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3. TYPOLOGIE DES MOUVEMENTS DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

3.1. Caractérisation des mouvements de protection de l’environnement

3.1.1. Typologie des ONG

Tout d’abord, pour bien cerner une ONG et comprendre ses choix stratégiques, il est indispensable de connaître son champ d’action originel. En effet, si la première vocation d’un groupe est de s’opposer à l’hégémonie d’un État, il aura davantage tendance à s’engager sur

des projets n’impliquant pas une collaboration, même lointaine, avec une entité gouvernementale. De même, l’opposition historique de Greenpeace aux essais nucléaires français et américains ainsi que sa farouche opposition à la pêche baleinière expliquent sa stratégie de non collaboration directe que ce soit avec des gouvernements ou des multinationales.

Il est aussi important d’inscrire le groupe dans son présent pour déterminer ses préoccupations et ses priorités actuelles. Selon l’urgence du moment, son positionnement peut être amené à évoluer momentanément ou plus durablement. C’est notamment le cas de Greenpeace, qui, face à l’urgence du changement climatique et de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, se trouve devant un dilemme : produire de l’énergie non carbonée (le nucléaire le permet) tout en luttant contre le développement de l’énergie nucléaire (alors que les installations d’EnR actuelles ne permettent pas de répondre à la demande énergétique croissante mondiale). Les sources de financement des activités de l’ONG sont également un élément à prendre en considération afin de percevoir les liens qui peuvent exister entre l’organisation et les différents bailleurs de fonds. Ainsi, il est compréhensible que le WWF américain refuse des dons issus de l’industrie pornographique, qu’elle soit éthique ou non … quand 41 % de son budget provient de dons privés et que 72 % des Américains souhaiteraient que le gouvernement soit plus contraignant envers ce secteur (Rebellini, 2005 ; Tau, 2010 ; Time, 1986 ; WWF Worldwide, 2010). Aussi, certains groupes, souvent pour être en accord avec leurs choix stratégiques, cherchent à s’émanciper financièrement. Ils auront tendance à déployer tout un attirail d’outils empruntés au management et au marketing. Il suffit de se promener un samedi après-midi dans une rue commerçante pour tomber nez à nez avec de jeunes gens souriants désireux de vous inciter à effectuer un don pour telle ou telle ONG (Aubertin, 2005).

Tous ces éléments (et d’autres, voir tableau 3.1) influencent les types d’actions entreprises par les ONG, leurs modes de prise de décisions, la nature des emplois qu’elles offrent mais aussi la transparence des comptes qu’elles proposent et leurs relations avec les sphères publique, marchande et politique.

Les ONG peuvent aussi être classées selon leurs attitudes envers les entreprises et le type de relations qu’elles entretiennent avec ces dernières. De la confrontation au dialogue, en passant par le partenariat, ces positionnements influencent le choix des actions qui seront déployées. Le tableau 3.2 présente ces corrélations.

Tableau 3.1 – Éléments pour analyser les ONG

CRITÈRES TRANSVERSAUX

échelle d’implantation et d’intervention internationale. nationale, régionale, locale, etc. CRITÈRES CONSTITUTIFS

champs d’action originels et contemporains positionnement anti-nucléaire, contre l’hégémonie d’un État, contre la pêche de certaines espèces, etc. répertoire d’action originelles et

contemporaines

action militante de terrain, action « coup de poing », lobbying (direct ou indirect), expertise ou étude, action judiciaire,

information, achat de capital

nature juridique formel (association, fondation) ou informel (sans statut juridique) taille nombre d’adhérents, de militants, de donateurs

fonctionnement interne

élection ou non des dirigeants, centralisation des lieux de décisions, indépendance des bureaux nationaux par rapport au

siège international, publication d’un rapport de comptes

source(s) de financement

fonds publics de gouvernements ou d’instances internationales, fonds du secteur privé d’entreprises, de legs de particuliers,

fonds de fondations privées, revenus financiers liés à des placements d’argent de l’ONG, revenus tirés de la vente de produits dérivés ou de consommation courante à l’effigie de

l’organisation

tiré de Aubertin, 2005

Tableau 3.2 – Relations ONG/entreprises et types d’actions privilégiées pour atteindre les objectifs poursuivis TYPE DE RELATIONS ATTITUDES DES ONG RÔLE DES ONG OBJECTIF PRINCIPAL ACTIONS interpellation, sensibilisation du public critique sensibiliser l’opinion publique en attirant l’attention sur un sujet sans forcément pointer une entreprise du doigt

action militante de terrain confrontation, et dénonciation de l’entreprise critique éveiller l’attention du public sur un sujet

particulier pour influencer les décideurs des sphères

marchandes et publiques

action « coup de poing »

confrontation

informelle critique / expert

influencer directement les décideurs ou les

élus politiques lobbying (direct ou indirect) PRESSION information, sensibilisation critique informer l’opinion publique, notamment via les médias et/ou la

voix des journalistes (voix crédible)

TYPE DE RELATIONS ATITUDES DES ONG RÔLE DES ONG OBJECTIF PRINCIPAL ACTIONS échange pouvant aller jusqu’à la collaboration

critique / expert processus de influencer les décisions expertise ou étude ÉVALUATION confrontation expert modifier les comportements des acteurs des sphères

marchandes et publiques en les confrontant à leurs

obligations

expertise ou étude pouvant découler sur

une action judiciaire

collaboration soutien / expert modifier les pratiques d’une entreprise partenariat stratégique PARTENARIAT échange pouvant

aller jusqu’à la forte collaboration

soutien bénéficier d’un appui financier partenariat, partage de produit

adapté de Aubertin, 2005 ; Mach, 2001; Novethic et al., 2006

La typologie des ONG présentée ci-dessus offre les lignes directrices permettant de caractériser les GPE. C’est en s’appuyant sur leur organisation fonctionnelle qu’ils seront étudiés et que des familles seront mises en évidence. La majorité des informations nécessaires pour mener cette opération est disponible dans les statuts des groupes (en France, ils sont déposés en préfecture et consultables librement), dans leurs rapports financiers et dans leurs rapports d’activité.

La difficulté réside dans la collecte d’informations relatives aux deux derniers documents. En effet, les GP sont souvent réticents à divulguer certaines de leurs informations comptables, ce qui est d’autant plus vrai pour les groupes moins professionnalisés et institutionnalisés (L214, Robin des toits, etc.).