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IV. La théorie de l’attachement et les types d’attachement

3. Les types d’attachement et les troubles de l’attachement 1 Attachement sécurisant (type B)

3.1.1. En « situation étrangère » (Ainsworth)

Avant la séparation, l’enfant explore la salle et les jouets, en gardant un œil sur son parent. Lors de la séparation, il cesse d’explorer et ne manifeste pas forcément de détresse. S’il en manifeste, il se laisse réconforter par l’étrangère, qu’il différencie toutefois bien de la mère. Au retour du parent, il recherche sa proximité, établit un contact physique avec lui et se console rapidement (désactivation du système d’attachement en moins de trois minutes). Il se remet ensuite à explorer.

3.1.2. Attitude parentale et modèle interne opérant chez l’enfant

Le parent répond de façon constante et appropriée aux signaux de l’enfant, surtout de détresse. Il est disponible, cohérent, aimant.

Le bébé apprend qu’en exprimant ses besoins, on va s’occuper de lui. Il réalise qu’il mérite de l’affection. Il se sert du parent comme d’une base de sécurité.

3.2. Attachement insécurisant de type anxieux/évitant (type A) 3.2.1. En « situation étrangère » (Ainsworth)

L’enfant explore l’environnement sans s’occuper de la présence ou de l’absence du parent. Il ne montre pas de signe de détresse lors de son départ. Après son retour, il ignore ses tentatives d’entrer en interaction. Le comportement qui caractérise de façon typique ces enfants est l'évitement du contact avec la figure d'attachement lors de la réunion. . S'ils sont pris dans les bras, ces enfants ne résistent pas, toutefois ils ne cherchent pas non plus à conserver ce contact. Si l'on est tenté de voir là de l'indifférence, il faut considérer que leur mouvement d'évitement semble trahir en réalité une ignorance active, dénotant une certaine colère.

3.2.2. Attitude parentale et modèle interne opérant chez l’enfant

Les demandes de l’enfant sont accueillies par de l’agressivité, du rejet ou de l’indifférence. Le bébé apprend qu’en montrant de la détresse, il n’y a que des conséquences négatives. Il conclut qu’il ne mérite ni amour ni affection.

3.3. Attachement insécurisant de type anxieux/ambivalent (type C) 3.3.1. En « situation étrangère » (Ainsworth)

L’enfant est anxieux dès l’entrée. Il n’explore pas, reste collé sur son parent et le sollicite avec insistance. Il manifeste une très grande détresse lorsque la séparation survient. Lors de la réunion, il résiste au contact du parent et n’est pas consolé par lui.

La réaction typique des enfants de ce groupe est l'ambivalence. Il y a bien une recherche active de contact mais, une fois celui-ci établi, l'enfant veut s'en défaire, non sans protester lorsqu'il est effectivement relâché. Le ton est surtout celui de la colère et de la détresse, ou encore celui de la résistance relationnelle. L'enfant peut résister à être pris et en même temps résister à être posé.

3.3.2. Attitude parentale et modèle interne opérant chez l’enfant

Les réactions parentales sont imprévisibles. Un même comportement de l’enfant peut être accueilli avec de l’enthousiasme une fois et de la colère une autre fois.

Comme le parent est impossible à décoder, le bébé n’arrive pas à déterminer ce qu’il doit faire pour lui faire plaisir. Il conclut qu’il ne mérite ni amour, ni affection.

3.4. Attachement insécurisant désorganisé (type D - Main, Kaplan et Cassidy)

3.4.1. En « situation étrangère »

L’enfant présente un mélange de comportement d’évitement et d’ambivalence. Ses comportements sont incomplets, non dirigés. Il est craintif, confus, sans stratégie cohérente. Il s’agit d’enfants qui, typiquement, se figent lors de la réunion dans une posture évoquant l'appréhension, la confusion, voire la dépression. La séquence temporelle, chez ces enfants, donne une impression de désorganisation ; des comportements apparemment opposés sont exprimés simultanément (s'approcher avec la tête détournée, par exemple) ; les mouvements semblent incomplets et l'expression des affects mal dirigée

3.4.2. Attitude parentale et modèle interne opérant chez l’enfant Le parent est désorganisé et peut maltraiter l’enfant.

Le bébé ne sait pas quoi faire, puisqu’il ne se sent pas en sécurité, ni lorsqu’il est loin du parent, ni lorsqu’il s’en approche. Il en résulte une image de soi non estimable.

3.5. Les troubles de l’attachement

Le trouble de l’attachement n’est pas en soi une pathologie mais peut y conduire. Il y a en effet plusieurs facteurs qui influencent le pronostic, dont la sévérité et la durée des comportements envers l’enfant, son âge ainsi que la présence ou l’absence de facteurs de résilience.

Les manifestations les plus sévères de troubles de l’attachement se retrouvent chez les enfants victimes d’abus ou de négligence sévère, les enfants placés dans de multiples foyers ainsi que les enfants abandonnés qui sont placés longtemps en institution ou qui vivent dans la rue.

Le DSM IV reconnaît deux types de trouble réactionnel de l’attachement :

- type inhibé : incapacité à engager des interactions sociales ou à y répondre de façon appropriée

- type désinhibé : sociabilité indifférenciée ou manque de sélectivité dans le choix des figures d’attachement

Pour détecter un trouble de l’attachement, il est nécessaire d’observer le comportement de l’enfant pour y retrouver des facteurs préoccupants :

o pas de recherche de contact visuel

o pas de recherche de confort auprès d’un adulte en cas de détresse o mal à l’aise avec les contacts physiques avec le parent

o absence de plaisir lors des interactions avec les parents o absence de réaction à la séparation du parent

o demande constante d’attention

o apparence de grande sociabilité sans discrimination o absence d’empathie pour les autres

o maternage du parent

o difficulté à se faire des amis

o réponse aux limites par le rejet ou l’agressivité

o réponse aux approches d’un adulte par un comportement entrainant le rejet 4. Importance des premières années de vie dans la création des liens

d’attachement : répercussions sur le développement social et affectif 4.1. Développement de la socialisation

La capacité d’établir un lien sélectif avec une figure d’attachement est reconnue comme un facteur décisif dans le développement normal, puisque l’échec à former un tel lien dans la petite enfance est associé à des troubles permanents et difficilement réversibles de la socialisation. En effet, l’enfant qui n’a pu bénéficier dans les premières années de vie d’une présence maternelle apte à favoriser l’apparition de liens d’attachement risque de se détourner peu à peu de la relation pour devenir complètement détaché.

Rutter (1979) soutient que l’échec à former un lien sélectif durant la première enfance entraîne plus tard toute une série de comportements sociaux inadéquats. Pour lui, l’incapacité à établir un lien sélectif dans la première enfance compromet sérieusement l’adaptation sociale de l’enfant.

En 1995, Rutter précise que plus la période passée sans substitut maternel stable et adéquat est longue, plus les possibilités de rattrapage sont limitées. En effet, l’enfant, au lieu de former de nouveaux liens d’attachement, se détourne peu à peu de la relation pour réinvestir en lui-même l’amour d’abord destiné aux figures parentales. Il se montre peu disposé à aimer et à se laisser aimer, se liant plutôt de façon superficielle aux adultes, qui deviennent facilement interchangeables à ses yeux.

Selon Steinhauer (1996), un enfant qui n’aurait pas développé avant deux ans sa capacité d’attachement conservera de graves séquelles, tant au plan social que cognitif. En effet, ce dernier prétend que c’est afin de maintenir ses liens à la figure maternelle, que l’enfant parvient à abandonner des comportements non désirables socialement mais qui lui procurent du plaisir.

Loeber (1991) affirme aussi qu’il existe une période critique durant l’enfance, qui assure l’apprentissage d’habiletés sociales, et que des situations de déprivation durant cette période, par des événements comme la séparation d’avec la mère, la succession des figures maternelles et la pauvre qualité des soins, préfigurent des comportements antisociaux ultérieurs.

Montagner (1988) élabore une grille de lecture qui intègre les particularités du développement individuel, les processus d’attachement et les régulations comportementales de l’enfant. Il indique notamment qu’un enfant qui dispose d’une sécurité affective satisfaisante va pouvoir libérer pleinement ses émotions, ses affects, son langage et ce qu’il nomme les compétences socles, c’est à dire les 5 socles (l’attention visuelle soutenue, l’élan à l’interaction, les comportements affiliatifs, la capacité de reproduire et d’imiter, l’organisation structurée du geste) sur lesquels le bébé installe et consolide les conduites et les régulations indispensables à la satisfaction de ses besoins fondamentaux, à son développement, à ses attachements et à son adaptation à l’environnement.

4.2. Développement affectif

L’enfant qui souffre de troubles de l’attachement n’a pas appris à créer une relation émotionnellement riche et à partager les sentiments qu’il ressent. Il a appris à les étouffer. Il ressent le plus souvent une grande tristesse devant le sentiment d’abandon, une mésestime de soi et un manque de compréhension de ses besoins. Cela provoque alors chez lui une colère intense qui masque la tristesse, et qu’il n’est même pas conscient de ressentir.

Il est souvent capable d’exprimer toute une gamme de sentiment attendus par son entourage, alors qu’il ne sait même pas lui-même ce qu’il ressent. En effet, s’il ne ressent souvent pas d’autres sentiments que la colère qui cache une tristesse qu’il ne peut pas reconnaître, il sait très bien ce que les autres attendent de lui en matière de sentiments et d’actes. Il est donc tout à fait capable de donner l’impression qu’il ressent des sentiments de joie, d’amour, de peur, de tristesse…

Il n’a pas appris à comprendre les sentiments des autres, à se mettre à leur place et il n’est pas capable de ressentir de l’empathie pour les autres parce qu’il n’a pas le développement affectif nécessaire.

Il a souvent des réponses émotionnelles inappropriées, présente des changements d’humeur marqués, a des difficultés lors des changements, présente une grande frayeur devant les stimuli inattendus ou inhabituels, supporte mal l’imprévu…

Une étude de Wertz, Gauthier et Blavier (2012) évalue les compétences émotionnelles chez l’enfant présentant un trouble réactionnel de l’attachement grâce à une tâche de reconnaissance d’expressions faciales émotionnelles. Les résultats montrent des performances globalement déficientes dans l’identification des émotions négatives. Selon le type d’attachement, les enfants tendent à éviter leur traitement ou bien se situent dans un mouvement d’hypersensibilité à ces mêmes émotions. L’existence de patterns d’erreurs (et en particulier la place centrale tenue par la tristesse qui est fréquemment confondue avec d’autres émotions comme la peur, la colère ou le dégoût) pourraient être le témoin d’une immaturité des capacités empathiques chez ces enfants. Cette étude ouvre des perspectives de recherche notamment concernant les difficultés qu’éprouvent ces enfants à envisager l’émotion au niveau symbolique et les nombreuses défenses mises en œuvre face à la vie émotionnelle, les empêchant d’accéder à la perspective de l’autre. Cela semble être à l’origine de nombreuses dysharmonies sociales qui renforcent leurs carences dans la sphère affective.

Les personnes souffrant d’un trouble de l’attachement présentent donc elles aussi des difficultés de socialisation et d’expression et reconnaissance des émotions, tout comme les personnes ayant un TSA. Les causes de ces difficultés sont bien évidemment différentes. En effet, des réponses parentales adéquates et congruentes aux signaux de l’enfant permettent un enrichissement et une diversification de son répertoire émotionnel et participent à déterminer la qualité de l’adaptation sociale de l’enfant.