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La Turquie et les critères européens de cohésion territoriale

LA TURQUIE ET LES CRITERES EUROPEENS DE COHESION

TERRITORIALE

Depuis le Conseil européen d‟Helsinki de 1999, la Turquie est officiellement candidate à l‟entrée dans l‟Union européenne. Sa première demande date de 1959, 18 mois seulement après l‟entrée en vigueur du Traité de Rome. L‟histoire des relations entre la Turquie et la Communauté européenne n‟est pas un processus linéaire vers l‟adhésion ; elle mêle avancées internationales, revers diplomatiques et vie politique interne tumultueuse86. Elle commence dès l‟accession au pouvoir de Mustafa Kemal Atatürk qui affichait sans ambiguïté l‟ambition européenne de la nouvelle République. En 1947, la Turquie choisit clairement son ancrage européen en participant au Plan Marshall, et devient en 1948 un membre fondateur de l‟Organisation européenne de coopération économique (OECE, devenue OCDE en 1960). Elle adhère à l‟OTAN en 1949 et constitue un pilier de la politique américaine de

containment durant toute la durée de la Guerre Froide.

En parallèle, la Turquie connaît plusieurs coups d‟Etat militaires (1960, 1971, 1980) aux motivations et contextes divers, mais qui éloignent le pays du processus de construction d‟une union communautaire européenne. Elle reste cependant membre du Conseil de l‟Europe, sans discontinuer depuis 1949. En 1963 est signé l‟accord d‟Ankara, accord d‟association entre la Turquie et la Communauté Economique Européenne (CEE), dans un but de coopération essentiellement économique. Il faut attendre 1987 et le gouvernement de Turgut Özal pour que la Turquie réitère sa demande d‟adhésion ; elle est rejetée pour diverses raisons. Le Parlement européen, qui n‟a qu‟un avis consultatif sur la question, met en avant la non reconnaissance du génocide arménien et le non respect des minorités, c‟est-à-dire des critères politiques, pour justifier son refus. La Commission européenne qui, elle, décide ou non de l‟ouverture des négociations, rend son avis en 1989 et justifie son refus par le contexte économique et le conflit frontalier avec un pays membre, à savoir la Grèce. Elle insiste aussi sur le fait que la chute du mur de Berlin allait entraîner des bouleversements au sein du continent européen et que la CEE devait être particulièrement attentive, voire attentiste, quant à de nouveaux élargissements.

Une avancée significative dans le processus de rapprochement entre la Turquie et la CEE est franchie en 1995 avec la signature de l‟Union douanière, élément essentiel dans la structuration de l‟espace juridique de l‟espace européen et pilier des rapports entre la Communauté européenne et les pays du voisinage. Selon la juriste Cécile Rapoport, ce partenariat est une forme juridique permettant à l‟UE de

86

Pierre Gerbet, 2007 (4°éd.), La construction de l’Europe, Paris, Armand Colin, collection U. Histoire contemporaine, 579 p.

proposer à un pays tiers une intégration par le droit international public à défaut d‟une adhésion pleine et entière par le droit communautaire87. La Turquie est donc dans les faits intégrée juridiquement à la CEE dès 1995. Le parcours vers l‟adhésion s‟accélère en 1997 lors du Conseil européen de Luxembourg, qui lance officiellement le processus d‟adhésion pour les dix Etats candidats de l‟Europe centrale et orientale et Chypre. En parallèle, le Conseil souligne l‟éligibilité légitime de la Turquie à l‟Union européenne, tout en rappelant que les conditions politiques et économiques ne sont pas encore réunies pour ouvrir des négociations d‟adhésion.

Ce dernier reconnaît à la Turquie le statut de candidat en 1999 lors du Conseil européen d‟Helsinki. Elle commence donc à se réformer pour satisfaire aux critères de Copenhague, considérés comme les critères politiques, et reçoit à ce titre des premiers fonds de pré-adhésion. La peine de mort, non appliquée depuis 1984, est supprimée par temps de paix en 2002. Cette année marque aussi un tournant dans la politique intérieure turque avec l‟élection d‟un gouvernement issu de l‟islam politique, dont le parti majoritaire est le Parti de la Justice et du Développement, Adalet ve Kalkınma

Partisi (AKP). Le Premier ministre, Recep Tayıp Erdoğan, a fait campagne sur le volontarisme

européen et sur la nécessité pour la Turquie de mener à bien le processus d‟adhésion. Dans son rapport annuel de 2004, la Commission européenne reconnaît officiellement que la Turquie satisfait les critères de Copenhague ; la question politique est donc résolue, la phase juridique et technique de l‟adhésion peut commencer. Les négociations sur les 35 chapitres devant mener à l‟intégration pleine et entière commencent officiellement le 3 octobre 2005.

Ce chapitre entend faire dialoguer un concept analytique et opérationnel, la cohésion territoriale, avec un objet d‟étude, la Turquie. Cette articulation se fait à plusieurs échelles, car le concept mobilisé est multi-scalaire (chapitre 1). A l‟échelle du continent européen, il s‟agit de voir comment la Turquie comme unité spatiale nationale se situe par rapport aux autres pays européens sur les plans économiques et sociaux, car les écarts à la moyenne européenne sont généralement les critères retenus pour juger des performances d‟un pays. La première partie analysera donc la cohésion territoriale à petite échelle entre la Turquie et les autres pays européens. La deuxième partie proposera une étude à plus grande échelle, au sein même de la Turquie (carte administrative : Annexe II). En effet, si les inégalités économiques et sociales sont fortes entre la Turquie et les pays d‟Europe de l‟Ouest, elles le sont d‟autant plus entre les régions turques au sein du territoire national, au point que réduire les inégalités régionales nationales apparaît comme une des conditions à la réalisation d‟une cohésion territoriale européenne. Enfin, comme souligné dans l‟Agenda Territorial, la cohésion territoriale n‟est pas uniquement synonyme de réduction des inégalités régionales, mais passe aussi par un équilibre des réseaux urbains hiérarchisés, afin de favoriser un développement polycentrique. La dernière partie s‟intéressera donc ici aux hiérarchies et aux dynamiques urbaines en Turquie.

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Cécile Rapoport, 2008, Les partenariats entre l’Union européenne et les Etats tiers européens : étude de la contribution de l’Union européenne à la structuration juridique de l’espace européen, Thèse de doctorat, Université Rennes 1, 660 p.

1. La Turquie dans la géographie européenne

On propose ici de comparer à partir de multiples indicateurs la position de la Turquie par rapport aux autres pays européens, à partir essentiellement des données fournies par la base statistique européenne Eurostat, qui depuis 2005 intègre petit à petit les données turques dans ses analyses. Les documents de prospective territoriale concernant l‟ensemble du territoire européen ont aussi été étudiées, afin d‟anticiper les questionnements qui pourront se poser en cas d‟adhésion.

1.1.

Pays émergent, pays en développement ou pays industrialisé ?

Le titre proposé ici reprend l‟intitulé d‟un article écrit par Jean-Claude Vérez dans un numéro spécial de la revue Tiers Monde consacré à la Turquie : « La Turquie au carrefour des pays en

développement, émergents et industrialisés » 88. L‟hésitation entre les différents qualificatifs est

symptomatique de la place mal définie de la Turquie dans les classifications habituellement établies des pays en fonction de leur niveau et/ou de leur stade de développement. Sans entrer dans le débat sur l‟opportunité de tels classements, il est vrai que la Turquie hésite entre une appartenance aux pays du Nord, aux pays du Sud ou une position intermédiaire selon les auteurs et les publications. Si on reprend la séparation Nord/Sud établie par Willy Brandt en 1980, la Turquie est un pays du Sud89. À ce titre, comme l‟indique le rapport dans son premier chapitre, la Turquie fait partie des pays en voie de développement. Cette ligne Nord/Sud est sujette à de nombreuses controverses, divisant le monde en deux parties distinctes en fonction de trajectoires politiques et économiques. Elle a le mérite, en 1980, de reconnaître une autre partition du monde que la division Est/Ouest90.

1.1.1. Une production économique importante mais encore limitée

Le succès de cette classification dans la géographie enseignée et dans la perpétuation des représentations du monde fait qu‟aujourd‟hui encore, la Turquie est considérée comme un pays en développement, alors que son immédiate voisine, la Bulgarie, fait encore partie des pays dits développés. En 2010, la Turquie est la 17ème puissance économique de la planète avec un PIB de 730 milliards de dollars US, loin devant de nombreux pays européens comme la Norvège, la Pologne, la Hongrie ou la Bulgarie, 75ème selon ce classement quantitatif91. Elle est 59ème dans le classement des pays en PIB par habitant en parité de pouvoir d‟achat (12 900 $US par habitant en 2008), devant des pays membres de l‟Union européenne comme la Bulgarie (62ème

) et la Roumanie (67ème) ou candidats à l‟entrée dans l‟UE comme la Macédoine (85ème

). La Turquie est certes encore loin de la moyenne de l‟Union européenne (PIB/hab : 29 000 $ US), mais elle ne serait pas le pays le plus pauvre de l‟UE si elle l‟intégrait aujourd‟hui. La carte du PIB par habitant en parité de pouvoir d‟achat à l‟échelle des

88

Jean-Claude Vérez, 2008, « La Turquie au carrefour des pays en développement, émergents et industrialisés », Revue Tiers Monde, n° 194, p. 281-293.

89

Willy Brandt (dir.), 1980, Nord-Sud: un programme de survie. Rapport de la Commission indépendante sur les problèmes de développement international. Paris, Gallimard, 535 p.

90

Vincent Capdepuy, 2007, « La division Nord/Sud », M@ppemonde, http://mappemonde.mgm.fr/actualites/lim_ns.html

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régions NUTS 2 (figure 11) montre cependant que la Turquie se situe dans les régions périphériques européennes, au même titre que la grande majorité des pays du grand élargissement.

Mais une distinction importante apparaît au sein même du pays, entre un groupe de sept régions situées à l‟Ouest, et correspondant au triangle métropolitain Istanbul-Ankara-Izmir qui émerge et l‟Anatolie centrale et de l‟Est, dont toutes les régions présentent un taux inférieur à 50 % de la moyenne communautaire. Mais les régions du premier groupe citées se situent au dessus du niveau de nombreuses régions d‟Europe de l‟Est, au même niveau que les Etats baltes, révélant les inégalités régionales au sein même du territoire turc et soulignant la nécessité d‟aborder la question de la production économique sous des angles différenciés selon les régions.

1.1.2. Une économie en pleine croissance

Depuis 2002, la Turquie connaît une croissance économique continue soulignée par de nombreux analystes, avec un taux de croissance annuel moyen du PNB de l‟ordre de 7 %. Le pays a pourtant été frappé par une crise majeure en 2001, due essentiellement à un financement excessif par recours au système bancaire national et à une inflation à deux chiffres durant plusieurs décennies92, et qui a été surmontée grâce à des efforts sans précédent de la part du gouvernement turc, sur injonction du Fonds Monétaire International. Ces efforts ont reposé sur une discipline budgétaire stricte pour éviter une hausse du déficit public et réduire la part de la dette publique dans le PIB de manière significative, sur une plus grande indépendance de la Banque centrale pour un meilleur contrôle des prix, et sur le retour à taux de change flottant qui a abouti à une stabilisation de la monnaie. Cette stabilité économique a été d‟autant plus remarquée en 2009 lors de la crise financière mondiale qui a sévèrement frappé la Grèce, pays frontalier de la Turquie, et le Premier ministre turc a eu beau jeu de proposer son aide à la Grèce, en soulignant que la Turquie serait un pôle de stabilité financière dans une Union européenne passablement perturbée par les pays du second élargissement (Grèce, Irlande, Portugal).

J.C Vérez souligne ainsi que les résultats de l‟économie turque au cours de ces dernières années ne laissent aucun doute sur le fait que la Turquie n‟est pas une économie en développement. L‟augmentation du PIB par habitant, la baisse régulière de l‟inflation, un solde budgétaire proche de l‟équilibre et un certain désengagement de l‟Etat rapprochent le pays des standards des pays dits développés (Vérez, 2008). Ce dynamisme est notamment visible sur le plan des investissements directs étrangers effectués en Turquie. Pendant longtemps, le pays n‟a pas connu un taux de pénétration aux IDE très élevé, alors que paradoxalement, certains secteurs dont l‟automobile et les biens d‟équipement étaient déjà tournés vers l‟extérieur93

. Les réformes de 2001-2002 et l‟ouverture des négociations d‟adhésion avec l‟UE ont fortement favorisé les investissements étrangers en Turquie (ces derniers sont passés de 10 milliards de dollars en 2005 à 22 milliards en 2007). Si la place de

92

Explications avancées par Jean-Claude Vérez, op. cit.

93

Jean-Raphaël Chaponnière, 2008, « Panorama de l‟industrie turque face à la concurrence chinoise », Revue Tiers Monde, n°194, p. 307-331.

l‟UE dans le commerce extérieur turc reste très importante (60 % des importations, 55 % des exportations en 2007), la structure a peu évolué depuis 1980 et la signature de l‟Union douanière ne semble pas avoir joué un rôle charnière dans ce domaine94. Cette stabilité contraste avec le dynamisme des échanges dans certains secteurs, notamment textiles et automobiles, qui s‟expliquent essentiellement par des échanges intra-firmes, notamment au sein des entreprises françaises installées en Turquie. L‟attraction des investissements étrangers est un objectif central du gouvernement actuel, au même titre que le développement des firmes turques à l‟étranger.

1.1.3. Les mesures du développement

Ces bonnes performances économiques soulignent le dynamisme actuel de la Turquie sur le plan de la production, mais ne suffisent pas pour autant à analyser le développement du pays. Les bonnes performances ne masquent pas certaines inquiétudes sur les dynamiques internes de l‟économie. Le poids du secteur agricole reste important, représentant en 2007 25 % de la population active, pour une contribution au PNB à hauteur de 10,3 %, témoignant d‟une faible productivité du travail95. La structure productive reste dominée par la petite propriété paysanne organisée en exploitation familiale. En cas d‟adhésion à l‟UE, la question de la restructuration du secteur agricole sera une question majeure et délicate à résoudre. Un deuxième défi réside dans le poids de l‟économie informelle, qui garde une place prépondérante dans tous les secteurs d‟activité et qui fausse grandement les statistiques. En 2006, les travailleurs informels, c‟est-à-dire non enregistrés, représentaient 48,7 % de l‟emploi total (Vérez, 2008). Selon le rapport de l‟OCDE de 2008, même si l‟emploi informel peut être un facteur de meilleure productivité (faible coût de la main d‟œuvre), il réduit fortement le potentiel global de croissance de l‟économie turque96

. Son étendue et son efficacité indéniable font que la question est difficile à résoudre. Le troisième défi majeur est le taux de chômage (officiel). Le taux de chômage par NUTS 2 (figure 12) montre que globalement le taux de chômage des régions turques se situe dans la moyenne européenne, mais qu‟une grande partie des régions du Sud-est présente un taux supérieur à 10 %, rejoignant les régions périphériques et ultrapériphériques aux difficultés sociales déjà très fortes (Allemagne orientale, Andalousie, régions ultra-marines).

L‟exemple du taux de chômage nous montre la limite à utiliser systématiquement le PIB par habitant comme indicateur du développement d‟un territoire. Depuis les années 1980, l‟économie du développement recourt à de nouveaux indicateurs pour mesurer et comparer les niveaux de développement entre pays. Si le PIB/habitant reste utilisé dans les analyses sur l‟Union européenne, c‟est essentiellement parce qu‟il sert de déterminant majeur pour l‟établissement du zonage de l‟attribution des fonds de cohésion.

94

Ibid.

95

Source : TUIK, Türkiye Istatistik Kurulu, Institut de Statistiques de Turquie.

96

OCDE, 2008, Economic Survey of Turkey 2008 : Enhancing competitiveness by fostering the growth of the formal sector, OCDE Publications.

Figure 11: Produit Intérieur Brut par habitant (PPA), UE et pays candidats en

2007

Source : Eurostat, Annuaire Régional 2010

Figure 12: Taux de chômage UE et pays candidats, 2008 Source : Eurostat, Annuaire Régional 2010.

L‟indicateur de développement humain (IDH) présente l‟avantage de quantifier l‟accès à des biens et des services sources de bien-être pour les populations sans qu‟ils contribuent pour autant à la croissance économique de nature monétaire, comme le secteur de l‟éducation ou de la santé. En 2007, la Turquie avait un IDH estimé à 0.679, soit le 83ème rang mondial. Elle se situe dans la catégorie des IDH moyens, au même titre que la Russie, la Bulgarie, le Chili ou la Tunisie. Elle est en-dessous de la moyenne européenne et d‟Asie centrale, qui est de 0.717, mais au-dessus de la moyenne mondiale, de 0.624. Ces résultats ne sont pas à la hauteur des pays membres de l‟UE ou des autres pays candidats (Bulgarie : 58ème rang mondial, Croatie 51ème rang mondial). Selon l‟analyse de J.C. Vérez, la Turquie pèche avant tout par un niveau de formation insuffisant, notamment en formation supérieure, et par des dépenses insuffisantes en matière de santé (Vérez, 2008). Les efforts sont donc encore importants pour atteindre les standards européens de développement.

1.1.4. Une économie émergente

La question du classement des pays en certaines catégories en fonction de leur niveau de développement est fortement débattue. Le principe même de développement est sujet à controverse. Adoptant une vision volontairement sociale du développement, Amartya Sen le définit comme un processus d‟élargissement des possibilités de chacun selon des capacités (capabilities), entendues comme « un ensemble de vecteurs de fonctionnement qui indiquent qu’un individu est libre de mener

tel ou tel type de vie 97». Même si cet indicateur est difficilement quantifiable, il insiste sur l‟importance de ne pas tomber dans le fétichisme de la croissance pour juger des performances d‟un pays en terme de développement. En 1998, Joseph Stiglitz développait six caractéristiques essentielles des économies en développement : un manque de capital physique, l‟insuffisance de l‟éducation, la faiblesse du niveau technique, un marché des capitaux insuffisamment développé, des interventions de l‟Etat qui entravent l‟allocation efficace des ressources, et une très grande inégalité entre les revenus98

. La Turquie répondait à plusieurs de ces critères jusqu‟à une date très récente : inflation élevée, prédominance du secteur agricole, instabilité du taux de change, fortes inégalités régionales, grande inégalité de revenus (Vérez, 2008). In fine, la catégorisation de la Turquie ne relève pas que des critères pris en compte et des catégories élaborées, mais aussi, et surtout, de ses résultats effectifs. On voit ainsi qu‟on ne peut plus la qualifier de pays du Sud ni de pays sous-développé.

Le qualificatif de pays émergent est celui qui semble le mieux correspondre. Les pays émergents, selon la définition de Christophe Jaffrelot, sont avant tout caractérisés par leur décollage économique et par une augmentation conséquente de leur part dans le revenu mondial et les échanges mondiaux99. Ils ont aussi en commun une certaine stabilité institutionnelle et la volonté de peser dans les rapports de force internationaux. La Turquie est sur cette voie, bien qu‟elle soit selon Ahmet Insel un pays

97

Amartya Sen, 2000, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Paris, Editions Odile Jacob, 356 p.

98

Joseph Stiglitz, 1998, Towards a new paradigm for development: strategies, policies and processes, 9ème Raul Prebisch Lecture, UNCTAD, Genève.

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émergent atypique100. Sa transition démographique est en passe de s‟achever, le revenu par habitant est en hausse régulière, le marché interne en pleine ouverture, tant sur le plan productif que financier. Mais l‟accroissement des inégalités régionales et la permanence d‟une forme de sous-développement signalent que croissance et développement ne sont pas automatiquement liés. Les mesures politiques prises pour résoudre ces problèmes, qui restent majeurs, seront donc déterminantes.

1.2.

Une prise en compte marginale dans les travaux prospectifs

La géographie est une discipline scientifique ; elle est aussi un outil d‟aide à la décision, une géographie pratique et appliquée en action101. Il est donc aussi intéressant de comprendre comment la Turquie est abordée dans les travaux européens d‟aide à la décision, essentiellement des travaux prospectifs visant à éclairer les choix politiques en fonction des tendances observées et de l‟anticipation des évolutions futures. Force est de constater que la Turquie n‟occupe pas une part prépondérante dans ces études. Pourtant candidat sérieux et majeur au Sud-est de l‟Europe, elle n‟est

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