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Troisième Partie : Artificialisation des sports de nature en milieu urbain : stratégie des acteurs de l’offre face à l’évolution

de la demande

La première partie de notre thèse a fourni des éclairages théoriques sur le concept de diffusion. Les concepts sociologiques et géographiques d’une part, et les spécificités à tester, dérivées des contributions des sciences de gestion prenant en compte le rôle des acteurs de l’offre et de la demande d’autre part, témoignent du caractère multidisciplinaire et multiforme de la diffusion

.

Mais ces auteurs ne se sont jamais intéressés au secteur des prestations de services « loisirs sportifs » et il n’est pas certain que l’ensemble de leurs résultats soit généralisable. C’est pourquoi nous avons précisé en deuxième partie dans quel cadre le processus de diffusion allait se dérouler. Des spécificités du secteur de l’équipement et des contraintes du secteur des prestations de services sportives ont alors été mises en évidence. Notre recherche de terrain vise maintenant à apporter des éléments complémentaires à la théorie de la diffusion. L’approche théorique préliminaire et la connaissance du contexte ont représenté de précieux auxiliaires dans la mise en place du dispositif d’enquête terrain et l’exploitation des résultats.

La recherche terrain a été organisée en deux chapitres correspondant chacun à une dimension méthodologique de l’analyse, à savoir : la demande et l’offre :

• Le chapitre 6 permettra de mieux connaître le client (pratiquant, usager) dans l’expression de ses besoins spécifiques quant à l’activité proposée et de mesurer son niveau d’interaction dans le processus d’innovation / diffusion. On attachera une importance particulière :

o aux caractéristiques des adoptants (référence faite à Rogers, Moore, Watts et Dodds),

o à la vitesse d’adoption et à ses facteurs d’influence (Rogers, Golder, Tellis), o aux caractéristiques des innovations (Rogers, Hillairet, Desbordes),

o aux caractéristiques de l’environnement : offre, base installée (externalité de Rogers, Gatignon, Higgins et Martin).

• Le chapitre 7 décrira l’offre globale et démontrera qu’il est possible de s’éloigner partiellement ou plus radicalement des trajectoires générales de son secteur (Cf. Supra.

193 Chapitre 5. Analyse multidimensionnelle des secteurs), en développant des compétences et des qualités propres à l’entreprise, voire en empruntant à des secteurs connexes. Il sera illustré par 3 études de cas où la diffusion d’une nouvelle pratique sera gérée spécifiquement. Le Mur de Lyon illustrera le secteur de l’escalade marchande, le site de Huningue les espaces d’eau vive et Fourvière Aventure les parcours acrobatiques en hauteur. On attachera une importance particulière :

o aux logiques de standardisation des offres et procédures (en référence à Ritzer, Shove et Eden),

o aux logiques de perception dans les extensions de marque.

Ainsi cette partie propose une présentation du terrain d’étude pour la réalisation de la recherche et l’ensemble des résultats obtenus grâce aux investigations. Dans chacun des deux chapitres, on recherchera les points de vue comparés pour chaque sous-secteur à nos deux hypothèses sur :

• Le sens de l’innovation : fait du pratiquant ou du producteur.

• Les conséquences de l’artificialisation et l’accroissement de la demande.

Préalablement, il nous a fallu définir avec précision et argumentation les typologies de pratique de pleine nature qui permettent d’asseoir nos hypothèses. En d’autres termes, quelles pratiques sélectionner ? Le premier critère a été le niveau de croissance. PAH, EEV et SAE sont dans des registres effectivement de développement intéressants. Certes, chaque pratique présente des configurations de gestion distinctes, notamment, par rapport aux investissements demandés. Ainsi, les EEV sont-ils dans une fourchette d’investissement haute qui les met sous dépendance du secteur public. Cette originalité loin d’être handicapante représente un intérêt comparatif certain pour les autres activités retenues. Les PAH, par opposition aux deux autres équipements retenus, sont eux dans une logique de base, dérivée du ludique plus que du sport. Encore une fois, cette singularité représente une profondeur d’analyse à notre sujet. Enfin les SAE recouvrent des équipements à la fois sous gestion publique et privée. Cette originalité semble démontrer l’avance prise par ce sous-secteur sur les deux autres et peut être révélatrice d’un futur possible pour ceux-ci.

Au-delà, et de façon complémentaire, nous avons retenu de travailler sur des équipements dont les fondements étaient les suivants :

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La contrainte d’éloignement : plus une activité nécessite des déplacements longs pour une pratique, plus elle va créer de la frustration chez les pratiquants potentiels en milieu urbain et, par conséquent, les chances de création d’un site ex-nihilo / artificiel augmentent.

Le prix : plus le facteur prix impacte la sortie en pleine nature, plus les activités vont se développer en zone urbaine (téléski nautique, ski dôme).

Le caractère aléatoire : plus une pratique est dépendante de facteurs météo, plus elle a des chances de s’inscrire dans une démarche d’artificialisation redimensionnée en zone urbaine.

Le caractère individuel : moins une pratique dépend d’un nombre de pratiquants important, plus elle a de chance de se développer. Autrement dit, plus elle peut être individualisée, plus elle se développe.

La motricité : plus la motricité est spécifique (en dehors de courir nager, sauter, grimper, faire du vélo) moins la pratique a des chances de s’urbaniser (kayak, raft, surf en piscine).

Les 3 terrains sélectionnés entrent dans ce cadre :

• Escalade en salle secteur privé et assimilé : SAE.

• Espaces eaux vives artificiels : EEV.

• Parcours acrobatiques en hauteur : PAH.

Les sites de ski « indoor », VTT « indoor » et du canyon park artificialisé apporteront des contre-points intéressants. Sur ces bases, et afin de réellement prendre la mesure d’un phénomène d’influence en zone urbaine les 3 sites retenus l’ont été pour les raisons suivantes :

• La proximité d’une d’agglomération de taille minimum (100 000 habitants) ; notre objet d’étude se situe au regard des pratiques urbaines, aussi avons-nous exclu les sujets d’artificialisation de la nature sur des sites touristiques (bassin de CK de Bourg St Maurice, salle d’escalade de Chamonix).

• La neutralité de l’environnement : nous n’avons pas retenu une salle d’escalade à Grenoble ou Annecy compte tenu du phénomène naturel d’acculturation des populations qui pourrait justifier de perceptions et de stratégies d’acteurs propres. Les

195 critères géographiques excluent les zones trop sensibles à la montagne ou sur le littoral pour les raisons évidentes de travestissement de la réalité des motivations.

En définitive, la présente analyse est fondée sur des indicateurs de développement et de dynamisme marketing :

• niveau des créations d’entreprises / sites,

• niveau d’innovation technologique,

• niveau de renouvellement de l’offre.

Chapitre 6 : L’expression d’une demande interactionnelle

Ce chapitre permet de cerner les attentes et besoins des pratiquants de sports de nature en zone urbaine, et par là même, de déterminer leur implication dans le processus de diffusion des innovations techniques ou servicielles. En d’autres termes, les développements suivants vont nous permettre d’identifier les motivations, les positions concernant les valeurs de l’activité, le sens donné aux activités, le rythme de pratique (fréquence et récurrence), les attentes vis-à-vis des exploitants, leur vision par rapport à l’avenir des développements et les déterminants de l’innovation. Ainsi, ce chapitre analyse les résultats de deux enquêtes conduites auprès d’un total de 456 pratiquants : 252 ont été administrés auprès des usagers d’un site d’escalade indoor et 204 auprès d’un site urbain de parcours acrobatique en hauteur. L’objectif poursuivi avec cet outil est de répondre aux questions soulevées en introduction et à nos 2 hypothèses et 4 sous-hypothèses :

Hypothèse 1 : La demande guide l’innovation et la diffusion plus que l’offre

o H1a / La demande des usagers, pratiquants et consommateurs finaux guide l’innovation et sa diffusion.

o H1b / L’offre des prestataires de services et de produits, publics et privés, guide l’innovation et sa diffusion.

À l’aide de ces outils, nous développerons les réponses aux questions opérationnelles suivantes :

o Quelle est la responsabilité des pratiquants dans la diffusion ?

o Peut-on affecter des responsabilités différentes en fonction des catégories de pratiquants / d’adoptants ?

196 o Quel est leur niveau d’interaction avec les exploitants aux différentes phases de

développement / contagion ?

o Quel est le niveau d’interaction entre les catégories de pratiquants ?

o Quelles sont les caractéristiques des services qu’ils attendent selon leur niveau / implication (loisir, compétition, haut niveau) ?

Hypothèse 2 : L’artificialisation des sports de nature contribue à développer la pratique

o H2a / L’artificialisation d’une pratique contribue à développer une nouvelle modalité de pratique (hybridation) hors cadre fédéral.

o H2b / L’artificialisation d’une pratique contribue à développer la pratique originelle.

De la même façon, deux parties du questionnaire complèteront les données quantitatives collectées auprès des fédérations (FFME401, CAF402, FFCK403) et autres institutions (Ministère Jeunesse et sports, et Vie Associative, Bulletins Stat-Info, Syndicat National des Exploitants de Parcours Aventure) permettant de caractériser les pratiques et de répondre aux questions suivantes :

o Constatons-nous une évolution de la pratique ?

o Existe-t-il une pratique dédiée qui va se développant ? o Les équipements contribuent-ils à augmenter la demande ?

Les exploitants pourront éventuellement modifier les processus d’innovation et de diffusion selon les caractéristiques des attentes et de la concurrence observée. Le chapitre 6 est organisé en cinq sous-parties :

o La méthodologie employée dans l’enquête, la construction du questionnaire, et le focus groupe.

o Les résultats et leurs interprétations sur les SAE.

o Les résultats et leurs interprétations sur les PAH.

o Les résultats et interprétations sur les EEV et le groupe divers.

o Les enseignements généralisables à l’ensemble des secteurs.

401 Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade.

402 Club Alpin Français.

403 Fédération Française de Canoë Kayak.

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6.1. Méthodologie

Afin de répondre à nos deux hypothèses H1 et H2, nous avons dans un premier temps collecté des données secondaires auprès des diverses institutions sur les évolutions des effectifs des fédérations concernées, en nombre et en caractéristiques de pratiques et de consommation. Outre ces éléments, nous avons mis en place un dispositif de terrain de recueil de données primaires.

À cet effet, nous avons mobilisé trois outils méthodologiques : un questionnaire (Cf.

Annexe N°37), un focus groupe et des entretiens semi-directifs avec les prestataires de l’offre. Ces outils ont permis d’apporter de la profondeur qualitative à nos intuitions et aux éléments déjà collectés. Ainsi, nous avons pu bâtir les conclusions d’une analyse de la demande en croisant les regards des usagers et des producteurs de l’offre, sur les problématiques du sens de l’innovation, de la paternité de la diffusion et de l’accroissement de la demande. Au-delà d’un certain nombre de confirmations, ce croisement de protocoles apporte nuances, contrastes et développements. Le dispositif à l’initial, était calibré également sur un 3ème site d’enquête en milieu urbain pour les espaces eaux vives artificialisés, en l’occurrence le site de Huningue / Mulhouse. Pour des raisons techniques, il n’a pu être accompli de façon satisfaisante. Ainsi, l’analyse des pratiquants / consommateurs sur ce secteur des EEV est basée sur les entretiens semi-directifs, lesquels auront servi de support également pour les stratégies d’acteurs (Cf. Infra. Chapitre 7).

L’analyse du groupe Divers (Ski, Canyoning, VTT) est basée également sur la collecte de données issues d’entretiens semi-directifs.

L’analyse des secteurs PAH et SAE est, ainsi, fondée sur des entretiens semi-directifs et sur une enquête « terrain » auprès des pratiquants. Enfin, le secteur du SAE aura vu l’analyse complétée par un outil qualitatif développé avec le pilotage d’un focus group auprès de la demande.

Le focus groupe a réuni 5 personnes, 2 hommes et 3 femmes au cours d’une séance de 2h.

Le guide d’entretien reprenait les thématiques de l’étude à savoir :

• Statut de l’activité : est-ce une activité à part entière ? Quel est le sens donné à l’activité (sportive, ludique, préparation aux sorties de pleine nature) ?

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• Localisation de la salle : analyse de la perception d’implantation idéale.

• Offre technique / Diversification des activités : importance accordée au caractère dédié de l’équipement.

• Vision sur les pratiquants de la salle : profils socio démographiques, valeurs…

• Origine de l’offre : quel est leur point de vue sur qui produit quoi ?

• Évolution de l’offre produit / service / marketing : appréciation du renouvellement, de la diversité de l’offre, de la présentation des offres (signalétiques, communication), gestion des affluences.

• Féminisation de la pratique.

L’objectif du focus groupe était de révéler des éléments complémentaires au questionnaire, auquel les participants avaient déjà répondu. L’inter action des acteurs a été profitable (contenu, thématiques et échanges) en dépit de l’effectif restreint (Cf. Transcript. Annexe N°5). Le tableau suivant dresse les conclusions de la réunion.

Encadré N° 10 / Conclusions du Focus Groupe 404 Statut

de l’activité

Activité spécifique différente. Gymnastique. Zénifiant. Distinct de l’alpinisme. Sécurisant.

Communication Interne

Déficit global. Recherche de partenaires difficiles. Écoute du pratiquant en progrès. Repérage des professeurs dans la salle.

Communication sur les voies absente.

Ambiance Intégration difficile. Convivialité mise à mal par propreté déficiente.

Ambiance froide. Individualisme ressort même si micro groupes Localisation Public attaché à la centralité de la salle

Offre Technique Sécurité appréciée. Diversification opportune, mais à doser.

Développer de nouvelles offres telles que des voies extérieures, une dalle spécifique pour les « enfants », du dry tooling…

La tendance pour plus de voies « débutant » est une mauvaise idée.

Offre

Organisation

Propreté déficiente. Bruit = problématique. Offre restauration appréciée.

Origine de l’offre Pratiquant et prestataire.

404 Détails en Annexe N°5.