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Types de contenu, projection et test de famille de phrases 42

Chapitre 4 Factivité, expressivité et exclamatives en français québécois 40

4.1 Factivité, présuppositions, implicatures conventionnelles et projection 41

4.1.1 Types de contenu, projection et test de famille de phrases 42

Les différents types de contenus se distinguent les uns des autres par rapport à la propriété de projection. On appelle projection le fait qu’un contenu puisse transmettre à la proposition qui l’enchâsse sa valeur de vérité indépendamment de la valeur de vérité de celle- ci (Karttunen, 1973; Heim, 1983). Ainsi, les implications ne projettent jamais (79), et les présuppositions (80) et les implicatures conventionnelles (81) projettent systématiquement.

(79) C'est pas vrai que Marie est belle. (L'implication 'Marie est belle' est fausse.) (80) C'est pas vrai que Jean regrette que Marie soit belle. (La présupposition 'Marie

est belle' est vraie.)

(81) C'est pas vrai que la petite crisse de Marie est belle. (L'implicature conventionnelle 'Marie est une petite crisse selon le locuteur' est vraie.)

En (79), l'implication 'Marie est belle' n'a pas de valeur de vérité indépendante de la phrase en entier. Enchâssée sous la négation propositionnelle 'C'est pas vrai', elle est fausse. En (80), la présupposition 'Marie est belle' demeure vraie sous la négation propositionnelle qui l'enchâsse. En (81), l'implicature conventionnelle 'Marie est une petite crisse selon le locuteur' demeure également vraie sous la négation propositionnelle qui l'enchâsse.

Pour identifier la propriété de projection, on soumet les contenus soupçonnés de projeter à un test nommé test de famille de phrases (Chierchia et McConnell-Ginet, 1990) qui consiste à enchâsser le contenu suspect sous différents opérateurs, lesquels sont réputés pour bloquer les implications et laisser passer les contenus projectifs. Ces opérateurs sont ceux de négation et d’interrogation et, dans les conditions appropriées, ceux de modalité conditionnelle. Nous présentons ci-dessous l'application de ce test aux implications (tableau III), aux présuppositions factives (tableau IV) et aux implicatures conventionnelles (tableau V).

Le tableau III ci-dessous présente les phrases résultant de l’application du test de famille de phrases à la phrase ‘Jean affirme que Marie est belle’ qui ne contient aucun contenu présupposé. Le tableau contient chacune des phrases résultant de l’application du test de famille de phrases de même que la valeur de vérité associée à chacune des propositions dénotées par la phrase, soit ‘Jean affirme que Marie est belle’ et ‘Marie est belle’.

Jean affirme que Marie est belle

‘Jean affirme que Marie est belle’

‘Marie est belle’ Opérateur de

négation

Jean n’affirme pas que Marie est belle.

Faux N/D

Opérateur d’interrogation

Est-ce que Jean affirme que Marie est belle?

N/D N/D

Opérateur de modalité

Si Jean affirme que Marie est belle, je serai satisfaite de les avoir réunis.

N/D N/D

Tableau III : Application du test de famille de phrases à un contenu non factif/impliqué

Nous voyons qu’il est impossible d’assigner une valeur de vérité au contenu propositionnel du complément ‘que Marie est belle’, et ce, indépendamment de l’enchâssement de la phrase entière sous un quelconque opérateur. La valeur de vérité du complément dépend de la valeur de vérité de la proposition entière. La phrase 'Jean affirme que Marie est belle' ne dénote aucun contenu projectif.

Le tableau IV ci-dessous présente le test de famille de phrases appliqué à la phrase ‘Jean regrette que Marie soit belle’ qui dénote le contenu factif ‘Marie est belle’, c’est-à-dire un contenu devant être tenu pour vrai par les participants à la conversation et donc présupposé. Le tableau contient chacune des phrases résultant de l’application du test de famille de phrases ainsi que les valeurs de vérité de chacune des propositions dénotées par la phrase, soit ‘Jean regrette que Marie soit belle’ et ‘Marie est belle’.

Jean regrette que Marie soit belle

‘Jean regrette que Marie soit belle’

‘Marie est belle’ Opérateur de

négation

Jean ne regrette pas que Marie soit belle.

Faux Vrai

Opérateur d’interrogation

Est-ce que Jean regrette que Marie soit belle?

N/D Vrai

Opérateur de modalité

Si Jean regrette que Marie soit belle, je trouverai Jean très bizarre.

N/D Vrai

Tableau IV : Application du test de famille de phrases à un contenu factif/présupposé

Le test démontre qu’en dépit du fait que la phrase entière soit fausse lorsqu’elle est enchâssée sous un opérateur de négation ou qu’on ne puisse lui assigner de valeur de vérité lorsqu’elle est enchâssée sous un opérateur d’interrogation ou sous un conditionnel, la présupposition ‘Marie est belle’ correspondant au contenu propositionnel du complément factif ‘que Marie soit belle’ doit toujours être tenue pour vraie. Ce contenu est projectif.

Finalement, le tableau V ci-dessous présente les résultats du test de famille de phrases appliqué à la phrase ‘La petite crisse de Marie est belle.’ dénotant le contenu descriptif ‘Marie est belle.’ et le contenu expressif ‘Marie est une petite crisse selon le locuteur.’, lequel est censé projeter au-delà des opérateurs du test de famille de phrases.

La petite crisse de Marie est belle.

‘Marie est belle.' ‘Marie est une petite crisse selon le locuteur.'

Opérateur de négation

C'est pas vrai que la petite crisse de Marie est belle.

Faux Vrai

Opérateur d’interrogation

Est-ce que la petite crisse de Marie est belle?

N/D Vrai

Opérateur de modalité

Si la petite crisse de Marie est belle, je la présenterai à Jean.

N/D Vrai

Tableau V : Test de famille de phrases appliqué à un contenu expressif

Indépendamment de la valeur de vérité de la phrase entière, le contenu expressif ‘Marie est une petite crisse selon le locuteur.’ demeure vrai, il est donc projectif.