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Chapitre 7 : Application de méthodes d’extraction de connaissances

1.3 La trame verte

1.3.2 La notion de trame verte

La notion de trame verte associée à la trame bleue apparaît en France à l’issue du Grenelle de l’environnement et des lois Grenelle 1 (2009) et 2 (2010). Elles sont une réponse à la perte de biodiversité constatée à l’échelle planétaire qui se traduit par une disparition sans précédent d’espèces animales et végétales et de milieux naturels (Allag-Dhuismeet al., 2010). Cette diminution de la biodiversité est principalement la

conséquence de sept facteurs (Millennium Ecosystem Assessment, 2005) :

• L’accroissement de la demande en nourriture et en eau liée à l’augmentation de la population.

• L’augmentation des pollutions et des déchets liée aux activités humaines. • Les échanges commerciaux internationaux.

• Le changement climatique.

• La surexploitation des ressources naturelles. • Le développement d’espèces invasives.

• Les changements d’occupation et d’utilisation du sol.

Ce dernier facteur a une influence sur la biodiversité soit directement en détruisant des espaces naturels soit indirectement par la fragmentation et l’isolement des habitats (Clergeau, 2007). Les villes sont particulièrement en cause puisque leur développement s’est traduit par un phénomène d’étalement urbain parfois très important, mais aussi la construction de grandes infrastructures de transports dont une conséquence a été de fragmenter les paysages naturels et agricoles (EEA, 2006). La fragmentation de ces espaces et la disparition des corridors écologiques peuvent être un frein à la libre circulation des espèces et à la continuité des processus écologiques (Gilbert-Norton

et al., 2010). Ces corridors permettent de connecter les habitats naturels d’un même type

entre eux et sont nécessaires pour les populations animales et végétales afin d’assurer un brassage génétique et une population suffisamment nombreuse, mais aussi de migrer si les conditions du milieu changent ce qui est de plus en plus probable dans le contexte de réchauffement climatique. Depuis les années 1990, ce constat a mis en évidence la volonté de conserver et de développer les infrastructures vertes au niveau européen (Jongmanet al., 2004). En France, cela s’est traduit dans les lois Grenelle 1 et 2 par la

décision de mettre en place un réseau de Trames Vertes et Bleues.

Les trames vertes et bleues recouvrent deux acceptations : une première écologique et une deuxième qui est un ensemble de mesures pour prendre en considération les continuités dans les politiques d’aménagement du territoire (Combrette, 2016). Les trames sont composées de deux éléments principaux (figure 1.10). Les premiers sont les réservoirs de biodiversité qui correspondent aux espaces où les espèces peuvent assurer leur cycle de vie et à partir desquels elles se dispersent (Allag-Dhuismeet al., 2010).

Les seconds sont les corridors écologiques qui relient les réservoirs permettant ainsi aux espèces de migrer. Ils peuvent être linéaires, en pas japonais, terrestres, aériens ou aquatiques. L’objectif écologique des trames vertes et bleues en France est de conserver ces habitats et d’assurer leur connectivité.

Corridor de type linéaire Corridor de

type paysager Corridor en« pas japonais »

Réservoirs de biodiversité

Figure 1.10 – Exemple d’éléments de la Trame verte et bleue : réservoirs de biodiversité et types

de corridors (de Allag-Dhuismeet al., 2010)

La connectivité se divise en deux composantes : une connectivité structurelle et une connectivité fonctionnelle. La connectivité structurelle correspond à la contiguïté des éléments physique du paysage (Sordelloet al., 2014) et représente ainsi la partie

carto-graphiable de l’arrangement spatial de la trame (Combrette, 2016). Elle se base donc souvent sur l’utilisation d’indicateurs quantitatifs (CREAT, 2010) ou sur le déplacement hypothétique d’espèces (Rudnicket al., 2012). La connectivité fonctionnelle fait

réfé-rence au degré auquel le mouvement des individus existe réellement dans le paysage même si les taches d’habitats sont éloignées l’une de l’autre (Burel et Baudry, 1999). Elle

est donc dépendante du potentiel de mouvement des populations lié à la connectivité structurelle, mais aussi de leur dynamique (Sordelloet al., 2014). Pour l’évaluation

fonctionnelle des connectivités, il n’est pas possible de la réaliser avec l’ensemble des espèces et il est nécessaire de faire le choix d’une espèce ou d’une guilde d’espèces. Toutefois, les capacités de dispersion sont assez mal connues et il est donc plus facile d’utiliser une approche fonctionnelle et paysagère et d’utiliser l’entrée espèce comme un moyen de communication et d’information à partir d’une espèce emblématique d’un territoire pour expliquer la nécessaire sauvegarde de la biodiversité (Liénard et Clergeau, 2011). La notion de connectivité est donc essentielle pour la définition des corridors et nécessite donc l’identification préalable des réservoirs de biodiversité ainsi que la cartographie des éléments qui peuvent potentiellement constituer ces continuités. En France depuis 2009, les trames vertes et bleues doivent être prises en compte dans les documents d’urbanisme et d’aménagement à toutes les échelles territoriales. Cette prise en compte s’appuie sur une logique descendante d’emboîtement d’échelle qui se décompose en quatre niveaux. Le premier niveau est celui de l’État qui fixe les grandes orientations stratégiques pour la préservation et le développement des continuités éco-logiques. C’est ensuite aux régions d’intégrer ces grandes orientations et de définir les enjeux régionaux pour les intégrer dans leur schéma régional de cohérence écologique (SRCE) qui devait être réalisé pour 2012. Le SRCE doit ainsi proposer une cartographie synthétique des trames vertes et bleues au 1/100000e(§ 2.1.3). Les documents d’urba-nisme aux niveaux plus fins, les SCoT (schéma de cohérence territoriale – 1/25000e) au niveau intercommunal et au communal les PLU (plan local d’urbanisme – 1/5000e), doivent intégrer eux aussi ces trames en étant conformes ou compatibles avec les orien-tations fixées dans le SRCE. La prise en compte des trames vertes et bleues suit donc une logique verticale, mais nécessite aussi d’être horizontale puisque les continuités écologiques ne peuvent être simplement limitées à une entité administrative et nécessite que la continuité soit aussi territoriale. Elle engage un nombre d’acteurs très important qui peut expliquer les retards pris dans la réalisation des SRCE qui ont cependant aujour-d’hui tous été adoptés en métropole excepté en Picardie (annexe A) et leur intégration dans les SCoT et les PLU.

Pour prendre en compte les trames vertes et bleues, les aménageurs à tout niveau s’ap-puient souvent sur des zonages réglementaires existants tels que les réserves naturelles nationales, les parcs naturels régionaux, les ZNIEFF (zones naturelles d’intérêt éco-logique faunistique et floristique), le réseau Natura 2000, etc. (Cormieret al., 2010).

Ces zonages sont pour la plupart créés par l’État, les régions ou les départements. Aux échelons inférieurs, la définition des continuités écologiques est différente notamment dans les espaces urbains puisque les collectivités locales n’ont pas la maîtrise de ces zonages, donc d’outils adaptés à la protection de la trame, et que les processus écolo-giques sont complètement différents dans ces milieux (Clergeau et Hubert-Moy, 2011). La biodiversité dans les espaces urbains est souvent qualifiée d’ordinaire (Danielet al.,

2013) et les continuités peuvent être composées d’éléments très petits à ces échelons qui nécessitent des méthodes d’identification qui ne sont les mêmes qu’aux échelles

régionales. Maurelet al. (2013) insistent par exemple sur la place des arbres isolés et de

leur pied qui peuvent permettre le déplacement d’espèces animales et végétales avec des corridors en pas japonais (figure 1.10). Les jardins privés ont aussi une place à prendre dans la définition de la trame verte (Danielet al., 2013 ; Riboulot-Chetrit, 2015) bien

qu’ils soient généralement intégrés aux espaces artificialisés et sont donc, même lorsque la cartographie de la trame est réalisée à une échelle très grande, souvent considérés comme des barrières infranchissables (Liénard et Clergeau, 2011). Ces continuités appa-raissent aussi plus efficaces lorsque de nombreuses espèces végétales sont présentes et lorsqu’elles sont composées de plusieurs strates de végétation (Bergoëndet al., 2013),

mais les modes de gestion de ces espaces végétalisés urbains privés ou publics ont une très forte influence sur cette efficacité (Maurelet al., 2013 ; Riboulot-Chetrit, 2015).

La logique descendante de la définition de ces trames dans les documents d’aména-gement et d’urbanisme rend aussi difficile l’appropriation aux niveaux communal et intercommunal des trames vertes et bleues (Cormieret al., 2010). En effet, la traduction

à un échelon plus fin des directives régionales est difficile et le risque est fort de ne plus retrouver qu’une partie incomplète des données descendantes. De plus la définition des trames vertes peut être très différente selon les niveaux. Aux niveaux de l’État et des régions, les trames vertes et bleues conservent leur sens d’origine à savoir favoriser la dispersion des espèces et ont donc une visée écologique forte. Aux niveaux plus fins, les trames ont plus une visée de sauvegarde du paysage et du patrimoine naturel et agricole et, plus spécifiquement dans les espaces urbains, une vision hygiéniste et d’amélioration du cadre de vie qui correspond plus à l’histoire de la prise en compte de la végétation dans ces espaces (Arrifet al., 2011 ; Toublanc et Bonin, 2012 ; Clergeau et Blanc, 2013).

Ces différentes définitions des trames vertes et bleues ne sont toutefois pas antinomiques puisque, dans l’idée du développement durable, le caractère multifonctionnel peut être mis en avant (Ahern, 1995 ; Mehdiet al., 2012). La section suivante présente donc la

multifonctionnalité ainsi que la notion associée de services écosystémiques que peuvent représenter les trames et plus spécifiquement la trame verte dans les milieux urbains.

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