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Si on se demande : « est-ce que les ATPM pourraient utiliser le trottoir? », il faut considérer les caractéristiques des utilisateurs actuels, qui sont les piétons et les usagers AMM, soit des personnes à mobilité restreinte qui se déplacent en fauteuil roulant ou en quadriporteur. Les principaux éléments à considérer à l’égard de la sécurité des usagers AMM et des piétons est leur vitesse de déplacement et leur degré de protection face aux ATPM.

Il va sans dire que si l’on considérait uniquement la protection de l’usager ATPM, le trottoir serait l’endroit idéal pour le laisser circuler, car il serait ainsi isolé du trafic motorisé. Or, l’impact sur la sécurité doit d’abord être envisagé pour autrui, car on introduit ici une nouvelle forme de cohabitation, s’additionnant à celles qui existent déjà sur le réseau.

Le piéton partage actuellement le trottoir avec les usagers AMM (incluant les fauteuils roulants motorisés ou à propulsion humaine, ainsi que les triporteurs et les quadriporteurs), qui par définition, sont considérés par la SAAQ, depuis 1975, comme des piétons.

Le piéton se déplace sans aucune propulsion mécanique, donc à très basse vitesse, soit en deçà de 6 km/h. Cette dernière valeur correspond à un marcheur qui avance à grande allure.

Autre caractéristique des piétons, ils peuvent s’immobiliser à tout moment, sans préavis. Le fait que les piétons arrêtent ou changent de direction, sans que cela ne soit anticipé, pose des problèmes de sécurité advenant qu’un usager ATPM ne dispose pas d’une distance de freinage suffisante pour éviter la collision à une certaine vitesse. Effectivement, les piétons peuvent déambuler, s’amuser et se promener sans avoir de but précis autre que de faire une ballade. Ils ne se déplacent pas nécessairement dans une logique de « circulation », comme le font presque toujours les automobilistes, du point A au point B. La circulation piétonnière n’en est pas toujours une de « transit », comme le serait par exemple celle d’un usager ATPM qui troquerait sa voiture pour un « scooter ».

Le trottoir est, par définition, un espace réservé aux usagers qui se déplacent à une vitesse qui n’excède pas le « trot ». C’est un lieu où l’usager peut aller sans craintes, en marge de la circulation motorisée. La bordure des trottoirs a même été surélevée dans le but d’en faire un lieu protégé. Le trottoir est ainsi conçu car les piétons sont les usagers les plus vulnérables du réseau. Leur manque de protection fait en sorte qu’on cherche, par tous les moyens, à les isoler de la route.

Les piétons sont si mal protégés que des dispositifs spéciaux sont utilisés pour contrôler les flux de circulation, et dont la fonction est de bloquer tout le trafic pour permettre aux piétons de traverser la route. Deux bons exemples sont les phases prioritaires, prévues aux feux de circulation, et aux feux pour piétons, de même que les passages pour piétons, marqués sur la chaussée, et auxquels les conducteurs doivent obligatoirement céder le passage. Dans ces deux contextes, tous les véhicules à proximité du piéton sont immobilisés, afin de lui permettre d’emprunter « temporairement » l’espace réservé aux véhicules motorisés. Ces principes d’aménagement, développés pour protéger les piétons, témoignent, de par leur nature, de l’impossibilité à faire cohabiter les piétons et les véhicules dans sur un même espace, une même infrastructure. La cohabitation est parfois possible, entre les piétons et les cyclistes, mais sur des aménagements beaucoup plus larges et fonctionnels que les trottoirs actuels. On fait ici référence aux sentiers multifonctionnels, suffisamment larges, mais qui d’autre part, ne sont pas toujours sans risques, en fonction de l’achalandage et des autres conditions retrouvées sur le site.

Il faut également se demander, du fait que la réglementation actuelle interdise aux cyclistes d’aller sur le trottoir :

« Sur quelle prémisse de sécurité le trottoir pourrait-il être permis aux ATPM »?

« Pourquoi jugerait-on un appareil non motorisé plus à risque qu’un motorisé »?

En effet, donner le trottoir aux ATPM apparaît illogique, considérant que la plupart des ATPM peuvent actuellement aller à des vitesses équivalentes ou supérieures à celles d’une bicyclette.

De surcroît, les ATPM sont beaucoup plus pesants qu’une bicyclette, et plus larges, donc plus à risque de causer des accidents avec les piétons, et plus dangereux advenant une collision.

Certains auteurs, comme Darmochwal et Topp (2006), seraient prêts à accepter un ATPM comme le Segway® sur les trottoirs, à condition que l’usager circule à 6 km/h ou moins. Or, il y a lieu de se questionner sur la rigueur d’une telle éventualité car on sait maintenant que les usagers circulent toujours à la limite, ou près de la limite de l’appareil (Do, 2007). De fait, comment s’assurer que les usagers s’auto-disciplineront? Ce type de permission, qui fait appel à la bonne volonté des usagers, est facile à évoquer, mais impossible à contrôler par les policiers. Techniquement, le radar ne capte pas les vitesses à moins de 20 km/h. Dans ce contexte, amener en preuve un excès de vitesse sera impossible, ce qui compromet toute forme de répression du comportement, pour assurer la sécurité des piétons.

Une solution alternative consiste à demander aux fabricants de limiter leurs appareils à un maximum de 6 km/h. Une telle avenue, bien que techniquement faisable, est difficilement acceptable par l’industrie, car les ATPM perdraient ainsi leur attrait aux yeux des consommateurs. Et même si la limitation de vitesse était obligatoire et suivie par l’industrie, débrider un appareil est devenu presque aussi facile que limiter l’appareil. De ce fait, prouver la vitesse excessive d’un ATPM débridé serait difficile. Autrement dit, fixer une limite « théorique » aussi basse que 6 km/h, pour des véhicules qui ont « techniquement » la capacité d’aller beaucoup plus vite, revient à penser naïvement que « toutes » les voitures roulent à 50 km/h

lorsque la vitesse affichée est de 50 km/h. En somme, ce qui risque d’arriver concrètement, dès qu’on aura donné aux ATPM la possibilité de circuler sur le trottoir, c’est que plus rien ne pourra être fait pour contrôler leur vitesse « réelle ». Un règlement inapplicable revient souvent, en bout de piste, à l’absence de règlement.

Du fait qu’il n’est pas possible de contrôler la vitesse des cyclistes, ni la vitesse des usagers ATPM, et que leur présence sur le trottoir soit tout aussi dangereuse pour les piétons dans les deux cas, il est souhaitable que les décideurs aillent dans le sens de la loi actuelle, et qu’en plus de continuer d’interdire le trottoir aux cyclistes, que celui-ci soit interdit à toute forme de circulation motorisée, hormis bien sûr les AMM.

Ce principe est fondamental et sans doute non négociable pour la sécurité: le trottoir est un lieu qui doit demeurer exclusif aux piétons. Aucun outil ou moyen de transport à propulsion, motorisée ou humaine, ne devrait être permis sur le trottoir, à moins que ce soit pour permettre à une personne qui a des limitations à la marche de pouvoir se déplacer. Cette exception fait référence aux personnes qui ont des problèmes de mobilité, et non celles qui choisissent d’utiliser un appareil pour éviter de marcher.

D’autre part, le trottoir implique des contraintes physiques liées à la largeur des appareils. Au Québec, les municipalités aménagent les trottoirs en fonction de normes de largeur, qui varient entre 1,25 et 1,75 m. Dans la plupart des municipalités, les trottoirs ont une largeur de 1,2 m, parfois un peu moins. Il faut considérer que les trottoirs datent souvent de plusieurs années, voire de trente à quarante ans. Il faut aussi considérer que les vieux trottoirs sont souvent plus étroits que les nouveaux, construits ou réaménagés en fonction de nouvelles normes.

Autre aspect à considérer, une municipalité ayant des ressources limitées pour aménager des trottoirs peut décider d’en installer seulement là où les rues sont très étroites, donc là où il est impossible de les élargir. Dans les nouveaux développements résidentiels, un trottoir est rarement installé, car on prévoit suffisamment d’espace pour que les piétons puissent circuler en marge de la chaussée, sans craindre les véhicules routiers. Dans les anciens secteurs, où les rues sont étroites, il y a souvent un trottoir, mais celui-ci peut difficilement être élargi, car la voie de circulation est trop étroite. C’est donc dire que dans bien des cas, il faut « faire avec » les trottoirs existants, même s’ils sont étroits, car ils ne peuvent être élargis.

Du côté des métropoles achalandées, comme Montréal, qui comptent un fort achalandage piétonnier, les trottoirs sont plus spacieux que dans les petites et moyennes villes, où le ratio piéton / auto est beaucoup moins élevé. Il faut donc reconnaître que les trottoirs n’ont pas toujours la même largeur, d’une municipalité à l’autre, ce qui complique un éventuel choix d’utiliser le trottoir comme infrastructure pour les ATPM.

Enfin, Schoon et al. (2007), mentionnent une autre contrainte relative aux trottoirs. En se basant sur un questionnaire administré à des utilisateurs, le Segway® pose des problèmes avec les chaînes de trottoir. Sur le terrain, ces appareils et bien d’autres ne peuvent enjamber ou sauter ces dernières.