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TOUT DOIT DISPARAÎTRE

Dans le document Tombeau des Aymorés (Page 193-200)

Cet ouvrage s’achève dans une sylve obscure, plus précisément dans un village nommé « Milieu de la Forêt », Meio da Mata, en plein cœur de la réserve. Parvenus au milieu du chemin qui nous conduisait de Barra Velha à Boca da Mata, où je devais rejoindre Manoel Santana pour un ultime entretien, Conceição qui m’accompagnait suggéra que nous passions la nuit dans ce village où je ne connaissais personne. Nous aurions pu, dans des circonstances normales, franchir d’une traite les quarante kilomètres qui séparent les deux extrémités de la réserve, mais nous avions pensé qu’il serait plus pittoresque de parcourir cette distance à dos d’âne et de mule. Or l’âne, Canário, avait décidé que rien ne le pressait, pas même la perspective de rencontrer un jaguar ou un braconnier ; quant à la mule, elle semblait vouloir profiter de cette escapade pour explorer les recoins de la réserve, s’emballant à tout instant pour se figer ensuite devant un palmier ou une mare. Nos reins moulus et le soleil déclinant nous incitèrent à repousser l’entretien au lendemain. Quittant le chemin principal qui longeait le Parc National, nous approchâmes de ce village, dressé au beau milieu de ce qui était autrefois la forêt vierge. Trente-cinq familles vivent ici et ont fait pousser leurs maisons et leurs plants de manioc parmi les souches calcinées et les troncs couchés à terre. Conceição crut bon de m’avertir : « Tu sais, les gens d’ici ne sont pas comme à Barra Velha. Ils vivent dans la forêt, ils n’ont pas l’habitude de fréquenter des étrangers. Même moi qui suis de la famille je fais attention à ce que je dis. » Ainsi prévenu je le suivis sans un mot dans sa tournée, passant de maison en maison, saluant ses parents.

Conclusion

Ce que je vis alors, ce que je fus forcé de voir : à l’arrière de chaque maison, des dizaines de gamelles, de pots, d’écuelles taillées, des amoncellements de chutes, de copeaux et de sciure, et le « poc-poc » des herminettes, et le vrombissement des tours à bois. Dans l’une des maisons où nous nous arrêtâmes, Conceição prit des nouvelles d’un parent blessé par la chute d’une branche – le dos barré d’une longue cicatrice qui suppurait, la mâchoire fendue, un bras paralysé. Et nous l’écoutâmes raconter péniblement comment les vibrations de la tronçonneuse avaient libéré cette branche qui pendait. Lorsque nous ressortîmes, le village était différent : gamelles, copeaux, tout avait disparu, les tours s’étaient tus ; et tous, ayant délaissé leur activité du fait de ma présence, nous suivaient du regard. Les enfants, loin d’être amicaux et enjoués comme dans les autres villages, se montraient agressifs, nous suivant à distance pour nous railler. Parvenus au dispensaire où nous allions passer la nuit, Conceição me fit entrer, entra à ma suite et ferma la porte à clé. C’est alors seulement que je pris conscience de l’inconfort de ma situation : tous les jeunes gens du village avaient entouré le dispensaire et restèrent là jusque très avant dans la nuit.

Au premier chant du coq je réveillai Conceição et nous partîmes dans l’obscurité, abandonnant l’âne et la mule qui sauraient bien s’en retourner. Les hommes du village étaient déjà debout, allant de maison en maison pour réunir les équipes qui partiraient dans la forêt du Parc National avant le début des tournées d’inspection. « Je t’avais prévenu, me dit Conceição, les gens d’ici sont très différents de nous. Ils ont une vie difficile, ils n’aiment pas les étrangers. » Mais les champs ouverts avec le tracteur prêté par la FUNAI, mais les sacs

d’engrais qui s’entassaient sur le seuil des maisons ? Au pire, pourquoi ne plantaient-ils pas des arbres, pourquoi la forêt et l’artisanat en bois devaient-ils s’achever avec leur génération ? « Planter des arbres, c’est compliqué, il faut du temps, il faut faire vivre sa famille ». Conceição m’expliqua alors les efforts entrepris par les jeunes des différents villages, effort de sensibilisation qui commençait à porter ses fruits. Lui-même avait planté des arbres : l’un des deux avait pris.

Il était six heures du matin lorsque nous sortîmes de la forêt. Encore une heure de marche parmi les arbres brûlés et nous parvenions à Boca da Mata, chez Manoel Santana. Avais-je fait un séjour de trop, qui m’avait révélé, non ce que je n’avais pas vu, mais ce que je n’avais pas voulu voir ? Tant de détails qui m’avaient volontairement échappé, le fait par exemple que les tours à bois fonctionnaient partout, y compris à Barra Velha, que les gamelles produites à Meio da Mata étaient achetées par Conceição et les membres de sa famille qui les dégrossissaient et les ciraient pour les vendre aux touristes – tout cela, je l’avais eu sous les yeux chaque jour. Cette réalité-là n’avait jusqu’alors pu s’imposer car elle avait été contrecarrée par les discours innombrables qui

Tout doit disparaître

parlaient de « sensibilisation », de « développement durable », de « reforestation », « d’agriculture raisonnée », de « ressources renouvelables ».

Soudain m’apparaissait toute l’ampleur du commerce prohibé et aucune explication ne me paraissait plus crédible. Je me doutais bien que des expressions telle que « l’Indien et la forêt ne font qu’un » tenaient davantage du slogan que de la profession de foi mais je n’imaginais pas qu’une interprétation possible était que des deux, un seul resterait debout. J’étais entré, à la suite de cette visite à Meio da Mata, dans une spirale de découvertes et de révélations étourdissantes, puisque j’en savais assez, dorénavant, pour que mes interlocuteurs s’expriment avec franchise.

Je vais te dire la vérité, Floriano, me dit José Ferreira lorsque je lui confiai mon désarroi. Je vais te dire la vérité, maintenant que je ne suis plus cacique et que c’est à d’autres de régler le problème. La forêt va disparaître. Elle va vraiment disparaître. Et moi je me sens coupable pour cela, parce qu’au temps où nous avons récupéré le Parc, nous avons dit à la Nation que nous le garderions intact. Et moi j’ai expliqué cela à Brasilia, j’ai dit : l’Indien a besoin de travailler le bois pour survivre, mais prêtez- nous des tracteurs pour ouvrir des champs, donnez-nous de l’engrais et des semences pour un an, et vous verrez les artisans laisser le bois pour travailler la terre. Et les tracteurs sont venus, et l’engrais est venu, et les graines sont venues, mais l’artisanat a continué, parce qu’une gamelle en bois, une écuelle, c’est de l’argent dans la main, à peine l’as-tu faite qu’elle est déjà vendue, mais pour le manioc, il faut attendre, il faut préparer la farine, et j’ai beau faire, Floriano, j’ai beau donner l’exemple, personne ne veut plus se donner au travail et à la peine.

Je me rendis alors chez Romildo Ferreira, le cacique en exercice, qui avait longtemps appartenu à la brigade chargée de veiller sur le Parc. Il était assis sur le seuil de sa maison, fatigué d’avoir travaillé toute la journée, avec de trop rares volontaires, à réparer le pont. Je lui fis mes adieux et il répondit à voix basse, froissé du peu d’égards que je lui avais témoigné jusqu’à présent. Je lui rappelai que lui-même n’avait jamais fait d’effort pour m’aider dans mon enquête : « Ainsi, lui dis-je, j’ai attendu vainement que tu me montres les pépinières dont on m’a tant parlé ». Il baissa encore la voix pour me répondre :

« Je ne pouvais te montrer quelque chose qui n’existe pas. »

Je ne cherchai plus à dissimuler ma perplexité. Il est possible de comprendre la cupidité des éleveurs de bétail qui brûlent à petit ou grand feu l’Amazonie : cette forêt n’était pas la leur, ils n’y avaient pas grandi, ils ne comptaient pas y demeurer. Les environnementalistes pouvaient bien s’indigner à New York ou à São Paulo, personne n’y viendrait voir, et les autorités et les médias pourraient ainsi éternellement dénoncer les crimes sans dénoncer les coupables. Mais les Pataxó, eux, avaient été chassés de leurs terres, coupés de leur accès à la forêt, ils avaient lutté pour la reconquérir : était-ce vraiment pour la transformer en gamelles, en planches à découper ?

Conclusion

Comment cette destruction pouvait-elle se produire, puisqu’elle était manifestement une sorte d’aporie ?

La question des superpositions

Le cas du Mont Pascal n’a malheureusement rien d’exceptionnel : la situation actuelle peut être mesurée à l’aune des multiples cas de superposition de Terres Indigènes et d’Unités de Conservation de l’environnement, la législation brésilienne interdisant normalement toute activité humaine dans les aires protégées118. La création de telles unités, nécessaire au vu de la dégradation alarmante des milieux naturels, est souvent, pour les populations locales, un traumatisme ajouté à un bouleversement de leur occupation traditionnelle de l’espace, qui conditionne l’organisation communautaire. La pratique des brûlis, la récolte d’herbes médicinales, de bois de chauffe et de construction, le prélèvement de spécimens de la flore et de la faune locale (orchidées, broméliacées, animaux familiers tels que perroquets et perruches, singes capucins, curió – Oryzoborus angolensis – et autres oiseaux chanteurs), sans parler de la pratique d’une chasse alimentaire, se trouvent du jour au lendemain interdits et les usagers se voient menacés par des agents de l’IBAMA, d’amendes

voire de peines de prison. La culpabilisation, les humiliations répétées, la

desmoralização (sentiment que l’on a porté atteinte à son honneur), entraînent

souvent des réactions incontrôlables de vengeance (incendie criminel, pose de pièges, prélèvement accéléré d’animaux et d’orchidées mis en vente sur les marchés des environs). On suggère alors, du côté des autorités et des « préservationnistes » (Rocha, 1997 ; Dean, 2000 ; Galetti, 2001), que ces populations portent atteinte à l’environnement et l’on en forme un argument pour prôner la sanctuarisation des lieux protégés.

Les défenseurs des populations locales, les « conservationnistes », souhaitent au contraire voir celles-ci associés à la gestion environnementale et expliquent la réaction de prédation accrue par le sentiment de dépossession, et donc, de déresponsabilisation, éprouvé par des gens qui occupent l’espace,

118 Il fut un temps – les années 70 particulièrement, sous régime militaire –, où le

gouvernement brésilien, parfois pour des raisons de sécurité nationale, usait de la création de ces unités afin d’entraver d’éventuelles revendications territoriales de peuples indigènes, les Yanomami par exemple (Ricardo, 2004). La création récente de la Terre Indigène Raposa – Serra do Sol dans l’État de Roraima, contre l’avis de l’armée brésilienne, est un signe que cette politique opposant protection de l’environnement et droits des peuples autochtones est officiellement révolue. La Constitution de 1988, en reconnaissant l’antériorité des droits des autochtones (les « sylvicoles ») a en effet rendu obsolète cette politique, dans la mesure où, quelle que soit la date de création de l’Unité de Conservation, les populations indigènes pourront toujours, légitimement, revendiquer cet espace comme étant d’occupation ou d’usage immémorial (Santilli, 2000 : 126).

Tout doit disparaître

physiquement, symboliquement et affectivement, depuis des temps immémoriaux (Castro & Pinton, 1997). Cette question semble avoir été tranchée en leur faveur et l’on voit aujourd’hui se multiplier les expériences d’association de populations traditionnelles (au sens large) à la préservation de l’environnement, comme c’est le cas, au Brésil, des « réserves extractivistes » (amazoniennes le plus souvent) et, en France, des Parcs Naturels et des Parcs Nationaux, qui font une large place aux activités agricoles et pastorales. Dans le cas de populations indigènes, l’imaginaire collectif fait peser sur ces expériences une chape de fantasmes naturalistes et « d’éco-mysticisme », pour reprendre l’expression de Bruce Albert (1997 : 193), fantasmes auxquels n’échappent pas les Organisations non Gouvernementales engagées sur le terrain.

Les programmes mis en place se ressemblent le plus souvent. Ils traduisent une approche intégrée des problèmes, approche qui est le résultat de décennies de tâtonnements et d’échecs. Il s’agit de recruter, au sein même de la population locale, des agents environnementaux, de créer une brigade de pompiers, de proposer des formations à l’écotourisme, à l’agriculture raisonnée, avec distribution de semences et d’engrais, de favoriser l’implantation de pépinières ou de plantations alternatives permettant, par exemple, l’artisanat fabriqué en matières renouvelables, comme cela fut mis en œuvre dans la Terre Indigène du Mont Pascal.

Ces programmes intégrés ont d’emblée deux effets positifs : ils resserrent les liens communautaires autour d’un objectif commun visant à la pérennité du groupe ; ils se fondent sur une valorisation des savoirs traditionnels (Arruda, 1997 : 363) et d’un patrimoine collectif qui stimule l’amour propre de populations jusqu’alors stigmatisées par la société environnante parce qu’Indiens, ou caboclos, analphabètes, rétrogrades, rustres, etc.

Mais ils entraînent également un bouleversement des modes d’organisation de l’espace, de la production et de la société elle-même. Les gestionnaires de programme fondent en effet leur action sur une stratégie de communication intense qui réorganise la vie sociale en la rythmant par des réunions de concertation, des stages de formation, exigeant de la part des acteurs locaux une forte mobilisation qui les oblige à délaisser pour des périodes considérables leurs activités quotidiennes, sauf à s’exclure du programme. L’extrême valorisation du document écrit, de la formalisation des échanges, permet la montée en puissance d’individus alphabétisés au sein de la hiérarchie locale, aux dépens des processus de légitimation traditionnelle. Enfin, ces programmes suscitent leur lot de réfractaires, pour diverses raisons (maladresse des formateurs, infraction aux usages, aux hiérarchies traditionnelles – « manque de respect » –, retard ou mise à l’écart pour des raisons d’éloignement géographique, de rivalités familiales ou autres…), faisant soudain éclater des conflits larvés.

Conclusion

Dans le cas du Mont Pascal, un lourd passif – les trente années durant lesquelles les Pataxó se virent refuser l’accès à la forêt – avait resserré les liens de solidarité familiale. En réponse à l’oppression, les Pataxó se livraient au braconnage et à l’extraction de palmes de piaçava, activités marginales, sans grand impact sur le milieu. En 1985, grâce aux pressions de la FUNAI, l’IBAMA

céda du terrain et les Pataxó récupérèrent un peu plus du tiers de la surface du Parc, sans obtenir toutefois la reconnaissance officielle, la fameuse escritura. La partition, qui s’était opérée de manière conflictuelle, alimenta rancœurs et méfiance mutuelles. Ils s’empressèrent donc de mettre en exploitation les zones boisées, créant les villages de Boca da Mata et Meio da Mata, brûlant de vastes espaces, transformant les autres en déserts biologiques119 par l’extraction à grande échelle de bois noble et la fabrication d’artisanat. La crainte de se voir retirer ce qu’ils avaient chèrement obtenu explique la hâte et les moyens extrêmes que les Pataxó mirent en œuvre pour forcer la décision officielle : dans ce contexte s’inscrivent les trente tarefas déboisées sur l’ordre de José Ferreira, qui déclenchèrent un incendie de grande ampleur (Dean, 2000 : 351), à la suite duquel le Président de la République signa enfin, en 1991, le décret d’homologation. On peut penser que cette forêt, comme les entités qui l’habitent, était devenue partiellement étrangère aux générations qui se l’étaient si longtemps vue interdire, comme l’explique Benedito, de Campo do Boi : « Quand j’étais jeune je n’allais pas en forêt, c’était interdit par l’IBAMA. Dans

les années soixante les Indiens n’allaient pas dans la forêt. Quand j’ai commencé à y aller, j’étais un homme fait, je n’avais pas peur des esprits. »

En 1999 eut lieu la retomada* décisive, avec l’occupation des postes de contrôle du Parc, action collective qui fut suivie d’une longue bataille juridique, d’un siège interminable et de nombre d’épisodes traumatisants.120 Les arguments du Conseil des Caciques réunis pour cette occasion, largement inspirés par le CIMI, étaient des arguments de type ethnoécologiques : « La forêt

est à nous », « Nous sommes et nous dépendons de la nature »…121 On reconnaît dans cet argumentaire le fruit de l’alliance objective mise en place,

119 J’entends par « désert biologique » ces zones où le couvert forestier est préservé, mais où la

présence humaine et la pression de la chasse ont bouleversé les chaînes trophiques, réduisant progressivement la faune à quelques espèces opportunistes, tels les opossums.

120 On devine, par la violence de la campagne de presse, à quel point la légitimité des Pataxó fut

attaquée, et la validité de leur revendication tournée en dérision, comme le montre cette chronique de Marcos Sá Corrêa, à propos de la retomada* menée dans le Parc National : « Pour aller manifester à Brasilia, ils arborent une espèce d’uniforme tribal identique à la figurine de paille et de plume peint par Vítor Meireles dans le tableau La Première Messe au Brésil, une allégorie romantique du Brésilien autochtone. » (« Contra demarcação de certas terras indígenas [Contre la démarcation de certaines Terres Indigènes] », in Época, 20 septembre 1999)

121 « Manifesto dos índios Pataxó do Monte Pascoal para salvar o Monte Pascoal – repúdio ao Manifesto da

Comissão Indígena da Conferência Indígena dos 500 anos », 11/10/00. Document manuscrit, signé par huit caciques.

Tout doit disparaître

dans les années 1990, entre ONG environnementales et indigénistes (Morin,

1992). Après deux ans de tâtonnements fut programmée une gestion combinée

IBAMA/communauté indigène, le projet « Mont Pascal Pataxó », l’ONG

Florabrasil servant de liaison entre ces deux entités. Le statu quo territorial fut maintenu : la partie récupérée (l’Unité de Conservation proprement dite), était destinée à être préservée et l’impact humain dans cette zone strictement limité. Cette clause avait été posée par les caciques eux-mêmes, dans leur assemblée, affirmant devant la nation toute entière leur engagement à préserver le Parc « mieux que l’IBAMA ne l’avait jamais fait ».

Les conséquences démographiques et territoriales de la création d’infrastructures dans le cadre des programmes d’assistance purent s’observer, avant tout, dans le regroupement spontané de la population et dans sa sédentarisation autour des écoles et des dispensaires, à proximité desquels furent installés les puits artésiens et les générateurs. Bien vite, la sécurité retrouvée entraîna un retour au pays de nombre d’habitants exilés dans les villes ou fazendas environnantes, qui n’avaient bien entendu pas été pris en compte lors des recensements. La santé améliorée se traduisit par une très forte baisse de mortalité infantile associée à un taux de natalité élevé. Ce phénomène put être observé chaque fois qu’une avancée se produisait en termes de droits d’occupation des terres. Les programmes, qui se fondaient sur une estimation de la population en l’état actuel, furent vite dépassés pour n’avoir pas pris en compte l’attractivité nouvelle, les pénuries générant de la frustration. La valorisation d’une activité traditionnelle telle que le brûlis pratiqué dans les lisières de forêt secondaire (les capoeiras) fut rapidement mise en cause par l’explosion démographique, d’où la nécessité d’adopter un mode de production intensif, à l’aide de fertilisants et d’engins mécaniques, débutant ainsi le cycle infernal de la réduction du temps de jachère et de l’épuisement des sols.

Dès lors que furent ouvertes des perspectives d’activités rémunérées, une émulation se fit jour à l’intérieur du groupe, alimentée par la vision de la moyenne de la société nationale : désir de télévision, de poste de radio, de mobilier, de carrelage, tout ce qui fait partie de l’équipement normal d’une maison brésilienne. Le besoin de liquidités de chaque foyer devint alors exponentiel – l’électricité, par exemple, fournie par un générateur, implique l’achat régulier de gazole. C’était là le résultat d’un malentendu initial, car on ne peut prétendre valoriser l’activité et le mode de vie traditionnels sans tenir compte des aspirations au confort, au progrès, de populations qui ont

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