugais.] Alors j’ai pleuré en voyant ces bombes fumigènes, cette bande d’Indiens qui criaient, qui couraient, alors j’ai pleuré et me suis rappelé la guerre de 51 […]. C’est pourquoi je suis content d’être ici parmi mes frères Indiens, j’ai soixante ans, je ne connais pas la lecture, mais je connais les remèdes, et toutes les institutrices qui sont là [il désigne les institutrices non-Indiennes], ce sont elles qui transmettent le droit à nos enfants. Mes frères, vous devez savoir ce qui nous est arrivé. Il y a vingt ans, nous ne savions rien de l’étude. Aujourd’hui, nous avons notre lieu. Etudiez bien et transmettez bien notre droit pour aider nos frères.

Ce discours établit un lien entre le Massacre de 1951 et la question du droit des Indiens (nosso direito), obtenu par l’étude – l’école étant le « lieu » (nosso lugar) où le droit s’acquiert et est établi. À noter d’ailleurs que l’expression nosso lugar

110 Peter Gow (1991: 229) effectue un rapprochement riche de suggestions entre chamanisme

et institution scolaire : « Both school and shamanism concern the use of potentially dangerous knowledge for the defence of kinship. The school defends kinship by bringing “civilized” knowledge inside native social relations, while shamanism uses the wild powers of the forest and river to defend kinship. »

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est ambiguë : elle pourrait aussi bien désigner la Terre Indigène elle-même, traduisant le fait que pour Albino l’une et l’autre sont indissolublement liées. Albino ne manque pas de souligner, au passage, qu’il ne sait pas lire mais « connaît les remèdes », et se pose ainsi en complément des professoras qu’il évoque ensuite. Ses remerciements vont aux institutrices non-Indiennes qui « font passer » (puxam) ce droit aux plus jeunes – ou plus précisément, qui leur donnent accès à ce droit par l’enseignement de la lecture.

Après ce discours, vient celui de la représentante du « Groupe Jeune » (Grupo Jovem), fondé par des adolescents scolarisés ayant une forte implication dans les activités de resgate da cultura, purs produits de l’enseignement différencié. Son discours est en portugais émaillé (en gras) de termes « pataxó » :

Bonjour mes taputary*… indihy*. Pour ceux qui ne me connaissent pas je suis l’Indienne Jukunã, l’Indienne Jukunã Pataxó. Je veux vous dire que je suis très heureuse de voir mes taputary avec moi aujourd’hui, raméant (rameando*), car aujourd’hui est un jour heureux pour nous… Je veux raméer (ramear*) avec mes taputary toute la journée… Et je remercie aussi les indihy, les professeurs et la directrice Albenir. Awê !

La portée de ce discours est limitée par le fait que, sous le coup de l’émotion, l’adolescente n’a pu réunir le vocabulaire indigène nécessaire à une allocution de plus vaste portée. L’emploi de la langue pataxó, encore en phase de réélaboration, est certes d’une importance stratégique en ce jour de fête où nombre de touristes viennent visiter le village – et cependant, c’est d’abord à ses taputary – « parents » – que la jeune fille s’adresse. Les remerciements aux professeurs – cette fois, aux professeurs indigènes – souligne la reconnaissance des jeunes pour avoir eu accès à ce corpus de connaissance qui fait leur orgueil, comme en témoigne l’utilisation de son « nom indigène » plutôt que de son nom de baptême et son patronyme : « Je suis l’Indienne Jukunã, l’Indienne Jukunã

Pataxó ». Mais les instituteurs pataxó n’ayant pu, à ce jour, reconstituer de cette

langue qu’un lexique (essentiellement d’origine Maxakali), et non encore la syntaxe (qu’ils envisagent d’emprunter au Tupi), les quelques termes indigènes qui sont employés ici (taputary : parent ; indihy : Blanc ; rameá : danser) s’insèrent dans la syntaxe portugaise, qui régit également la conjugaison des verbes (rameando, ramear).

Les discours du vieil homme et de l’adolescente semblent décalés : Albino fait appel à la mémoire collective, douloureuse, et voit le salut du côté du savoir des Blancs. L’adolescente met en avant les signes d’une indianité générique : Indienne, Pataxó, détentrice d’un nom indigène – Jukunã – arboré dans les grandes occasions. Entre les deux, les instituteurs indigènes, passeurs du savoir d’une génération à l’autre. Les attentes d’une génération et les réponses de l’autre semblent diverger.

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Ce décalage est probablement le résultat d’un « malentendu productif », qui est la perception différente qu’ont de l’école les anciens, analphabètes, et les jeunes générations. L’attachement des anciens à l’école s’explique par le traumatisme historique du Massacre de 1951, au cours duquel des soldats envahirent le village, violèrent les femmes, harnachèrent les hommes et se firent transporter par eux ou les obligèrent à porter des fardeaux, sous la menace du fouet. Les récits de cet épisode, nous l’avons vu, sont fortement marqués par les stéréotypes en usage chez les Blancs comme chez les Indiens, cristallisés en les termes manso (« doux, apprivoisé »), brabo (« sauvage »), bicho (« animal »), amansar (« domestiquer »)111, qui furent longtemps appliqués sans discrimination aux Indiens comme aux bêtes. Les anciens abhorrent cette humiliation d’avoir été assimilés à des bichos, des animaux et/ou des Indiens sauvages. Pour eux, c’est du fait de leur « bêtise », à tous les sens du terme, que ce massacre put avoir lieu, et ils n’ont eu de cesse depuis lors que de chercher à délivrer la communauté du stigmate de l’analphabétisme pour ne plus souffrir d’humiliation de la part des Blancs. Les anciens du village, et c’est un fait répandu dans le monde amérindien, voient dans l’école un moyen de lutter à armes égales, de sortir de l’état d’índios bobos dans lequel la malignité de la société dominante (autorités publiques et entrepreneurs particuliers) les a cantonnés (Souza, 2001 : 83). Cette perception de l’école est, à notre connaissance, assez largement partagée dans les communautés indigènes au Brésil et dans les pays limitrophes, au point qu’il est courant d’observer des dissensions, ou des réserves, de la part des anciens, à l’égard de l’enseignement en langue indigène (Gow, 1991 : 231) qui constitue selon eux un dévoiement de la mission « civilisatrice » de l’école.

Cette institution revêt un sens tout différent pour les jeunes Pataxó (trente ans et en deçà) : elle est un élément clé dans le processus de régénération culturelle que leur génération a entrepris, stimulés en cela par les contacts avec d’autres ethnies nordestines ou par la référence que sont devenus les Indiens du Xingu (Kayapó, Kayabi), ou du Mato Grosso (Xavante, Xerente, Karajá). Portés par un enthousiasme communicatif, ils participent à des forums et des rencontres, ils parcourent la réserve en tout sens, armés d’un bloc-notes et d’un magnétophone, et rédigent des dissertations et des opuscules relatant l’histoire de leur peuple, transcrivent ou composent les chants « dans la langue » qui seront entonnés lors de l’Awê, recueillent les histoires et les mythes racontés par les anciens, énumèrent les plantes médicinales et leurs propriétés, et encouragent leurs élèves à compléter ce corpus de savoir par eux-mêmes, en interrogeant leurs parents.112

111 Les caboclos d’Iratapuru, en Amapá, sont encore plus directs, puisqu’ils parlent d’índios

domesticados à propos des Wayãpi.

112 Des manuels et anthologies brochés, comportant des éléments historiques et pédagogiques,

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Un exemple, tiré de l’Histoire du peuple pataxó rédigée par les instituteurs de différents villages, nous permettra de comprendre la manière dont le savoir, élaboré par les instituteurs, est reçu par leurs élèves :

« Avant le contact avec l’homme blanc, notre peuple était libre, nos forêts et nos rivières toujours sains. Nous nous sustentions de racines, de fruits, de gibier, de poissons, de fruits de mer, etc. Nos maisons étaient des huttes, faites de branches fichées dans le sol, recourbées les unes sur les autres avec des lianes et couvertes de feuilles [sic] de patioba et de cocotier. » (Collectif, 2003 : 9)

Outre le stéréotype de l’Indien sylvicole véhiculé par ces premières phrases, la description de l’habitat eut des répercussions que j’ai pu observer lors de la rédaction, par ces mêmes instituteurs, d’un ouvrage ultérieur dont les élèves réalisèrent les illustrations. Les villages de la terre indigène, y compris les plus récents, bâtis en brique et couverts de tôle amiantée, furent dessinés sur le modèle décrit par ce texte, qui s’inspire mot pour mot de Wied-Neuwied (1989 : 215) : « De fins rameaux et des branches fichées dans le sol sont courbés à leur extrémité, attachés les uns aux autres, et couverts de feuilles [sic] de cocotier et de patioba. »

Cette vision du passé, puisée aux sources du XIXe siècle, se répand parmi les plus âgés, comme le trahissait la conversation avec Palmiro Ferreira portant sur les anciens Tupi « allant nus et se nourrissant des fruits de la forêt », citée au chapitre 3. Les anciens semblent en effet enclins à considérer que le savoir scolaire offre davantage de garantie que leurs propres souvenirs ; comme j’interrogeai la vieille Zabelê, de Cumuruxatiba, sur l’origine de l’ethnonyme « Pataxó », elle interpella un enfant d’une douzaine d’années qui passait : « Comment c’était, déjà, l’histoire du nom Pataxó ? » Et l’enfant récita la leçon que je connaissais déjà, dont je connaissais l’inventeur (Antônio Ferreira) et qui est divulguée par les instituteurs pataxó dans toutes les écoles communautaires.

La dynamique lancée par les instituteurs voue donc les anciens à assister leurs cadets dans le processus éducatif et à jouer le jeu d’une reconstitution approximative ; ils s’y prêtent à condition que les professeurs garantissent aux enfants l’accès au B-A BA. Il reste cependant une deuxième condition posée

mais les Pataxó eux-mêmes sont aujourd’hui les principaux producteurs du matériel qu’ils emploient. A ma connaissance, trois ouvrages didactiques ou historiques ont été publiés à ce jour : PATAXÓ Katão, 2000, Trioká Hahão Pataxi (Caminhando pela história Pataxó), pub. SEBRAE (80p., diffusion restreinte) ; KANÁTYO, MANGUADÃ, ANGTHICHAY, JASSANÃ, ARARIBY – Professores Pataxó, 1997, O Povo Pataxó e a Sua História, MEC/UNESCO/SEE-MG (120 pages, diffusion restreinte) ; (Collectif), 2003, História do Povo Pataxó, Salvador, MEC/ANAI/PINEB-UFBA (150 pages, diffusion restreinte). Mais au moins deux autres sont sous presse. Ces ouvrages sont destinés à être diffusés gratuitement : tirés en nombre limité, ils circulent le plus souvent sous forme de cahiers photocopiés, à l’usage des professeurs indigènes.

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par les anciens à leur adhésion au projet éducatif, et qui tient dans les formes : les instituteurs ne sont pas considérés comme des êtres parfaitement innocents auxquels on peut sans réserve délivrer les leçons ancestrales.

Dans le document Tombeau des Aymorés (Page 173-193)

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