• Aucun résultat trouvé

B. Symptômes et troubles psychotiques induits par les substances

4. Troubles psychotiques induits par le cannabis

a) Troubles psychotiques induits par le cannabis

- Aspects cliniques

Les symptômes induits par le cannabis peuvent persister plusieurs jours, parfois plusieurs semaines après la consommation [Pour revue : D'Souza et al. 2009; Krebs et al. 2003]. Il sont caractérisés par la persistance d‟hallucinations, en particulier visuelles, d‟idées délirantes polymorphes, d‟épisodes de dépersonnalisation-déréalisation et d‟agressivité [Pour revue : Ben Amar & Potvin 2007; Dervaux et al. 2002 ; D'Souza et al. 2009; INSERM 2001; Johns 2001; Krebs et al. 2003; Laqueille 2003, 2005; Nunez & Gurpegui 2002]. Cette symptomatologie, correspondant à l‟ancienne appellation de pharmacopsychose cannabique, correspond dans les classifications internationales aux troubles psychotiques induits par le cannabis, dont la durée ne dépasse pas 1 mois dans le DSM-IV et 6 mois dans la CIM-10. Il faut souligner que les observations de troubles psychotiques induits par le cannabis restent rares, la très grande majorité des consommateurs de cannabis ne présentant pas ce type de troubles [Pour revue : D'Souza et al. 2009]. Dans une étude comparant des patients présentant des troubles psychotiques induits par le cannabis, évalués entre 1 semaine et 1 mois après sevrage, et des patients schizophrènes, Nunez et Gurpegui [2002] ont retrouvé plus fréquemment chez les premiers des variations rapides de l‟humeur, des phénomènes de déréalisation-dépersonnalisation, des hallucinations visuelles. Il s‟agissait surtout de sujets de sexe masculin, mal socialisés. Les patients atteints de schizophrénie

présentaient plus fréquemment des troubles du cours de la pensée, une froideur affective ou des affects incongrus. Ces résultats confirment ceux recensés dans une revue de la littérature [Johns 2001].

Caton et al. [2005] ont comparé des patients présentant des troubles psychotiques induits par le cannabis (n=169) et des patients souffrant de troubles psychotiques primaires (n=217), admis dans un service d‟urgences psychiatriques : les premiers étaient caractérisés par la présence d‟hallucinations visuelles, d‟antécédents familiaux d‟addiction, de désocialisation, un début des troubles psychotiques plus tardif et des diagnostics d‟abus/dépendance et de troubles psychopathiques plus fréquents, alors que les seconds étaient caractérisés par des scores de symptomatologie psychotique plus élevés à l‟échelle PANSS et des antécédents familiaux psychiatriques plus fréquents.

Il faut souligner que les observations de troubles psychotiques induits par le cannabis décrits dans la littérature ne se réfèrent que rarement à une classification, utilisent rarement des instruments d‟évaluation standardisés ou des dosages biologiques, en particulier sanguins, et de ce fait ont été contestés, comme l‟ont souligné D'Souza et al. [2009] et Leweke et al. [2004]. La distinction entre troubles psychotiques induits par le cannabis et troubles schizophréniques est en effet particulièrement ardue, peu de signes cliniques distinguant clairement les troubles psychotiques primaires des troubles psychotiques induit par le cannabis, ce qui a conduit certains auteurs à discuter, voire à douter de la validité de ce diagnostic [D'Souza et al. 2009; Leweke et al. 2004; Thornicroft 1992; Verdoux & Tournier 2004]. Certaines observations chez des sujets plus âgés et bien insérés vont cependant dans le sens de la réalité du diagnostic de troubles psychotiques induits par le cannabis.

La question de la stabilité du diagnostic de troubles psychotiques induits par le cannabis a aussi été discutée récemment. Parmi une cohorte de patients évalués dans un service d‟urgences psychiatriques et présentant un diagnostic de psychose induite par une substance (cannabis dans 19% des cas), 25% ont reçu un diagnostic de psychose primaire après un an de suivi [Caton et al. 2007]. En revanche, le diagnostic de troubles psychotiques primaires restait stable. Dans cette étude, 33% des patients avec diagnostic de troubles psychotiques primaires et 71% des patients avec diagnostic de troubles psychotiques induits par une substance présentaient un abus ou une dépendance.

Les patients dont le diagnostic avait changé étaient caractérisés par une psychopathologie moins sévère et la survenue plus fréquente d‟idées suicidaires par rapport aux patients avec diagnostic de troubles psychotiques primaires. Ils étaient caractérisés par des antécédents psychiatriques familiaux plus fréquents par rapport aux patients avec diagnostic de troubles

psychotiques induits [Caton et al. 2007]. Parmi les sujets dont le diagnostic avait changé, les auteurs ont conclu sur les difficultés à distinguer cliniquement ceux en phase précoce de schizophrénie de ceux présentant des troubles psychotiques induits.

- Evolution

Dans une étude de registre danoise en population générale, seule étude prospective à ce jour ayant étudié le devenir des troubles psychotiques induits par le cannabis, près de la moitié d‟entre eux ont reçu ultérieurement un diagnostic de trouble schizophrénique selon les critères de l‟ICD-10 (durée moyenne du suivi : 6 ans) [Arendt et al. 2008]. Dans une autre étude sur des patients diagnostiqués avec un TPIS (n=35), concernant le cannabis chez 29 sujets et les stimulants chez 20 sujets (20 patients ayant aussi simultanément un abus/dépendance à l‟alcool), un tiers des patients avec TPIS ont été diagnostiqués avec un trouble schizophrénique dans les 2 ans suivant l‟évaluation initiale [Crebbin et al. 2009].

- Vulnérabilité familiale

La prédisposition de certains sujets aux effets psychotomimétiques du cannabis peut être liée à certains facteurs génétiques [Goldberger et al. 2004]. Une étude a retrouvé que les sujets avec troubles psychotiques induit par le cannabis avaient des antécédents familiaux de troubles psychotiques plus fréquents (7%) par rapport aux sujets témoins (0,7%), suggérant une vulnérabilité génétique à ces troubles dans cette population [McGuire et al. 1995]. Dans une autre étude de registre danoise sur plus de 2 millions de sujets en population générale, la fréquence des antécédents psychiatriques des apparentés du 1er degré, en particulier psychotiques, était comparable dans le groupe des patients atteints de schizophrénie (n=6476) et dans celui des sujets ayant présentés un trouble psychotique induit par le cannabis (critères ICD-10, n=609), caractérisés notamment par une durée des troubles psychotiques supérieure à 48 heures après la consommation de cannabis [Arendt et al. 2008]. Les auteurs ont suggéré que les troubles psychotiques induits par le cannabis étaient en réalité des troubles schizophréniques à un stade précoce, plutôt qu‟une entité clinique distincte [Arendt et al. 2008].

b) Syndrome amotivationnel

Le syndrome amotivationnel est caractérisé chez les consommateurs réguliers de cannabis par une symptomatologie proche de certaines formes déficitaires de schizophrénie : apragmatisme, anhédonie, indifférence affective, troubles de la concentration, retrait social, désintérêt progressif pour les proches et les activités scolaires, professionnelles et de loisir

[D'Souza et al. 2009]. L‟humeur est souvent dépressive. A la différence des schizophrénies, le syndrome amotivationnel régresse spontanément quelques semaines après le sevrage. Le concept de syndrome amotivationnel est discuté, en raison de l‟existence de biais dans les analyses, en particulier de la fréquence des troubles psychiatriques et des comorbidités addictives associés à cette symptomatologie [D'Souza et al. 2009].