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Troubles de la glycémie

IV. Régulation de la glycémie

5. Troubles de la glycémie

L’hyperglycémie est due à deux mécanismes plus ou moins bien connus que sont la résistance à l’insuline et les troubles de l’insulino-sécrétion. La part de chacun de ces mécanismes dans l’apparition de la maladie est plus ou moins importante avec un rôle a priori plus important pour les troubles de l’insulino-sécrétion.

a. Résistance à l’insuline ou insulino-résistance

Les mécanismes physiopathologiques de la résistance à l’insuline ne sont pas totalement compris mais on sait qu’ils jouent un rôle important dans le développement du DT2. La résistance à l’insuline apparaît 10 à 20 ans avant l’apparition du DT2 et est le meilleur prédicteur de la maladie. Lors d’un apport important en glucose dans le sang, le pancréas sécrète de l’insuline qui, via des récepteurs cellulaires (IRs et GLUTs), va permettre l’entrée du glucose dans les cellules musculaires, hépatiques et adipeuses permettant ainsi de stabiliser la glycémie. La résistance à l'insuline ou insulino-résistance correspond à

l'insensibilisation de ces récepteurs cellulaires à l'insuline. Cette dernière n’est donc plus capable de faire entrer le glucose dans les cellules, entraînant ainsi une accumulation du glucose dans le sang, d’où une hyperglycémie. Pour pallier ce défaut, le pancréas va augmenter de façon proportionnelle sa sécrétion d’insuline. Ceci permettra de maintenir une glycémie à un niveau normal. Avec le temps, le pancréas va s’affaiblir et ne produira plus suffisamment d’insuline pour compenser l’insulinorésistance, une IG va alors se développer, puis un DT2. Les personnes intolérantes au glucose affichent une glycémie supérieure à la normale mais pas suffisamment élevée pour être considérées comme diabétiques ; elles sont dites « pré-diabétiques ». Selon l’OMS et l’ADA, l’IG est définie par une glycémie comprise entre 1,40 et 2 g/L (entre 7,8 et 11,1 mmol/L) 2h après un test HGPO. L’IG est un stade fréquent de transition vers le DT2 ; 70% des personnes touchées par une IG développeront par la suite un DT2. C'est un problème qui semble en augmentation constante mais avec des zones et des populations diversement affectées. Chez les 20-79 ans, en 2005, 314 millions de personnes dans le monde étaient atteintes d'IG, et l'association mondiale contre le diabète estime qu'en 2025, au rythme actuel, 472 millions de personnes pourraient être touchées. Cette maladie semble être favorisée par des facteurs environnementaux délétères tels que la sédentarisation, une mauvaise alimentation, l’obésité ou des antécédents familiaux (voir le chapitre III.2).

L’insulinorésistance aurait une composante génétique puisqu’on la retrouve chez les enfants ayant une tolérance glucidique strictement normale mais ayant deux

parents diabétiques non insulino-dépendants. Sur le plan métabolique,

l’insulinorésistance fait suite à un excès de graisse au niveau des muscles et du tissu adipeux viscéral ; elle est donc souvent une conséquence de l’obésité. Le tissu adipeux viscéral libère une grande quantité d’AGL. Ces derniers favorisent la synthèse hépatique des TG et stimulent la néoglucogénèse hépatique. Au niveau musculaire, il existe une véritable compétition entre les AGL et le glucose pour être oxydé : les AGL sont oxydés en priorité, entraînant une production accrue d’acétyl-CoA qui inhibe en retour les enzymes de la glycolyse. L’énergie musculaire est donc fournie en priorité par l’oxydation des AGL et le stock de glycogène musculaire reste intact, ce qui réprime en retour la glycogène synthase. Le stockage et l’utilisation du glucose sont donc diminués au niveau musculaire. La stimulation de la néoglucogenèse hépatique et la diminution de l’utilisation du glucose dans les muscles conduisent à l’augmentation de la glycémie. Les anomalies de l’action de

l’insuline sur les tissus cibles se traduisent donc par une diminution du captage de glucose par les muscles et par une augmentation de la production hépatique de glucose. Elles sont liées à des défauts multiples dans les mécanismes de signalisation par le récepteur de l’insuline et dans des étapes régulatrices du métabolisme du glucose (transport, enzymes clés de la synthèse de glycogène ou de l’oxydation mitochondriale du glucose). Ces défauts «post-récepteurs» sont amplifiés par la présence d’une concentration augmentée d’AGL [Girard 2005].

Le mécanisme précis par lequel la résistance à l’insuline entraîne une

défaillance des cellules β−pancréatiques n’est pas encore bien compris. Une

hypothèse possible est que la cause de l’insulino-résistance (un excès d’AG) est directement responsable de la défaillance des cellules bêta ; c’est le phénomène de lipotoxicité.

La résistance à l’insuline peut être estimée par des mesures directes telles qu’un clamp hyperinsulinémique-euglycémique ou par des mesures dynamiques indirectes telles qu’un IVGTT (IntraVenous Glucose Tolerance Test), un FSIVGTT (Frequently Sampled Intravenous Glucose Tolerance Test) ou un HGPO. Il est également possible d’estimer la résistance à l’insuline par des mesures indirectes grâce à l’utilisation d’index tels que le HOMA-IR (Insulinémie à jeun (mU/ml) x (glycémie à jeun (mmol/L)/22.5) ou le QUICKI (QUantitative Insulin-sensitivity ChecK Index) (1/((log insulinémie à jeun (mU/ml)) + (log glycémie à jeun (mg/dl))). Ces index sont plus couramment utilisés dans les études épidémiologiques [Rabasa-Lhoret et al. 2001].

b. Troubles de l’insulino-sécrétion

La sécrétion d’insuline peut être altérée à cause d’un défaut de sécrétion ou bien un défaut de la masse de cellules bêta.

Des estimations quantitatives d’îlots et de cellules bêta ont été réalisées post-mortem sur des pancréas de patients diabétiques et comparés avec ceux de sujets non diabétiques [Clark et al. 1988] [Stefan et al. 1982]. Dans ces études, il a été montré que la quantité de cellules bêta issues de sujets diabétiques est similaire ou réduite de 30% quand elle est accompagnée de dépôts amyloïdes. Une etude plus récente sur des autopsies de sujets diabétiques reporte un déficit de la masse de

cellules β-pancréatiques allant de 0 à 65% ainsi qu’une augmentation de l’apoptose

une légère augmentation du nombre de cellules alpha ainsi qu’une augmentation de cellules provenant du canal pancréatique (précurseurs des cellules bêta) qui sont plus sensibles à l’insuline chez les sujets ayant un DT2 comparés aux sujets non diabétiques. Ceci suggère que la néogenèse des cellules bêta est augmentée dans le DT2. Il a également été mis en évidence que le changement du nombre de cellules bêta est indépendant de la durée du DT2 [Clark et al. 1988]. La réduction du nombre de cellules bêta ne semble pas être le facteur le plus important engendrant la survenue d’un DT2. En effet, il a été montré chez le babouin qu’une réduction de 50% de la masse des cellules bêta est nécessaire pour induire une hyperglycémie [Clark et al. 1988].

D’autres études suggèrent que les troubles de l’insulino-sécrétion seraient plutôt dus à une dysfonction des cellules bêta. En effet, des études ont mis en évidence qu’une concentration faible en glucose (6 à 8 mmol/L) provoquait une augmentation de la sécrétion d’insuline à partir d’une petite population de cellules bêta isolées [Pipeleers 1992] [Lewis et al. 1988]. Ces travaux ont également montré qu’une concentration en glucose plus élevée (> 8 mmol/L) entraînait le recrutement de plus de cellules et augmentait la sécrétion en insuline des cellules qui répondaient initialement [Pipeleers 1992] [Lewis et al. 1988]. Au sein même d’une population de cellules bêta, il existe une différence dans la réponse aux variations de glycémie. Ceci permettrait d’avoir une large réserve de cellules capables de sécréter de l’insuline et qui peuvent être mobilisées en cas de condition d’insulino-résistance. Dans le DT2, la masse initiale de cellules bêta n’est peut-être pas adéquate pour compenser les changements de la sécrétion d’insuline.

La perte de sécrétion insulinique au cours de l’évolution du DT2 serait principalement due aux « gluco et lipotoxicités ». Indépendamment des anomalies primitives de la cellule bêta, le diabète lui-même et ses conséquences métaboliques altèrent le potentiel insulino-sécréteur. Cette altération porte à la fois sur la fonction (avec une réversibilité possible) et sur le stock de cellules bêta (étape de non-retour). L’hyperglycémie chronique crée des conditions de « glucotoxicité » (notion développée dans le chapitre V.2.a) et des altérations métaboliques aiguës, une « lipotoxicité » [Avignon et al. 2001]. La dysfonction des cellules bêta pourrait également être, en partie, causée par l’IAPP (Islet Amyloid PolyPeptide). En effet, ce peptide amyloïde est exclusivement exprimé dans les cellules bêta et est co-sécrété avec l’insuline, suggérant un rôle important dans le métabolisme glucidique

[Westermark et al. 2011]. Les dépôts de peptide amyloïde sont associés à une diminution du volume des îlots suite à une réduction de la masse des cellules bêta [Westermark et al. 2011]. Ce processus serait responsable d’une diminution de la réponse insulinique dans le DT2. Cependant, ces résultats restent controversés.

L’estimation de la sécrétion d’insuline peut être réalisée par des méthodes simples telles que la mesure de l’insulinémie à jeun ou de la glycémie à jeun, des mesures de l’augmentation en insuline plasmatique à jeun 30 min après un HGPO ou encore de l’augmentation en insuline ou en peptide-C après une stimulation par le glucagon. Mais ces mesures ne permettent pas de distinguer les différents diabètes (DT1, DT2, diabète de type MODY ou autre) [Vague et al. 2002]. D’autres mesures de la sécrétion d’insuline, plus précises et plus largement reconnues, sont également utilisées telles qu’un clamp hyperglycémique ou un IVGTT, cependant, ces méthodes nécessitent la présence d’un personnel nombreux et qualifié, ce qui le rend difficile à utiliser en étude de population [Archambeaud et al. 2001]. Pour pallier ce problème, des méthodes plus simples et pouvant être utilisées en routine sont employées ; ce sont des méthodes indirectes de calcul d’index tels que le HOMA-B ((20 x Insulinémie à jeun (mU/ml))/(glycémie à jeun (mmol/L) – 3,5) (en %)) et le QUICKI. Par ailleurs, des études ont mis en évidence que l’index HOMA-B permet une meilleure estimation de la sécrétion d’insuline par les cellules bêta que l’IVGTT ou le clamp hyperglycémique. En effet, le HOMA-B estime la sécrétion d’insuline indépendamment des changements de la sensibilité à l’insuline [Matthews et al. 1985]. Or, la sécrétion d’insuline est souvent diminuée au moment du diagnostic du DT2 et continue de diminuer avec l’aggravation de la maladie.