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Chapitre 7 : Application de méthodes d’extraction de connaissances

1.2 La trame grise

1.2.3 Typologies grises

Pour Salat (2011) les «notions de type et de typologie forment un des outils majeurs de l’analyse urbaine. De même que la systématique en botanique ou en minéralogie précède toute la réflexion sur les formations végétales ou sur les structures géologiques, la typologie des plans, des parcelles et surtout du bâti permet de se dégager de la collection d’objets isolés pour en opérer un classement requérant un certain niveau d’abstraction. Ce classement permet de rendre compte des objets complexes que sont les tissus urbains. La typologie classique commence par la description des éléments (maillages, parcellaires, maisons et immeubles) puis par leur classification en fonction de certains critères jugés pertinents ». L’objectif de ce

classement en type est donc de mettre en ordre afin de réduire la complexité du problème étudié, mais cela nécessite au préalable de faire le choix de certains indicateurs pour construire cette typologie (Coenen-Huther, 2007).

Pour l’analyse des tissus urbains, de nombreuses typologies ont ainsi été construites. Selon les objectifs de l’étude, ces typologies peuvent être plus ou moins complexes c’est-à-dire avec plus ou moins de types différents et utiliser plus ou moins d’indicateurs pour les décrire. L’APUR (2007) par exemple construit une typologie en neuf classes des îlots de la ville de Paris basé sur un seul indicateur. La date de construction des bâtiments à partir de relevé de terrain est utilisée et les neuf types correspondent à une période de construction. L’objectif de cette étude est d’estimer les consommations en énergie de bâtiments et cette typologie permet donc d’obtenir une indication sur les matériaux utilisés pour leur construction. La densité est aussi un indicateur important et très souvent utilisé, notamment par les agences d’urbanisme, pour réaliser une typologie des tissus urbains. De nombreuses mesures de densité bâtie peuvent être calculées selon

que sont pris en compte ou non les espaces publics, la surface au sol, de plancher ou de logement d’un bâtiment (Salat, 2011). L’AUCAME (2010) utilise ainsi trois indicateurs de densité : la densité de logement, le coefficient d’occupation du sol (surface de plancher / surface de l’îlot) et le coefficient d’emprise au sol (surface au sol / surface de l’îlot) qui, combinés avec la part d’espaces publics, permettent de décrire les tissus urbains types de l’agglomération caennaise. Elle analyse avec ces indicateurs une typologie composée de six grands types correspondant à des époques de construction chacun se trouvant lui même composé de deux types différents liés à leur morphologie.

Badariotti (2005) propose une typologie des tissus urbains de Strasbourg basée sur l’époque de leur construction : le tissu dense du centre-ville, les tissus de la fin du 19eet du début de 20esiècle composés du type haussmannien, du pavillonnaire et du tissu industriel d’avant-guerre, et enfin les tissus d’après-guerre composés des grands ensembles, des zones industrielles et commerciales et des lotissements. Son objectif est de vérifier si les mesures de fractalité proposés par Frankhauser (1990) peuvent rendre compte des différences et des ressemblances entre les types de tissus sélectionnés. Dans le cadre de recherche en climatologie urbaine, certains auteurs ont proposé de construire des typologies simplifiées afin de pouvoir mieux étudier par modélisation les apports que représentent certains tissus sur la consommation énergétique des bâtiments. Aranteset al. (2016) par exemple comparent six configurations de tissus (figure 1.6)

et leur assemblage au sein de quartier avec pour objectif d’optimiser la densité de population, l’accès à l’ensoleillement et la performance énergétique.

Figure 1.6 – Exemple de morphologie simplifiée pour l’analyse de la consommation des

Toujours pour des applications en climatologie urbaine, Stewart et Oke (2012) proposent une typologie composée de dix types pour les espaces urbains et de sept pour les espaces agricoles et naturels (figure 1.7), les «Local Climate Zones » (LCZ). Leur objectif est que

ces LCZ permettent d’étudier les effets et l’intensité des îlots de chaleur urbains en utilisant une typologie unifiée afin de rendre possible la comparaison entre différents espaces urbains. La construction de ces LCZ repose ainsi sur une quantité limitée d’indicateurs afin de pouvoir être facilement reproductibles, ici dix basés principalement sur la morphologie des tissus, leur composition, mais aussi leur albédo et l’utilisation humaine d’énergie. Cette typologie connaît actuellement un succès important, tant pour l’analyse des climats urbains que pour la cartographie des tissus, comme en témoigne le nombre d’études qui l’utilise. Ce succès peut s’expliquer par son caractère générique, facilement compréhensible et culturellement neutre (Bechtelet al., 2015).

Built types

Land cover type

1. Compact high-rise 2. Compact midrise 3. Compact low-rise 4. Open high-rise

5. Open midrise 6. Open low-rise 7. Ligthweight low-rise 8. Large low-rise

A. Dense trees

10. Heavy industry 9. Sparsely built

B. Scattered trees C. Bush, scrub D. Low plants

E. Bare rock or paved F. Bare soil or sand G. Water

Figure 1.7 – Les Local Climate Zones proposées par Stewart et Oke (2012)

D’autres auteurs ont aussi proposé des typologies qui peuvent être appliquées sur l’ensemble des tissus urbains. Berghauser Pont et Haupt (2005) proposent ainsi une typologie en huit classes qui peuvent être obtenues simplement à partir de quatre indicateurs et de leur projection sur laSpacemate (figure 1.8). Ces quatre indicateurs

sont la densité de plancher (FSI), la densité de surface au sol du bâti (GSI), le ratio d’espace ouvert (OSR) et le nombre moyen d’étages (L).

A. Low-rise spacious strip developments blocks B. Low-rise compact strip developments blocks C. Mid-rise open building blocks

D. Mid-rise spacious building blocks

E. Mid-rise compact building F. Mid-rise closed building G. Mid-rise super blocks H. High-rise developments

Figure 1.8 – La Spacemate de Berghauser Pont et Haupt (2005)

Avec des objectifs de cartographie des tissus urbains, de nombreuses typologies diffé-rentes ont été proposées. Une typologie très souvent considérée pour cartographier les structures urbaines utilise la densité comme critère principal. Steinigeret al. (2008)

proposent ainsi une typologie en cinq classes à partir de la forme des bâtiments : centre urbain, urbain, suburbain, rural et industriel. Rousseauxet al. (2012) en formulent une

similaire pour la cartographie des tissus de Nantes composée de six classes : centre-ville, péricentre, résidentiel dense et peu dense, habitat isolé et zone industrielle, à laquelle Bernabéet al. (2013) sur ce même site d’étude ajoutent le type grand ensemble.

Tou-jours pour la cartographie des tissus, Puissant et al. (2011) proposent une typologie

assez simple permettant de prendre en compte la diversité des formes de Strasbourg (tableau 1.1). Cette typologie est régulièrement utilisée comme dans les recherches de Waldeet al. (2014) ou de Baro et al. (2016). Toutefois, elle ne considère pas la diversité

des formes des habitats collectifs et individuels.

Tableau 1.1 – Typologie proposée par Puissant et al. (2011) pour la cartographie des îlots au

1/10000e

Type d’îlot urbain

1. Habitat continu dense de type centre-ville ou centre bourg 2. Habitat discontinu de type pavillonnaire ou individuel 3. Habitat discontinu de type collectif ou grand ensemble 4. Habitat discontinu mixte

Mélange des classes 2 (pavillonnaire) et 3 (grand ensemble)

5. Tissu urbain discontinu mixte

Mélange de classes d’habitat (classe 1, 2, 3) et de la classe 6 (emprises spécialisées bâties)

6. Emprises spécialisées bâties

Emprises liées à l’activité d’extraction – carrières, surfaces associées aux réseaux : gare de triage, échangeur, emprises aériennes, ferroviaires et portuaires, équipements sportifs et de loisirs, espaces en mutation ou libres de construction (sols nus, artificiels ou végétalisés)

8. Réseau de communication 9. Réseau hydrographique

D’autres auteurs proposent des typologies plus diversifiées pour ces types prenant en compte, pour l’habitat individuel, la densité (Heroldet al., 2003b) ou la contiguïté des

bâ-timents (Hermosillaet al., 2012) et, pour l’habitat collectif, la dimension des immeubles

(Long et Kergomard, 2005 ; Sahraouiet al., 2014). Meinel et al. (2009) proposent une

typologie en dix classes permettant de mieux rendre compte de la diversité de forme des tissus résidentiels (figure 1.9). Cette typologie a souvent été reprise et adaptée à la configuration urbaine du site étudié faisant ainsi varier le nombre de types de tissus urbains (Hussainet al., 2012 ; Bonhomme, 2013 ; Hecht et al., 2015).

Figure 1.9 – Typologie des tissus urbains proposée par Meinel et al. (2009) (de Hecht et al., 2013a)

Les typologies présentées jusqu’à présent se sont surtout attachées à décrire les tissus urbains d’un point de vue morphologique. Il existe toutefois de nombreuses typologies pour la cartographie des espaces urbains qui tentent, à partir de ces formes, de déduire les fonctions de la ville (Zhanet al., 2000 ; Bauer et Steinnocher, 2001 ; Hu et Wang, 2013).

Wuet al. (2007) en propose une en neuf types afin de cartographier la ville d’Austin au

Texas (habitat individuel et collectif, commercial, industriel, bureau, bâtiments publics, espaces ouverts, transport et espace non développé). Ce type de classification permettant de cartographier la fonction des tissus est très demandé par les gestionnaires de ces espaces pour la planification urbaine. Toutefois le lien entre la structure des tissus urbains et leur fonction socio-économique n’est pas direct et peut parfois être injustifié du fait de la mixité des fonctions que peut remplir une portion de ville homogène d’un point de vue morphologique (Van de Voordeet al., 2011).

Loin de proposer une vision exhaustive des typologies utilisées pour décrire la trame grise, cette section a permis d’en montrer toute la diversité. Les typologies sont construites selon plusieurs critères. Elles nécessitent d’être adaptées aux sites d’études et à l’ap-plication qui en sera faite, mais aussi aux données et aux méthodes utilisées pour la

cartographie des tissus urbains (chapitre 2). Peu de ces typologies considèrent explici-tement les éléments « naturels », végétation et surface en eau, dans la description des espaces urbains. Ces éléments sont aussi très peu utilisés dans la construction des tissus comme le met en lumière le chapitre 2. En effet dans l’étude des tissus, une dichotomie entre espaces construits et non construits est souvent faite, mais pose ainsi la question de la composition de ces espaces ouverts. Pourtant ces éléments permettent aussi de structurer l’espace urbain et peuvent être caractéristiques de certains tissus, notamment la végétation qui peut être très différente selon l’utilisation, mais aussi les époques de constitution des tissus urbains (Heroldet al., 2003b ; Wang et al., 2013). La section

suivante s’attache donc à préciser la place de la végétation en ville et son intérêt d’un point de vue environnemental. Elle montre comment la trame verte est un élément constitutif de la structure urbaine.

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