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Différents types d'électrodes de pH et leurs mécanismes de fonctionnement

Après des discussions intensives qui ont duré plus de 5 ans, un groupe de travail de l'IUPAC,

a récemment produit un rapport qui place définitivement le pH dans le système d'unité SI [38]. Le

pH a été défini par Sörensen [52] et Linderström-Lang comme le logarithme décimal négatif

(cologarithme) de l'activité des ions H+: pH = -log aH+. Le rôle du pH dans des processus

chimiques et biologiques est bien connu [53]. Nous présentons ci-dessous différents types

d'électrodes de pH connus qui sont, pour la plupart, industrialisés [53-56].

3.1.Electrode à hydrogène

Peu pratique, elle a néanmoins permis le développement théorique du pH. Cette électrode

possède une faible résistance interne compatible avec la basse impédance des premiers

amplificateurs. La valeur du potentiel standard est prise par convention égale à zéro. Une

précision de 0.01 pH peut être obtenue sur le domaine de pH 0 - 14.

L'équilibre à l'électrode est: 1 2

2

H++e U H . Le potentiel d'une telle électrode est:

1

2

2

ln

H

H

RT

E

F P

+

=

⎝ ⎠

(1.9)

Ses inconvénients sont évidemment d'abord sa difficulté d'utilisation, sa sensibilité au

potentiel rédox de la solution, son risque d'empoisonnement par les sulfures, sulfites, arsenic…

Electrode à quinhydrone

Elle comprend un fil de platine plongeant dans une solution contenant un excès de

quinhydrone. La quinhydrone est un composé contenant, en proportions équimoléculaires, la

quinone (Q: C6H4O2) et l'hydroquinone (Hy: C6H4O2H2). La quinhydrone dégage, grâce à la

dissociation de Hy, de l'hydrogène dont une pression partielle (très faible, de l'ordre de 10-24

atmosphères) s'établit dans la solution. Par conséquent, elle fonctionnera comme une électrode à

hydrogène. L'équilibre à l'électrode s'exprime par: . Le

potentiel de cette électrode est donné par:

6 4 2 2 2 6 4 2 2

C H O + H++ eUC H O H

[ ]

[ ] 2

ln 2.3026

2

o o

Hy

RT RT

E E E

F Q H+ F

⎛ ⎞

⎜ ⎟

= − = −

⎣ ⎦

⎝ ⎠

pH (1.10)

L'électrode à quinhydrone suit parfaitement la loi de Nernst. Cette électrode permet

d'effectuer des mesures absolues de pH avec une précision de 0.02 pH. Elle est simple à

construire, atteint rapidement son équilibre. Cependant, son fonctionnement reste limité aux pH

inférieurs à 7, car au-delà, la quinhydrone est décomposée par l'oxygène dissous dans la solution.

En outre, elle est aussi sensible au potentiel redox, mais moins que l'électrode à hydrogène.

3.2.Electrode à l'antimoine

C'est peut-être le meilleur représentant d'une classe d'électrodes redox de 2ème espèce, de type

métal/oxyde, qui répond au pH. Cette électrode comporte une tige d'antimoine sur laquelle est

déposée une couche d'oxyde ou d'hydroxyde d'antimoine (hydratation dans l'eau:

( )

2 3 3 2 2 3

Sb O + H OU Sb OH ). La présence du métal et de son oxyde (hydroxyde) au contact

avec la solution est indispensable. En fait, cette électrode est sensible aux ions OH- mais la

relation pOH + pH = pKe = 14 permet de revenir à la mesure du pH. Sa précision est de l'ordre

de 0.1 pH. Le domaine de mesure s'étend de pH 2 à pH 12, avec une pente de 52 - 57 mV/pH à

25 °C, légèrement inférieure à la pente théorique.

L'équilibre à l'électrode est:

3 3

Sb ++ e USb et ensuite: 3

3

( ) Ps 3

Sb OH ←⎯⎯⎯⎯→Sb ++ OH(Ps: produit de solubilité)

( )3

ln

3

s

o

e

P

RT

E E H

F K

+

⎡ ⎤

= +

⎣ ⎦ (1.11)

L'électrode d'antimoine possède une faible impédance permettant l'emploi d'un amplificateur

simple. Elle n'est pas sensible à "l'erreur alcali" (voir paragraphe 3.3) et peut remplacer

l'électrode de verre dans certains cas: solutions contenant de l'acide fluorhydrique, liquides

fortement hygroscopiques. Pourtant, la présence simultanée du métal et de son oxyde constitue

une contrainte car l'antimoine nu a toujours tendance à s'oxyder et dans ce cas, l'électrode devient

"paresseuse". Elle doit souvent être nettoyée. En outre, elle réagit au potentiel redox et à la

présence du cuivre, sulfites, tartrates, citrates, oxalates (interférents).

Electrode au bismuth

C'est une variante de l'électrode à l'antimoine. Le domaine de fonctionnement s'étend de pH 4

à 14. Elle ne présente pas d'erreur d'alcaline et peut être utilisée dans des solutions à pH élevé en

présence de fortes concentrations d'ions Na+. Elle est aussi sensible au potentiel redox.

Electrode à l'oxyde d'iridium

Aux Etats-Unis, apparaissent des électrodes à l'oxyde d'iridium qui, comme celles à

l'antimoine, sont sensibles au potentiel redox. Ces électrodes présentent une pente de 91 mV/pH.

La linéarité et la reproductibilité seraient excellentes jusqu'à 200 °C, dans une gamme de pH

allant de 0 à 14. Dépendant de la méthode de fabrication, on peut obtenir une réponse

nernstienne idéale [57]. Cette électrode commercialisée [58] est très attractive et peut remplacer

l'électrode de verre dans beaucoup d'applications.

Electrode mercure-oxyde mercurique (Hg/HgO)

C'est un indicateur d'ions OH-, il permet donc de déterminer le pH. L'électrode ne peut pas

être utilisée ni en milieu acide à cause de la dissolution de HgO, ni en présence d'ions

halogénures ou à cause de la formation de sels mercureux insolubles. Mais en milieu

alcalin, elle permet de mesurer des pH plus élevés, avec plus de garanties que la plupart des

électrodes de verre.

2-4

SO

D'autres capteurs de ce type sont: Pt/PtO2, W/W2O3, Pb/PbO2, Ru/RuO2…

3.3.Electrode de verre

C'est de loin l'électrode la plus utilisée dans l'industrie et en laboratoire. L'électrode de verre

se compose principalement: (a) d'une membrane mince de verre sensible aux ions H+ scellée à

une tige de verre de haute résistance et non sensible; et (b) une électrode de référence interne

avec une activité d'ions H+ interne constante. L'électrode de référence interne est généralement

Ag/AgCl dans KCl (ou HCl) ou Hg/Hg2Cl2 dans KCl (ou HCl).

Lors de la première hydratation du verre ("conditionnement" de l'électrode), il se forme de

part et d'autre de la paroi deux couches gélatineuses (hydrogels) dues à l'échange des cations du

verre (Na+ par exemple) avec les ions H+ de la solution. Ces deux couches hydratées, d'une

épaisseur de quelques milliers d'Angströms, sont responsables de la sensibilité au pH de la

membrane. Le fonctionnement est alors basé sur un équilibre d'échange de H+. La réponse est

nernstienne. La Figure I - 3 montre une électrode de verre combinée pour mesurer le pH des

solutions aqueuses.

L'un des avantages déterminant provient de son insensibilité au potentiel redox, l'autre de sa

facilité de mise en œuvre. Il y a plusieurs manières de distinguer les électrodes de verre. Suivant

la nature du verre actif, il existe 2 grands types:

Les verres standard: Ils ont une résistance électrique (10 - 30 MΩ) permettant de

construire des membranes relativement épaisses (> 1 mm), mais le domaine de réponse

linéaire est compris entre pH 0 - 11. Au-delà de pH 11, l'erreur d'alcalinité (écart entre la

valeur théorique et la valeur mesurée, dû à la présence des ions alcalins Na+, K+…) est

d'autant plus importante que la concentration en ions alcalins et le pH augmentent.

Les verres "alcalins": Ils ont un domaine linéaire important de pH 0 - 14 (avec une

faible erreur d'alcalinité entre pH 13 et 14) mais leur résistance électrique est très élevée

(> 300 MΩ), ce qui nécessite de construire des membranes relativement minces d'où une

fragilité supérieure par rapport aux membranes standard.

Les électrodes de verre sont employées avec succès dans la plupart des applications mais

quelques contre-indications subsistent néanmoins: le verre ne supporte pas les milieux

fluorhydrique acides (pH < 5), les solutions hygroscopiques et quelques corps tensioactifs. En

outre, il y a d'autres limitations de ces électrodes de verre: la membrane est constituée d'une

faible épaisseur de verre (< 1 mm) ce qui la rend très fragile et ne lui permet pas d'être utilisée en

milieux alimentaires; il est nécessaire de "reétalonner" périodiquement l'électrode à l'aide de

solutions étalon de pH; les éléments de référence interne et externe comportent des métaux

nobles: Pt, Ag, l'incidence du prix de ces éléments sur le prix des capteurs n'est pas négligeable.

1

2

4

3

7

6

5

1. Membrane sensible en verre

2. Petite quantité de AgCl précipité (souvent)

3. Solution interne KCl 0.1 M (ou HCl 0.1 M)

4. Electrode interne Ag/AgCl, par exemple

5. Corps de l'électrode (verre non conductrice)

6. Electrode référence externe (même nature que 4)

7. Jonction avec la solution étudiée

Figure I - 3. Schémas de l'électrode de verre combinée.

(a) Représentation schématique (b) Représentation d'une électrode commerciale

Au contact avec l'eau: ≡ −Si O+H O3 + U ≡ −Si OH+H O2

( )

ln H

RT

E E a

F +

= ° −

3.4.Transistor à Effet de Champ Sensible aux Ions (ISFET)

Le capteur ISFET [59] (Ion Sensitive Field Effect Transistor) est issu du transistor MOSFET

(Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor) [35]. De nombreuses études ont été faites

sur ce type de capteur. Citons la revue de Bergveld [58] faite 30 ans après sa découverture de ce

type de capteur. Ce qui est intéressant, c'est la tendance actuelle du développement des ISFET à

l'échelle nanométrique [34, 60].

3.4.1.Principe de fonctionnement

On rappelle d'abord la structure, le principe de fonctionnement et les caractéristiques du

transistor MOS (Figure I - 4a). Sur un substrat de silicium dopé p (cas d'un MOS à canal n) sont

implantées deux zones de dopage n formant la source (S) et le drain (D) et auxquelles sont

appliquées des électrodes métalliques. La zone centrale située entre source et drain est le canal;

une fine couche isolante (SiO2) surmonte le canal. La métallisation qu'elle porte constitue

l'électrode grille (G) (ou "gate", en anglais) qui est l'électrode de contrôle de la conductivité du

canal. Cette structure est normalement bloquée: aucun courant ne peut traverser le canal entre

source et drain car quelle que soit la différence de potentiel appliquée à ces deux électrodes car

au moins l'une des jonctions p-n est polarisée en inverse.

L'application entre grille et source d'une tension VG positive tend à repousser les trous

majoritaires et à tirer, dans la zone située sous la grille, des électrons porteurs minoritaires du

substrat Si dopé p. Lorsque VG > VT (VT: tension seuil) la densité d'électrons devient supérieure

à la densité des trous et un canal de type n se forme, assurant la continuité électrique entre source

et drain: la circulation d'un courant ID entre source et drain est alors possible. Ce courant ID est

fonction des tensions VG et VD entre drain et source.

Figure I - 4. Schémas de principe de

MOSFET (a) et d'ISFET (b)

Dans la structure d'un ISFET, la métallisation de grille du MOS est remplacée par une

membrane chimiquement sensible en contact avec la solution à étudier (Figure I - 4b). La tension

seuil VT devient dans ce cas une fonction des caractéristiques chimiques de la solution:

, d'où ne dépend que de la constitution de l'ISFET et ψ est le potentiel interfacial,

dépendant du pH de la solution. La tension seuil étant fonction du pH, il en est de même pour le

courant I

0

T T

V =V +ψ VT0

D. Dans la méthode de mesure la plus utilisée, le courant de drain est maintenu constant

par asservissement de la tension VG dont la variation est directement égale à celle du potentiel

interfacial ψ (donc du pH).

3.4.2.Membranes sensibles

Détection des ions H+: Les membranes sensibles au pH sont des couches minces d'oxydes

SiO2, Al2O3 ou Ta2O5 ou des nitrures tels que Si3N4, GaN [61, 62]. SiO2 est la 1ère membrane

sensible au pH mais elle a été abandonnée pour sa réponse sub-nernstienne et sa faible durée de

vie. Les autres membranes ont toutes des réponses nernstiennes. Dans le cas des membranes

oxydes tels que l'alumine ou la silice, la réponse au pH est expliquée grâce au modèle de liaisons

par sites (modèle du "site-binding") développé par Bousse [40, 46]. L'explication détaillée de ce

modèle est présentée dans le chapitre V.

Détection des autres ions: les membranes sont de natures variées: verres spéciaux (K+, Na+);

composés polycristallins (Ag+, F-); membranes polymériques avec groupements ionophores

inclus (K+, Ca2+, NO3-); membranes mono-moléculaires, greffage (Ag+, Ca2+). Pour les trois

premiers types, la réponse est nernstienne tandis que pour le dernier type, elle est

sub-nernstienne.

3.5.Autres types

Capteurs basés sur des fibres optiques [63, 64]. Les produits commerciaux sont

d'OceanOptics [65]. Ils sont particulièrement utiles pour contrôler le pH des échantillons de faible

conductivité ou des milieux turbides (tubid, fouling).

Capteurs basés sur "cantilever" [66]. L'avantage particulier de ce dispositif est sa taille

extrêmement petite (< 0.1 mm2) ce qui entraîne un faible prix de fabrication [67].

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